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Rubrique Kiosque arabe

Quand un chiite interpelle son imam

«En premier lieu, assieds-toi mon cher Ali, pour écouter mes conseils ! N'est-ce pas toi qui utilisais souvent cette expression ? Tu appelais tes amis les plus proches de ton cœur à venir près du minbar, tu t'asseyais par terre et tu disais : ‘’conseillez-moi, épargnez-moi la responsabilité et la souffrance d'avoir à répondre au jour du jugement dernier !’’. N'était-ce pas là ton discours dans lequel tu disais : ‘’sauvez-moi, que je sois seul ou entouré d'autres personnes’’?». Non, il ne s'agit pas là du début d'un discours qui remonterait aux premiers âges de l'Islam, mais de propos qui sont bien de notre époque et d'une actualité brûlante, si j'ose dire. Ce discours qui peut paraître insolite, voire irrévérencieux, n'est pas celui d'un croyant à un autre croyant, et sur un pied d'égalité, mais celui d'un fidèle à quelqu'un de plus haut placé. C'est par cette invitation que le cinéaste iranien Mohamed Noury Zad s'adresse à Ali, un des quatre califes bien guidés et dont les chiites vénèrent l'image, jusqu'à l'idolâtrie. D'où les précautions de style dont s'entoure le cinéaste, en rappelant d'entrée son affection et son attachement à Ali, qu'il a traduits dans les journaux et au cinéma. Et il s'empresse de préciser que l'Imam Ali n'a pas besoin de ces démonstrations, mais qu'il le fait pour se prémunir contre un éventuel procès en apostasie, de la part du régime.
«Deuxièmement, mon cher Ali, si seulement tu n'étais pas entré en guerre, si seulement l'Islam ne mentionnait pas le djihad et la guerre au service de Dieu, et s'il avait exploré d'autres possibilités. Moi-même et la majorité de ceux qui te vénèrent préférons la voie que tu as suivie durant tes 25 ans de silence lorsque tu prodiguais des conseils sincères et désintéressés à tes rivaux. Mais quand tu t'es rendu maître des actions et de la volonté de la société musulmane, durant cinq ans et quelques mois, tu es passé d'une guerre à une autre. Tu as ouvert la voie, après toi, à la propagation de la haine et tu n'as pas fait la guerre contre un envahisseur étranger, mais juste pour te maintenir au pouvoir. Il y en a qui n'étaient pas d'accord avec toi ni avec ta façon de diriger, et ils auraient préféré que tu te démettes, mais tu as mis une épée entre eux et toi, tu les as éliminés et tu as avancé». En réalité, et avec de tels reproches, Mohamed Noury Zad ne craignait pas grand-chose de la part des dirigeants iraniens puisqu'il avait déjà commis un acte beaucoup plus grave. En juin 2019, il avait signé avec une vingtaine d'autres personnalités iraniennes une pétition demandant la démission du guide suprême de la révolution, l'ayatollah Khameni. La pétition revendiquait également une réforme de la Constitution, ce qui était aussi impensable.
«Troisièmement, oui si seulement au lieu de t'être tourné vers la guerre, qui a occupé tout le monde et qui est devenue à la portée de tout le monde, tu t'étais occupé de choses qui te ressemblaient. N'est-il pas tragique alors qu'avec toutes tes qualités humaines, ceux qui crient ton nom te connaissent par ton épée ‘’Zulfikhar’’, et par la force de tes bras, érigée en référence pour les jeunes ?» La violence comme credo et comme méthode, Mohamed Noury Zad l'a connue dans la sinistre prison d'Evin, dans la banlieue de Téhéran déjà tristement célèbre du temps du Shah. Ce lieu de détention redouté a sans doute gardé les mêmes geôliers et les mêmes tortionnaires que sous le régime impérial, et c'est là que le cinéaste contestataire a subi des sévices. Au point que l'organisation Amnesty International s'est dit horrifiée par «les tortures et autres traitements cruels, inhumains et dégradants, y compris des violences sexuelles et l'administration forcée de substances chimiques». Il a connu toutes les formes de torture et vécu des souffrances inouïes, au point qu'il a voulu y échapper en avril dernier en tentant de se couper les veines du poignet et la veine jugulaire. A ces mauvais traitements, il faut ajouter la torture morale puisque son fils Ali a été aussi arrêté à sa suite et condamné à trois ans et demi de prison.
Faute de place, je ne peux malheureusement pas donner tout le contenu de la lettre de Mohamed Noury Zad qui pourrait aussi bien être adressée à Khamenei, avec l'auréole en moins. Et il déplore la parenté religieuse avec Khomeini qui a consacré lui aussi ses dernières années à répandre le sang, tout le sang répandu, selon qu'il l'ait été par la répression ou lors de la guerre avec l'Irak : «Si seulement, au lieu de sortir ‘’Zulfikhar’’ de son fourreau, tu avais employé ta plume magique à écrire ceci : ‘‘'importe quelle religion qui essaye d'imposer son existence et sa pérennité, d'augmenter le nombre de ses adeptes versant le sang, n'est pas une religion, mais une malédiction. J'aurais tant aimé que tu sois l'ami de toute l'humanité, et pas seulement celui d'un groupe de tes partisans qui ont utilisé ce millénaire à baliser le terrain pour la haine, les divisions et les guerres’’.» (Traduction libre). Précision utile : la lettre a été publiée par le site électronique libanais Shaffaf qui milite ouvertement pour la fin de l'hégémonie du Hezbollah sur le pays des Cèdres. Il avait été précédé d'un texte aussi critique qui faisait la part de l'histoire et celle du mythe concernant la vie et les engagements religieux et politiques de l'Imam Ali. Aux dernières nouvelles, Mohamed Noury Zad a été libéré en juillet dernier suite à une campagne internationale en sa faveur et de crainte qu'il ne meure en détention, son état de santé s'étant aggravé. 
Pour finir, tous ces personnages cités par le cinéaste iranien, ainsi que leurs alter ego sunnites n'ont certainement aucun lien direct avec l'abomination de Larbaâ-Nath-Irathen, mais peut-être qu'en cherchant bien et mieux.
A. H.

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