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Rubrique Kiosque arabe

Le Soudan vire en tête

En lisant la presse égyptienne, on devine entre les lignes des éditoriaux une certaine gêne à évoquer la prolongation des mandats du maréchal Sissi jusqu’à 2030, où il aura 76 ans. Certes, l’opinion est unanime et pas une tête ne dépasse pour dire le contraire selon la loi de Hadjadj Benyoussef, mais la plaidoirie est laborieuse, teintée de honte et peu convaincante. Même les louanges d’usage, pour faire passer l’amertume du remède, se ressentent de la gêne des thuriféraires improvisés et de leur manque d’enthousiasme à tresser des lauriers au chef. Du coup, la révolution en cours chez le plus que voisin soudanais est reléguée au second plan et en toute bonne logique puisque le Soudan finit un règne et que l’Égypte entame un autre. D’accord, le Soudan est trop proche, trop voyant, jusqu’à suggérer que ce qui se passe aujourd’hui à Khartoum pourrait se reproduire demain au Caire, oublions vite ces satanés voisins ! Et l’Algérie, alors, chers confrères, vous avez déjà oublié qu’une révolution se déroule aussi là-bas, même si les tonnerres et les clameurs sont un peu plus lointains ? Il ne vous inspire pas cet étrange échange entre un peuple et son armée, l’un s’exprimant le vendredi et l’autre lui répondant le mardi ? Le premier exigeant le changement rapide et le second prenant son temps tout en brandissant un sablier !
Il faut admettre que s’il n’y avait pas cette réforme constitutionnelle qui assoit le pouvoir de Sissi, au moins pour onze années encore, les commentateurs égyptiens se seraient régalés : du côté sud, ces milliers de Soudanais manifestant tous les jours devant le quartier général de l’armée, à Khartoum, et n’ayant que la rue à traverser pour parler aux détenteurs du pouvoir. Plus à l’ouest, ils ont ces Algériens, frères en langue et en Ligue arabe, ennemis jurés en football, qui envoient des messages de la rue et attendent la canonnade, pour avoir une réponse. Jusqu’ici, les Soudanais persistent et signent : ils veulent un gouvernement civil qui ne soit pas la copie du précédent et le jugement d’El-Béchir de ses proches et de ses barons. En Algérie, le retrait forcé de Bouteflika semble avoir été le feu vert donné à ses successeurs désignés pour organiser une transition à l’issue de laquelle tout va redevenir comme avant ou presque. Au Soudan, El-Béchir a été mis aux arrêts de rigueur, ainsi que ses deux frères, et des membres influents de son parti et de son entourage, alors qu’en Algérie, on procède par lâchages. On livre aux tribunaux ou à l’amnésie populaires quelques figures de proue de ce qu’il est convenu désormais d’appeler le « bouteflikisme » et on continue de faire avec, mais sans lui. 
En Algérie, comme au Soudan, on applique la doctrine dite du « Poil de Mu’awya », qui relie le pouvoir au peuple : quand ce dernier tire, on fléchit, et quand il fléchit, on tire (sur le poil). A Khartoum, comme à Alger, on tient fermement le bon bout du poil, et les camps d’en face n’ont d’autre recours de fléchir en semant çà et là des têtes à faucher, voire quelques mines. Ces petits explosifs ne dépareillent pas, il est vrai, dans le champ que nous a légué le Président déchu, et qui en est truffé juridiquement et politiquement parlant des petits riens. Le Conseil militaire de transition soudanais a promis un pouvoir civil pour ce début de semaine, en Algérie, nous avons un gouvernement civil nommé in extremis par Bouteflika. Dans ce gouvernement figure, contre toute attente, un seul militaire, celui qui a mis en application l’article 102, et de forcer à la démission le Président, tenu en otage par sa famille. Bouteflika a donc laissé en cadeau aux Algériens un chef d’État honni, pour une transition incertaine et un gouvernement non reconnu qui travaille à assurer le ravitaillement du Ramadhan. Comme si de rien n’était, le gouvernement valide des candidatures souvent anonymes pour une présidentielle hypothétique prévue pour le 4 juillet prochain. Ceci alors que le cor électif s’est déjà convoqué lui-même et s’est exprimé à neuf reprises et dans tout le pays par vendredis référendaires. 
Au Soudan, qui laisse toujours les Égyptiens apparemment indifférents, le procès de l’ancien dictateur a d’ores et déjà commencé dans les médias, avant de parvenir devant les tribunaux. Quoique les Soudanais, ainsi que les Algériens d’ailleurs, n’aient guère d’illusions à se faire sur l’étendue des richesses accumulées par leurs dirigeants à l’étranger, les accusations fusent. Samedi dernier, le parquet général de Khartoum a délivré deux actes d’accusation contre El-Bechir, à savoir blanchiment d’argent et détention de sommes énormes sans justificatifs légaux. Lors de la perquisition opérée au palais présidentiel, les magistrats ont ainsi mis la main sur plusieurs valises contenant 351 000 dollars, ainsi que 6 millions d’euros et 5 millions de livres soudanaises. Le Conseil militaire de transition a demandé aux magistrats instructeurs d’accélérer l’interrogatoire du potentat déchu, afin qu’il soit rapidement jugé, comme le réclament les manifestants. Comme on peut le voir, tout se passe comme si les militaires soudanais avaient le réel souci d’accompagner et de soutenir le mouvement populaire. On comprendra dès lors que nos confrères égyptiens n’aient pas trop envie de s’étendre sur les exemples du Soudan et de l’Algérie, au moment où ces deux pays font leur révolution. 
Dans la presse arabe, on ne s’étonnera pas de l’hostilité du quotidien qatari de Londres, Al-Quds, qui estime que le référendum sur la réforme constitutionnelle en Égypte est arrivé trop vite. Pour le Qatar, c’est Sissi qui a accéléré le mouvement à cause des événements au Soudan et en Algérie et de la situation en Libye, où Sissi soutient l’offensive déclenchée par Haftar. Quant à savoir si le Soudan et l’Algérie peuvent se retrouver demain avec un Président comme Sissi, Al-Quds estime l’éventualité improbable. Pour le journal, les deux peuples ont tiré toutes les leçons des pseudo-printemps arabes et ils ne sont pas prêts à opter pour un autre Sissi. La prévision peut s’avérer exacte pour le Soudan qui vient de virer en tête de prendre une certaine avance, mais pour ce qui concerne l’Algérie, rien n’est moins sûr, à moins que...
A. H.

 

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