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Rubrique Kiosque arabe

L'impitoyable éradication du baiser

En Égypte, comme partout ailleurs dans les pays affiliés à la Ligue arabe, les changements au sommet de la pyramide du pouvoir entraînent souvent le renouvellement partiel ou total des élites. Mais souvent ne signifie pas toujours fatalement, et il n'y a pas que le menu fretin qui échappe aux coups de filet des lendemains consacrés à l'assainissement nécessaire, ou à la revanche. Les vaincus du moment font le dos rond, ou passent sous les fourches caudines, voire par la case prison, en attendant des jours meilleurs, annoncés, voire implicitement promis. Avec les nouveaux maîtres du jeu, que semble mener à sa guise le Président Sissi, tout le personnel usagé ne va pas à la casse, mais il est le plus souvent recyclé selon les besoins. Les médias étant la partie la plus visible, et lisible dirait-on, de l'iceberg, certains portent sur le front, en plus du grain de piété, cette annonce : «Ne pas me jeter, je peux encore servir.» Cette offre de services indélébile qui se passe de serments de fidélité survit à toutes les émeutes, et à toutes les révolutions, quels que soient leurs origines, leurs causes, et leurs objectifs. Quant à ceux qui observent tout cela, et prêtent l'oreille aux bruits déchirants des vestes retournées, ils peuvent méditer ces paroles du poète : «Comme cette nuit ressemble à celle d'hier.»(1) 
Un des chroniqueurs attitrés de ce journal a prédit ici même, et il n'est pas le seul, l'extinction de la presse papier,  poussée à disparaître par l'essor irrésistible des médias, et de la presse en ligne. Ce qui n'est pas nécessairement un signe de progrès dans nos pays, la liberté de parler, et d'écrire, se réfugiant surtout dans les réseaux sociaux pour échapper aux pressions, et à la censure. Dans les pays de la Ligue arabe, la censure est encore plus facile, et plus efficace, lorsqu'elle s'appuie, en plus d'un dispositif civil ou pénal, sur une législation adossée aux codes religieux. C'est le cas de l'Égypte encore, et non pas unique, où les contrevenants potentiels chavirent entre Charybde et Scylla, entre la justice actionnée par le pouvoir, et la même saisie par Al-Azhar. L'institution millénaire, et le pouvoir qui l'a chargée de réformer le discours religieux, au nom du progrès et de la modernité, utilisant le même arsenal juridique de répression. On dit que c’est dans les réseaux sociaux, et nulle part ailleurs, que vous pouvez trouver des informations qui peuvent relever des mondanités, mais qui en disent long sur les mœurs du sérail. Mais il y a aussi des informations qui renseignent sur l'état de grâce, ou de disgrâce, que vivent certaines personnalités de l'ancienne équipe au pouvoir, comme les fils du Raïs déchu. 
Avant la révolution de 2011 qui a mis fin au règne de leur père, Ala et Djamal Moubarek faisaient de belles affaires, et la loi en Égypte, à l'ombre du «trône» paternel, promis à Djamel. Ala, l'aîné, et Djamal le cadet s'occupaient tous deux de faire fructifier la fortune familiale, mais c'est Djamel qui s'impliquait le plus en politique, et il était l'héritier pressenti du fauteuil présidentiel. Ils s'étaient aussi tristement illustrés en attisant les feux de la haine entre l'Égypte, et l'Algérie lors de leurs rencontres aller et retour, qualificatives pour la Coupe du monde-2010.(2) Aux origines de cette crise, il y avait certes la passion du football, et la rivalité entre les deux pays, mais il se disait aussi que les deux fils avaient perdu un marché juteux au profit de M.10%. Après la chute du Raïs, les deux frères ont été jugés, et condamnés, pour avoir organisé les attaques de «baltaguias» contre les manifestants anti-régime, et pour d'autres crimes et délits. La semaine dernière, Ala et Djamal ont fait une apparition très remarquée, et très médiatisée, au mariage de la fille d'une autre célébrité plus populaire, le gardien de but Issam Al-Hadari. L'ancien goal mythique de l'Égypte avait été le héros malheureux du match d'appui contre l'Algérie, vainqueur 1 à 0, et qui s'était déroulé dans les conditions qu'on connaît, au Soudan.
Après la rencontre, Ala et Djamal qui s'étaient déplacés à Omdourman pour encourager leur équipe, avec le résultat que l'on sait, ont orchestré, et animé, la campagne hostile à l'Algérie. Le plus navrant est que des vedettes du cinéma, et des écrivains comme Youssef Al-Qaïd, ou Youssef Zeydane, ont pris part à la curée, et seul le regretté Djamal Al-Ghitany a appelé à la retenue. Curieusement, la présence des deux figures les plus honnies de l'ère Moubarek, à savoir ses deux fils, n'a choqué personne, et seuls quelques rares internautes se sont déclarés étonnés. Mais savez-vous ce qui a soulevé le plus d'émoi, et de colère ? Les images de l'ancien gardien de but international enlaçant son épouse, et l'embrassant (sur la joue uniquement) au cours de la même fête. En 2011, Nabil El-Wahch, un avocat chasseur de scènes de joie, et de bonheur, avait menacé de saisir la justice contre Al-Hadari, accusé d'avoir fêté l'anniversaire de sa femme. En réalité, ce qui avait fait scandale chez les islamistes, c'est que l'épouse se soit montrée sans hidjab lors de cette soirée d'anniversaire et le couple vient encore de leur répondre.(3)
A. H.

(1) Il s'agit du poète de la période antéislamique Tarafa Bnou Al'Abd, mis à mort sur ordre d'un émir irascible à qui il avait eu le malheur de déplaire. À son bourreau qui lui demandait de quelle façon il souhaitait mourir, il a répondu : «Saigne-moi».
(2) Pour favoriser la réconciliation entre les deux pays, et permettre à l'Égypte d'aller en finale de la CAN, l'Algérie se serait laissée battre en demi-finale quelques semaines plus tard. C'est du moins ce qu'a révélé en 2018 l'ancien entraîneur national, Rabah Saâdane, mais comme il s'est tu depuis…  
(3) Le baiser classique du cinéma égyptien a été progressivement éradiqué après la guerre de 1967, et le regain de popularité, et d'influence des islamistes. Mais on peut parler du baiser comme l'a fait avec talent le cinéaste Ahmed Amer avec «Balash Tbousni» (Je ne veux pas que tu m'embrasses). Visible sur Facebook, mais jusqu'à quand puisque l'éradication du baiser est en marche ?

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