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Rubrique Kiosque arabe

Quelques facettes de Nawal Saadaoui

Lorsque j'ai lu sur les réseaux sociaux les premières réactions au décès de Nawal Saadaoui, j'ai ressenti davantage d'affection pour elle et de la fierté pour moi, l'un de ses nombreux amis et admirateurs. Savez-vous pourquoi ? Parce qu'il y avait, d'un côté, ceux qui étaient plus ou moins informés à son sujet, connaissaient peu ou prou son combat et regrettaient aussi sa disparition. Ceux-là étaient l'écrasante majorité, et leurs voix ont étouffé, si je puis dire, celles des imprécateurs islamistes et de leurs porteurs de goupillons à acide, guettant les processions funèbres. Tout ce monde-là avait de sérieuses raisons de haïr Nawal Saadaoui, qui les avait combattus toute sa vie, sans leur céder un pouce de terrain, et qui les avait démasqués et confondus. Comment ne pas être fier d'être dans le même camp que  Nawal Saadaoui et d'avoir les mêmes adversaires ? Je me souviens que grâce à elle, ou à cause d'elle, le monde du livre et de l'édition avait vu la révélation d'une des grandes impostures intellectuelles du Caire, le libraire Medbouli. Pendant des décennies, sa librairie, sise rue Talaat-Harb, au centre du Caire, a cueilli des lauriers, à bon compte, en acquérant une réputation de cénacle de gauche, de temple du livre. Et, cerise sur le gâteau, il était aussi connu comme le courageux éditeur de la très controversée Nawal Saadaoui.
Seulement, l'idylle éditoriale a pris fin en 2008 lorsque, contre toute attente, Mohamed Medbouli, devenu hadj entretemps, et le détail a son importance, décida de censurer son auteure. Il annonça la destruction, sans autres précisions, de 2 000 exemplaires d'une pièce de théâtre de Nawal Saadaoui intitulée Le dieu a présenté sa démission à la réunion au sommet. Pour donner plus de poids au sacrifice, «Hadj» Medbouli annonça aussi la destruction de 2 000 exemplaires du roman de la susnommée La Chute de l'imam, qu'il venait de rééditer. L'éditeur pouvait, à la limite, justifier la censure de l'œuvre théâtrale par l'existence de la référence au dieu, les croyants n'étant pas tenus de saisir la différence entre le dieu (Al-Ilah), et Dieu (Allah). Mais Medbouli avait fait coup double en reniant une œuvre qu'il avait lui-même éditée huit ans auparavant, validant, par cet exercice de repentance inédit, son titre de hadj. Son forfait littéraire accompli, le tristement célèbre libraire avait été payé du plus parfait mépris de son désormais ex-auteure qui n'avait eu pour lui que ces quatre mots: «J'ai pitié de lui.» Pour sa défense, si besoin était, il avait affirmé qu'il avait agi ainsi pour ne pas offenser Dieu, formule déjà étrennée par notre ancien Président, pour dire aux femmes qu'il ne les aimait plus. 
Il parlait vrai, pour une fois, mais c'était du déjà vu, puisqu'une «consœur» avait annoncé avoir boxé le diable et l'avait mis KO, grâce à la préparation de son entraîneur, Karadhaoui. 
Je vais en rajouter un peu puisqu'on en est à évoquer tout ce que Nawal Saadaoui détestait: pour se conformer à la mode féminine et mieux convaincre les sceptiques, il est de bon ton de recourir au pèlerinage onirique, et d'en revenir voilée après avoir visité en rêve le tombeau du Prophète. Ce sont tous ces comportements et ces attitudes qu'on attribue à l'Islam, que Nawal Saadaoui combattait, à commencer par l'horrible pratique de l'excision, qu'elle a réussi à faire interdire. Mais avant de se faire l'apôtre de la liberté des femmes et l'avocate de l'interdiction de l'excision, Nawal s'est battue pour sa propre liberté, et elle a commencé à l'intérieur même de sa famille, la cellule familiale étant, de son point de vue, la première prison des femmes. Elle n'aimait pas les dictateurs, quand ils sont à la tête d'un pays, mais elle les aimait encore moins quand ils voulaient instaurer une dictature conjugale. Et cette dictature-là, selon elle, était la pire et la pierre angulaire des dictatures et elle l'a combattue en priorité. Certains se sont empressés de persifler qu'elle n'aimait pas les hommes, qu'elle avait soutenu Sissi, comme si elle avait été la seule, mais la bave du crapaud…
Ceux qui ont attendu sa mort pour la dénigrer devraient lire en particulier ses chroniques, dans le quotidien Al-Misri Alyoum, et apprécier notamment l'évocation de ses souvenirs d'enfance. Cette période de sa vie où elle dit avoir commencé à détester sa féminité, d'abord parce que son frère, plus jeune qu'elle, pouvait sortir et aller jouer dehors sans demander la permission. Mais, elle, elle était obligée, en tant que fille, de passer sous les fourches caudines de l'autorité parentale, et sur ce chapitre, sa mère était encore plus sévère et plus exigeante que son père. Elle n'était même pas autorisée à voir jouer les autres garçons, comme le lui a rappelé, plutôt rudement, le gardien de l'immeuble, en la chassant des marches d'escalier d'où elle pouvait regarder. Sa première bagarre a eu lieu justement au sein de sa famille, et contre son propre frère, qui était traité comme un petit roi, et qui se comportait comme tel. Habitué à commander et à être obéi de la féminine engeance, il lui avait ordonné un jour d'aller lui chercher de l'eau, ce que toute sœur égyptienne soumise aurait fait, mais pas Nawal. Elle se contenta de lui dire : «Si tu as soif, va te chercher à boire», ce qui eut pour effet de rendre furieux le «petit prince» autoritaire qui fonça sur l'insolente fille pour la corriger. Mais l'insolente fille savait se défendre et elle prit le dessus. Nawal a raconté aussi comment elle avait brusquement quitté le salon où ses parents recevaient un visiteur, après avoir compris qu'il s'agissait d'un prétendant, à la façon dont il la déshabillait du regard. Ce sont là quelques-uns des nombreux combats que Nawal Saadaoui a racontés et expliqués dans ses mémoires et dans la quarantaine de livres qui ont jalonné son prodigieux parcours.
A. H.

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