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Rubrique Kiosque arabe

Le sourire dédaigneux du carnassier

Sur les réseaux sociaux, où règne encore une certaine liberté, certains compatriotes se sont dit effarés par l'ampleur des sommes détournées, évoquée ces jours-ci devant le tribunal. Pourtant, il n'y a pas si longtemps, lorsqu'on passait devant un chantier, d'où émergeaient des constructions imposantes et luxueuses, on s'interrogeait sur le pourcentage qu'il touchait. «Il», c'est bien évidemment Saïd Bouteflika, le frère du Président déchu, et qui n'arbore toujours pas le sourire triste des grands coupables qui se résignent à payer pour leurs fautes. Bien au contraire, celui qui a déjà été condamné à 15 ans de prison pour complot, alors que des chefs d'accusation plus graves pèsent sur lui, arbore toujours le sourire assuré du prédateur. Notre confrère, Farid Alilat, qui nous prépare une biographie retentissante du Président déchu, n'est pas surpris par l'arrogance de Saïd, couplée à l'ambition du clan «des frères et de la sœur». L'ancien directeur de Liberté, qui a eu maille à partir avec le clan et son chef actif, décrit sa comparution à Sidi- M'hamed, sur Facebook : «C'est la même ligne de défense adoptée lors du procès à l'issue duquel il a écopé de 15 ans de prison. Le silence, le mépris, le dédain et la morgue envers le juge et le procureur. Sa façon de dire qu'il ne reconnaît pas cette justice qui l'a condamné et qui le convoque aujourd'hui.» «Ses copains oligarques et ses serviteurs d'hier ont assumé ou se sont défaussés sur lui, mais lui refuse d'assumer.» Et Farid Alilat de conclure : «Dans cette attitude de Saïd Bouteflika, je vois l'image que j'ai toujours eue de lui : petit, mesquin, dédaigneux, méprisant, cassant. C'est le vrai Saïd Bouteflika qui était ce soir à la barre.» Saïd, qui détonne par ailleurs avec les autres prévenus par ce sourire froid et hautain, indice de l'absence totale du sentiment de culpabilité ou de remords, le sourire du carnassier. Et qui plus est, un carnassier qui sait que les autres membres du clan ou de la meute sont tous à l'abri du danger, quand ils ne sont pas réfugiés dans leur antre, affairés à tirer les ficelles. J'aurais éprouvé sans doute une certaine compassion pour l'homme fort d'hier, si sa déchéance apparente avait suscité au moins quelques larmes de crocodiles, de type local. Au contraire, nous avons eu droit à ce sourire qui ne rappelle que l'hilarité scandaleuse qu'il a manifestée, en compagnie de son acolyte, Haddad, à l'enterrement de Rédha Malek. On avait interprété, à ce moment-là, cette joie intempestive et irrespectueuse comme une façon de célébrer la destitution d'un Premier ministre présomptueux et éphémère. Il y a juste à espérer que le sourire s'est teinté de jaune quand le concerné s'est retrouvé dans le quinté gagnant. C'est le genre de réaction, faite de déception et de colère, que l'écrivain koweïtien, Fakher Soltane, apprécie le plus chez les islamistes et qui efface leur sourire artificiel et figé. Pour lui, on peut désormais déterminer l'affiliation d'une personne à une idéologie politique rien qu'à la façon dont elle sourit, et le plus souvent le sourire est faux. Au point qu'il s'étonne que la religion puisse encourager les sourires mensongers et de citer en particulier le Hadith selon lequel «sourire à un ami est une aumône». Mais, dit-il, on peut distinguer le faux sourire du vrai, car si le vrai sourire provoque des plissures autour des yeux, le faux fait s'étirer les commissures des lèvres et il dure plus. Chroniqueur attitré du quotidien koweïtien Al-Qabas, Fakher Soltane cite en exemple quelques sourires d'hommes politiques célèbres qui provoquaient chez lui une réaction de rejet. Il en est ainsi du Tunisien Ghannouchi dont le sourire diffère de celui d'Ali Al-Djaffri (1), selon lui, et il l'excédait parce qu'il exprimait la violence de son projet politique. Aujourd'hui, Ghannouchi lui paraît avoir changé, depuis les évènements du «Printemps arabe», et il n'éprouve pas les mêmes sentiments pour son sourire. Mais il apprécie mieux le sourire d'Ali Al- Djaffri, parce que ce sourire augmente l'intensité des insultes chez les fondamentalistes. Justement, notre écrivain distingue les sourires artificiels et détestables, des fondamentalistes comme Abderrahmane Abdelkhalek (2), des sourires qui chassent toute pensée à l'aumône dont parle le Hadith. Et pour mieux illustrer son propos, il précise que les meilleurs exemples de sourires faux se retrouvent chez les membres de la confrérie des Frères musulmans, qui ne sont guère très appréciés au Koweït. Pour ne pas donner, enfin, l'impression qu'il s'en prend uniquement aux sunnites, le chroniqueur cite le religieux chiite, Mohamed Baker Al- Fali, expulsé du Koweït pour ses prêches. «Dans ses discours, ajoute- t-il, il ne souriait jamais, mais quand il lui arrivait de sourire, il ne suscitait que l'hostilité et l'opprobre, surtout de la part de la gent féminine.»
A. H.
(1) Ali Zine Al-Abidine Al-Djaffri est un prédicateur, originaire du Yémen, tantôt taxé de chiite, tantôt d'hypocrite par les fondamentalistes, notamment en Égypte, où il jouit d'inimitiés solides, en particulier chez les Frères musulmans. C'est le Monsieur sourire des prédicateurs, et c'est donc une raison supplémentaire de s'en méfier.
2) Abderrahmane Abdelkhalek est un salafiste égyptien, réfugié au Koweït où il a enseigné et fait de son mieux pour diffuser les idées intégristes.

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