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Rubrique Kiosque arabe

Un laser saoudien pour Oum Kalthoum

On le sait, les Saoudiens sont friands de nouvelles technologies, mais à défaut de les mettre au point, ils les achètent sans rechigner, avec mode d’emploi, quand ces technologies sont utiles. Ici l’utilité est comprise comme contribution à la cause et à son avancée, comme dans l’affaire du laser qu’ils avaient gentiment offert à leur rejeton local, le Front islamique du salut. On se souvient comment l’apparition du nom d’Allah, dans le ciel d’Alger, avait mis en transe et fait frissonner des milliers de fidèles subjugués par la bénédiction divine au parti religieux. Bien sûr, ni les explications oiseuses, bredouillées alors par les dirigeants du FIS, Madani père et fils, qui ont fait du chemin depuis, n’ont altéré l’adhésion et le soutien des croyants algériens. Les Saoudiens au pouvoir et leurs protégés qui aspiraient à s’en emparer étaient et sont effectivement de bons musulmans, du moins de leur point de vue spécifique et toujours utilitaire. A savoir que la fin justifie les moyens et que l’utilisation de ruses, de subterfuges, voire de sortilèges, est licite dès lors qu’existe un hadith, parmi 15 000, pour servir de justificatif. Depuis Mua’wya et son compère Ibn-Al’as, on sait que la guerre est affaire de ruse, même si c’est au détriment du cousin du Prophète et a fortiori si c’est pour berner les foules naïves. 
Cette fois-ci, les autorités saoudiennes ont eu recours au laser, mais pour persuader les sujets du royaume que les vents de la libéralisation n’étaient pas arrêtés par des courants contraires. La diva Oum Kalthoum, décédée en 1975, a chanté pour la première fois, en hologramme, dans une ville du sud du pays, rompant ainsi avec la tradition wahhabite qui interdisait ses concerts. L’interprète d’Al-Atlal avait fait une première apparition en octobre 2017 sur une télévision publique saoudienne qui avait diffusé quelques-unes de ses chansons, durant une quarantaine de minutes. Le spectacle holographique d’Oum Kalthoum constitue une nouvelle avancée après celle opérée par les autorités autorisant la diffusion de la musique dans les cafés et les lieux publics. La «venue» de l’icône de la chanson arabe en Arabie Saoudite aurait-elle dissuadé la jeune Rahaf A-Qounoune de quitter son pays et de choisir un exil qui s’annonce doré au Canada ? Toujours est-il que si les médias traditionnels ne s’attardent pas trop sur l’incident, les réseaux sociaux se passionnent encore pour l’histoire de cette Saoudienne qui a choisi la liberté. Certains internautes sont même allés jusqu’à publier des fausses nouvelles annonçant le décès subit du père qui serait mort de chagrin, à la suite de la défection de sa fille. 
Bien que la jeune fille ait affirmé qu’elle quittait l’Arabie Saoudite justement pour fuir les mauvais traitements parentaux et que le décès du père ait été démenti, la toile à polémique a persisté. Tout entière à sa nouvelle vie et choyée par le Canada qui a toujours un contentieux avec le royaume wahhabite, Rahaf continue de proclamer sa joie d’être libre et appelle ses sœurs saoudiennes à l’imiter. Pour l’instant, il n’y en a pas beaucoup de ses compatriotes qui suivent son exemple, mais le Koweït compte déjà deux transfuges, avec une jeune fille qui a demandé asile en Allemagne. Dans le sillage de Rahaf, une universitaire, Fatima Al-Matar, poursuivie pour mépris des religions, avait préféré quitter l’émirat et s’exiler aux Etats-Unis, avec sa fille. Côté médias saoudiens, on s’en tient toujours à la même antienne, à savoir que la fuite au Canada de Rahaf Al-Qounoune est la conséquence d’un différend strictement familial. C’est-à-dire que la pesanteur des lois civiles et religieuses et la rigueur particulière avec laquelle sont traitées les femmes saoudiennes, considérées comme mineures, n’ont rien à voir avec le choix de Rahaf. Suivant une tradition bien établie, l’écrivain Mohamed Al-Oheïdeb nous explique dans le quotidien Okaz que si Rahaf n’était pas saoudienne, sa fuite n’aurait pas fait autant de bruit. 
Ce en quoi, il a raison, mais il veut aussi nous persuader que l’intérêt des opinions occidentales pour l’affaire est dicté uniquement par la haine et le désir de nuire, il tombe dans la facilité algérienne. Aurions-nous enfin appris quelque chose aux Saoudiens qui nous ont tout appris, même si c’est ce mauvais réflexe, qui nous est coutumier, de montrer du doigt la main de l’étranger ? Sur sa lancée, le chroniqueur établit un parallèle avec l’affaire Khashoggi, qui a fait aussi du bruit, parce que le journaliste tué à l’intérieur du consulat saoudien à Istanbul était saoudien. Et comme des dizaines d’éditorialistes saoudiens, avant lui, Mohamed Al-Oheïdeb nous rappelle que l’assassinat de l’ambassadeur de Russie à Ankara était passé quasiment inaperçu. Car, bien sûr, il n’était pas saoudien ! Face à ce type d’arguments qui occultent les vrais problèmes de la société saoudienne, maintenue dans l’étau wahhabite, il y a des plumes qui pointent les vraies causes du mal. La Palestinienne Ahlem Akram n’incrimine pas seulement l’Etat saoudien, mais tous les pays arabes, se référant à la Déclaration internationale sur les droits des femmes (CEDAW). Elle note que sous prétexte de traditions et de conformité religieuses, les Etats arabes ont émis des réserves sur certains articles de la déclaration en question. 
Leur argument est que leurs lois sont conformes à la loi divine qui, elle, est intangible et garantit à la femme l’équité, alors qu’elles sont tout le contraire des lois divines. Elles servent à neutraliser la conscience individuelle et collective et s’opposent à la parole du Prophète : «Vous êtes mieux placés pour décider des choses de votre vie.» Et l’écrivaine de poser quelques questions qui resteront sans doute sans réponses, notamment sur l’article 2 qui demande l’abrogation des lois des Etats qui sont discriminatoires envers les femmes. Sur l’article 9 qui stipule que l’homme et la femme ont les mêmes droits pour ce qui concerne la nationalité des enfants. L’article 15 qui demande aux Etats d’accorder les mêmes droits que les hommes aux femmes, en matière de mobilité, de voyages, et de choix du lieu de résidence. Et enfin l’article 16 qui demande d’attribuer les mêmes droits aux conjoints en matière d’actes de mariage et de divorce. Les réserves émises par la plupart des pays arabes sur ces articles expliquent mieux que la «main de l’étranger» ou «l’attrait pernicieux» de l’Occident pourquoi il y a des Rahaf.
A. H.

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