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Rubrique Kiosque arabe

«L'éveil», déclaré moribond, mais…

Chassez le naturel, il revient au galop, et qui plus est en tournant autour de la Kaâba, puisque le décrié chef du gouvernement, Bedoui, a entendu l'injonction à dégager, lors de sa omra. Belle revanche, si j'ose dire, de la politique sur la religion qui s'acharne depuis des siècles, voire des millénaires, à dicter à la politique, si ce n'est à en faire un frère siamois inséparable. Le pays hôte des lieux saints de l'Islam et qui a contribué par ses idées et par son argent à créer ce lien, rendu quasiment indissoluble entre religion et politique, n'a pas dû apprécier. Et on les comprend, car même s'ils n'étaient qu'une poignée à huer un homme qui faisait sa omra comme eux, l'exemple peut faire tache d'huile, et le royaume craint la contagion. Même si le slogan « Yetnahaw gaâ ! » (Qu'ils dégagent tous !) est une construction assez étrange pour l'entendement des pays du Machrek, il a suffisamment circulé pour être compris. Il a aussi pu atteindre un nombre maximum d'oreilles, car aux alentours de la Kaâba, trois sommets étaient réunis en même temps : pays arabes, pays du Golfe, et pays musulmans. Le message qui a ébranlé les marches de la Grande-Poste jusqu'à les rendre inaccessibles et impraticables,(1) selon les spécialistes des séismes politiques, est donc passé. Les Algériens savent qui de leur système ou de l'Iran constitue un danger pour eux.
Vous l'avez deviné, le royaume wahhabite bat le rappel des pays arabes et musulmans, pour les sensibiliser au danger iranien, après avoir réussi à faire du chiisme l'ennemi du sunnisme. Riyad entend bien faire comprendre à ses hôtes des trois sommets que ce n'est pas seulement le trône du roi Salmane qui est en jeu, mais surtout la propriété et le contrôle des lieux saints. Il n'y a évidemment rien de paradoxal dans le fait que le Président Trump, émir des islamophobes, contribue à sa manière, intéressée, à défendre la Kaâba contre le danger perse. C'est là tout le problème : des enfants meurent de faim, de maladies, et sous les bombardements, uniquement pour protéger la Kaâba contre les convoitises iraniennes. Si on se bat si férocement au Yémen et qu'on tue des Yéménites c'est pour protéger la Maison de Dieu et ses dépendances et il n'y a pas plus belle mort en dehors de celle-là. Faut-il préciser que protéger par le sacrifice suprême le sanctuaire de l'Islam, c'est assurer la pérennité de la mainmise saoudienne sur ces lieux de pèlerinage où M. Bedoui fait sa omra. C'est garantir que la secte wahhabite qui s'en est emparée par la force continue à prospérer sur une richesse encore plus durable que le pétrole. Et vous ne verrez jamais Trump jouer au Titus indigné(2) et refuser de toucher sa part du pactole que représente la Kaâba.
Comme nous sommes en plein dans le tout religieux, même avec ce que cela représente financièrement parlant, il faut aussi offrir des gages de bonne foi et envisager des réformes. Le prince héritier Mohamed Ben Salmane (MBS) n'a pas lésiné sur les moyens : après avoir neutralisé les émirs fortunés et les avoir fait cracher au bassinet, il s'est attaqué aux cheikhs. Ce qui n'a pas été sans provoquer des réactions chez leurs disciples dans le monde arabomusulman et notamment chez les Ulémas algériens qui ont protesté contre les arrestations. Comme ils ont une vision sélective des droits de l'Homme, nos « savants » autoproclamés se sont émus que des cheikhs wahhabites prônant le terrorisme aient été arrêtés, oubliant leur réalité. Sur ce plan, MBS a agi, en effet, très habilement en forçant les grandes figures du wahhabisme à abjurer leur doctrine et à affirmer comme nullité absolue le pseudo-« Eveil ».(3) Figure de proue de cet « Eveil » islamique, le cheikh Aïdh Al-Qarni s'est repenti en personne en son nom propre, si j'ose dire, et au nom des « fuqahas »du royaume pour ce faux éveil. Il a reconnu publiquement que c'est ce pseudo-éveil qui a favorisé et propagé partout le terrorisme islamiste, avec ses milliers de victimes, et il en a demandé pardon, sans préciser à qui.
Bien sûr, et comme nous l'avons dit et répété, tout le monde n'a pas apprécié ce revirement, ni montré une quelconque volonté de saluer la fin de la plus dangereuse création du wahhabisme. Nous en avons eu la preuve tous les vendredis avec l'apparition de cette étrange notion d'un « Novembre badissien » qui tendrait à faire de Ben-Badis l'acteur principal du 1er Novembre 1954. Quant aux manifestations physiques de cet « Eveil » agonisant, on les voit avec ces groupes qui s'acharnent en toute impunité à arborer le drapeau de Daesh et à crier de vieux slogans. Comme ils ne lisent jamais, ils ne savent pas par exemple que pour les commentateurs saoudiens, « l'éveil » est désormais en réanimation et que son cas est désespéré, du moins chez eux. Quant aux excuses publiques et qui devraient s'adresser au premier chef à l'Égypte, frappée de plein fouet par la première vague de l'éveil, elles viennent un peu tard et le mal est fait. Dans une étude en plusieurs parties, parue dans le quotidien Al-Misri Alyoum, notre consœur Azet Kamel s'attache à relater les méfaits du wahhabisme, depuis sa naissance. Sachant que l'Égypte, bien avant les pays du Maghreb, est tombée sous l'influence wahhabite, non seulement par l'action de ses Frères musulmans mais aussi par ses émigrés en Arabie Saoudite. Nous y reviendrons.
A. H.

(1) Je ne sais qui a copié sur l'autre, ou si c'est un simple hasard, mais j'apprends qu'à Khartoum, l'armée soudanaise a pris des mesures pour interdire certains accès et restreindre les mouvements des manifestants.
(2) Titus, fils de l'empereur romain Vespasien, a protesté contre le fait que son père perçoive une taxe sur les urinoirs publics. Ce à quoi son père a répondu en faisant tinter les pièces provenant de ladite taxe et en lui disant : «L'argent n'a pas d'odeur.»
(3) Éveillée aux clameurs du Hirak, l'association de nos savants en Islam a ainsi repris toutes les revendications du mouvement du 22 février, en y ajoutant juste la condition de leurs fondements idéologiques. Ils pensent sans doute que la méthode qui a marché pour le 1er Novembre, devenu leur propriété, va aussi fonctionner pour la révolution populaire.

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