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Rubrique Kiosque arabe

Mécomptes des «capitales de la stabilité»

Sans doute est-il incongru de dire que les Soudanais ne désarment pas, alors qu'ils sont effectivement désarmés face à un pouvoir militaire qui veut le beurre et l'argent du beurre.
Alors que les négociations, plus utiles qu'un dialogue de sourds, piétinent du fait de la volonté de l'armée de ne pas trop céder aux civils, le peuple soudanais a manifesté samedi dernier. Il s'agissait de commémorer le quarantième jour de la répression sanglante du 3 juin dernier qui avait fait des centaines de victimes, et de rendre l'hommage traditionnel aux tués et disparus. Au Soudan, et en dépit des bonnes intentions affichées après la chute du tyran, l'armée a accompagné les manifestants surtout vers les cimetières et, accessoirement, vers les prisons. 
Ceci pour dire qu'il y a quand même une grande différence entre les deux situations et leur traitement, hormis la case prison : brutalité et violence à Khartoum, prise en étau, et asphyxie à Alger. En plus d'avoir affaire à un régime qui refuse de passer la main, Soudanais et Algériens sont confrontés à des méthodes plus élaborées que celle de l'onction administrée aux lampadaires. Il s'agit de cette technique qui aurait germé dans le cerveau retors d'un Chinois et qui a été expérimentée avec un certain succès par des régimes totalitaires, à savoir la rétention d'internet.
En Algérie, et conformément à la tradition désormais établie, on pratique la connexion au compte-goutte, voire à doses homéopathiques, suivies parfois d'une coupure nette et totale. On a eu un exemple de ce genre de coupure surprenante et inattendue lors de certains examens scolaires, au prétexte d'éviter les fraudes, avec un résultat variant selon les ministres. Chez la junte soudanaise qui ne fait pas de promesses inutiles, la technique est beaucoup moins subtile, si j'ose dire, et elle correspond bien à la nature du maître actuel de l'internet et du pays. Il s'agit du vice-président du Conseil militaire, le général Mohamed Hamdane Daqlou, plus connu sous le pseudonyme de « Hamidati », et qui s'est tristement illustré le 3 juin dernier. 
Hamidati, l'homme des solutions expéditives, n'en est pas à son premier acte de coupure, puisqu'il a déjà ordonné à son administration des TIC d'isoler le Soudan du reste du monde. Où l'on s'aperçoit, avec une certaine surprise, que le Soudan et l'Algérie sont presque à égalité en ce qui concerne le nombre d'internet connectés et avec le même chiffre de population. Ainsi, au classement en nombre d'internautes, l'Algérie est classée au 53ème rang mondial, alors que le Soudan, classé par ailleurs parmi les 12 premiers pays africains, figure à la 56e place.
Ces chiffres n'honorent pas les deux pays, et encore moins l'Algérie aux ambitions et aux richesses beaucoup plus grandes, face à un Soudan déchiré par les guerres intestines. 
Le régime déchu d'Omar El-Béchir, allié un certain temps au parti Al-Oumma de Sadek Al-Mahdi, a fait le reste avec la gabegie et une corruption aussi dévastatrice que la nôtre. Le parti de Sadek Al-Mahdi, toujours tenté par les alliances douteuses, comme celles qu'il a nouées avec Numeyri, et El-Béchir, est encore du côté de l'opposition, mais sait-on jamais. Quant au général Hamidati, considéré comme le principal auteur de la dispersion meurtrière du rassemblement populaire en face du siège de l'état-major de l'armée, il serait en posture délicate. Les manifestations de samedi dernier, même sans citer son nom, ont clairement exigé que les auteurs du massacre du 3 juin soient jugés et condamnés, et Hamidati est l'un d'eux. Les manifestations précédentes à Khartoum et dans les grandes villes du Soudan réclamaient l'accélération de la remise du pouvoir aux civils, mais le slogan de samedi dernier était « Justice avant tout ». La revue d'opposition saoudienne, Watan, estime que Hamidati est dans une position de plus en plus inconfortable et ses collègues du Conseil militaire seraient tentés de le sacrifier. 
Selon le journal basé à Washington, la reprise des manifestations n'est pas seulement due au retard dans la signature d'un accord sur la transition, mais aussi à la diffusion d'images de la répression. Le comité médical soudanais a affirmé que la dispersion du sit-in le 3 juin et la répression qui s'en est suivie ont fait au total 128 morts. L'opposition soudanaise, qui a publié des vidéos des actes de violence sur sa page Facebook, a affirmé que l'édification d'un État de droit est tributaire du jugement des coupables. Du côté des autorités saoudiennes et dans le corps d'un article consacré aux actions malfaisantes du mouvement des  Frères musulmans , on évoque leur campagne hostile contre le royaume. Après avoir utilisé longtemps les mosquées pour les mêmes fins et pour étendre leur influence, les Saoudiens dénoncent aujourd'hui leur utilisation contre Riyad et contre Dubaï. Non contents d'utiliser les mosquées, les islamistes hostiles à l'Arabie Saoudite et aux Émirats ont infiltré les manifestations récentes qui se sont déroulées en Algérie et au Soudan.
Oubliant les lasers et autres moyens technologiques offerts jadis au FIS, le journal déplore que des images de ces slogans hostiles aient été amplifiées et propagées au service de cette guerre. 
Les Frères musulmans  sont aussi à l'origine des rassemblements anti-saoudiens qui se déroulent un peu partout en Europe et qui servent à attaquer les « capitales de la stabilité ». Obnubilé par toutes ces mauvaises nouvelles, le média saoudien a manqué un détail important pour sa cause : le Parlement algérien est présidé désormais par un islamiste. Et les « capitales de la stabilité » ne sont pas étrangères à l'évènement.
A.H.

 

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