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Rubrique Kiosque arabe

Quand la réalité tue la légende

À Fouad Boughanem
Même si nous persistons à crier à tue-tête que nous ne sommes pas le Soudan, ni l'Égypte, et encore moins la Syrie, l'Algérie et le Soudan sont unis par la volonté des éditorialistes arabes. Est-il utile d'ajouter que les médias arabes citent rarement les deux pays sous un même titre sans les accompagner de l'inévitable point d'interrogation, signe d'incertitude ou d'inquiétude ? Le plus souvent, le fameux signe est un indicateur d'ignorance plutôt que la conclusion logique d'une analyse dont le résultat le plus probant est de laisser le lecteur livré à lui-même. L'animateur syrien d'une télévision satellitaire qatarie a même bâti son succès sur ce fameux point d'interrogation, qui n'est pas toujours chargé à blanc, quand les invités ne sont pas conformes. Il arrive aussi que certains médias finissent par revenir aux fondamentaux, après s'être épuisés à une utilisation effrénée du fameux point d'interrogation, sans trouver de réponse. Dans ce cas, le point de demande d'explication, en arabe dans le texte, n'apparaît nulle part, même entre les lignes, mais il est quand même présent d'un bout à l'autre de l'analyse. Même s'il n'apporte pas beaucoup d'informations, ce genre d'article a au moins le mérite de nous éviter l'harassante question bateau du genre « l'Algérie et le Soudan vont-ils réussir ? ». 
Le magazine électronique saoudien Elaph ne se pose plus de questions de ce type, et préfère s'en tenir à la comparaison : « L'Algérie et le Soudan, points communs et différences .» Cependant, l'interrogation est pendante, puisqu'il se demande « avec qui l'armée va dialoguer pour gérer la transition », le journal semblant ignorer que l'armée ne veut pas d'une période de transition. En revanche, Elaph touche mine de rien au principal point de désaccord en évoquant le fait que le « Hirak » veut le départ de « tout le système », alors que l'armée s'en tient à « la bande ». Au Soudan, note le journal, la situation est différente, puisque les manifestants veulent une transition gérée par des civils, alors que l'armée veut garder le contrôle sur cette transition. Autre point de divergence important, l'éviction du potentat El-Béchir n'a pas entraîné le départ de tous les personnels qui continuent à gérer le pays, et qui sont islamistes en majorité. Le magazine rappelle aussi que la cause de la crise soudanaise et de la chute du maréchal El-Béchir est la détérioration grave de la situation économique du pays. « En tout état de cause , conclut Elaph, ni l'armée soudanaise ni l'armée algérienne ne veulent être exclues du paysage politique, et ce, par crainte de désordres éventuels .» Un argument aussi contestable que les intentions affichées.
Il n'y a évidemment pas une ligne sur la répression sanglante qui a été déclenchée par l'armée soudanaise et ses supplétifs, à l'aube du 3 juin dernier, et qui a entraîné des dizaines de morts. Le quotidien qatari de Londres, Al-Quds, est devenu incontournable surtout depuis que le Conseil militaire a fermé les bureaux d'Al-Jazeera, et qu'il s'est assuré le soutien de l'Arabie Saoudite. S'il a gardé un œil sur l'Algérie, sans toutefois conserver la page spéciale qu'il consacrait au « Hirak », le journal déploie des efforts particuliers pour informer sur le Soudan. C'est ainsi qu'il a été l'un des rares à publier ce samedi un long article sur le démantèlement du camp de fortune édifié par les manifestants en face du ministère de la Défense soudanais. Il rappelle que les pacifiques manifestants avaient transformé l'espace qu'ils occupaient en théâtre d'expression culturelle où la poésie le disputait aux beaux-arts. C'est ainsi qu'à l'aube de ce lundi 3 juin, les miliciens se sont particulièrement acharnés sur les tableaux et peintures réalisés par des artistes et des amateurs, en hommage à la révolution. Très en verve et comme s'il y était, l'auteur de l'article, un certain Sid Ahmed Ali Bellal, nous décrit la tragique histoire de « la belle » (la révolution) et « la bête » (le Conseil militaire). Sauf qu'au Soudan, la réalité a eu raison de la légende.
Pour l'auteur, « la belle » a été victime de généraux qui ont laissé parler et agir en leur nom un chef de milice quasiment analphabète, brandissant sa canne et tenant des propos incohérents. Pendant que les forces de la liberté et du changement se projetaient sur l'avenir et mobilisaient leurs énergies pour préparer cet avenir, les militaires se préparaient à casser leur élan. Ils préparaient leur engin de guerre pour ôter la vie aux fils de bergers et non aux fils de généraux, tout comme le faisait l'ancien régime qui les envoyait mener des guerres de religion au Sud. Une guerre dont les fils de généraux étaient évidemment exemptés. L'auteur rapporte encore, citant un représentant de l'association des médecins, que les jeunes manifestants ont été attaqués alors qu'ils dormaient encore. Ils ont été tués par balles, ou bien dans l'incendie de leurs tentes, d'autres ont été entraînés, pieds et poings liés, vers le Nil où ils ont été jetés, après avoir été lestés de blocs de pierre. En dépit de cet intérêt particulier pour le Soudan, le quotidien qatari a quand même consacré un article aux évènements récents d'Algérie, en particulier la marche du 16e vendredi. L'article de notre confrère Kamel Zaït fait état de la prolongation de facto du « mandat » du chef de l'Etat Bensalah et du rejet par les manifestants de son dernier discours. 
Pour ne pas être en reste, Al-Quds revient sur l'incident d'Orly avec ce titre très orienté : « Le général Nezzar frappe un jeune Algérien avec sa canne à l'aéroport d'Orly et met le feu aux sites d'échange.» Le texte accompagné de la vidéo, filmée par l'un des antagonistes de l'incident, rapporte que le jeune, suivi par son camarade qui filmait, a interpellé le général de façon insultante. Le journal s'étonne toutefois qu'un militaire retraité frappe à coups de canne un jeune homme qui l'avait insulté à plusieurs reprises et l'a encore invectivé même après la fin de l'incident. Franchement, je ne vois pas ce qu'il y a de scandaleux si un Algérien, irascible et âgé de surcroît, frappe avec une canne un jeune qui l'a manifestement provoqué. Que ceux qui n'ont jamais pété un plomb, notamment en période de Ramadhan, lui jettent la première pierre, mais qu'on n'en fasse pas un bouc émissaire de tous les crimes de la décennie noire. 
A. H.

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