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Rubrique Kiosque arabe

Un pays en guerre contre l'ennui

Pourquoi j'ignore le Maroc ? Parce qu'il ne s'y passe jamais rien qui puisse nourrir une chronique, parce que j'ai honte que l'un des plus hauts responsables algériens s'y soit réfugié avec armes et bagages. D'accord, ce n'est pas moi qui l'ai choisi, cet ancien pompiste et percussionniste qui n'a jamais cessé, paraît-il, de répercuter tous nos secrets aux quatre vents de la Méditerranée. Partout ailleurs, un tel passage à l'Ouest, pour ne pas dire à l'ennemi, aurait déclenché un séisme, que dis-je un tsunami qui aurait emporté sur son passage hirakistes, hirakiens, et anti. Mais le percussionniste est passé comme une lettre à la poste, et qui plus est avec un affranchissement conséquent susceptible de le faire transiter par plusieurs pays et d'y faire ses nidations. À ce rythme, et avec cette ampleur, ce n'est plus de la derbouka, rythmant la partition au piano de Skandrani, c'est du tam-tam, non des tams-tams, à réveiller tous les martyrs enterrés. Panne générale de sonotones et autres appareils acoustiques dressés à saisir les messages de nos murs qui ne dorment que d'une oreille, pourtant, mais trop orientés salons et boudoirs. Ah, vous avez dit Pegasus ? Oui, c'est Pégase, ce cheval ailé qui peut passer d'un coup d'aile plusieurs frontières, tout comme le pompiste, mais assez loin des performances de notre Boraq. 
Tiens, on aurait bien besoin, en ces temps de pénuries d'eau, du coup de sabot de Pégase pour nous ouvrir partout des fontaines, qu'on ne sera pas obligés de changer en barrages envasés. À part ça, et pour plus de détails, interrogez le percussionniste, ou mieux encore, ceux chez qui il a fait le plein et ceux qui lui ont appris la différence entre une clé de sol et une clé de porte à Paris. S'il s'agit de cette affaire d'espionnage, elle me rappelle l'histoire de Djeha, surpris en train de piller un jardin par le propriétaire et qui raconte qu'une bourrasque l'a jeté en ces lieux. Pour justifier la présence à ses côtés du sac plein de légumes, il a expliqué que c'est en essayant de s'accrocher à tout ce qu'il pouvait qu'il a arraché quelques plants par-ci par-là. Mais nos voisins marocains devraient quand même être en mesure de nous expliquer comment tous ces légumes se sont retrouvés à l'intérieur du sac de Djeha, rempli à ras-bord et fermé. Pourquoi j'ignore les autres pays, membres de la Ligue arabe ? Parce qu'il ne s'y passe jamais rien, et je suis pourtant abonné aux alertes des journaux de tous ces pays d'extrême ennui. Même le Qatar qui s'est mis en tête d'être moins ennuyeux en achetant des distractions à coups de millions de dollars, des télés, et des journaux aux mêmes tarifs, n'arrive plus à me stimuler. 
Évidemment, je suis très heureux de retrouver des consœurs, hormis la copine de Karadhaoui, et des confrères, partis exercer ailleurs leurs talents, et devenus les vrais ambassadeurs de leur pays. Mais en dehors des journalistes sportifs, tous des amis sauf un, que je retrouve avec plaisir sur certaines chaînes sportives, ceux qui écrivent par exemple sur Al-Quds, parlent de l'Algérie. Sinon, le journal racheté par Doha au Palestinien en faillite, Abdelbari Atwane, s'intéresse très peu aux autres pays arabes, sauf dans le cadre de la guéguerre actuelle, mais à l'Égypte, oui. Et je ne peux qu'approuver, même si dans la période actuelle, le Qatar est plutôt erdoganiste que sissiste, et plutôt pro-frères musulmans que pro-Égyptiens, cela va sans dire. Regardez vous-mêmes, si vous ne croyez pas ce que je dis par expérience: tapez Égypte sur Google dans la catégorie News, puis tapez le nom d'un autre pays, tiens la Jordanie, et voyez le résultat et la différence. Oui, même si vous contestez que l'Égypte soit la «Mère du monde», je persiste et signe: ce n'est pas notre maman puisque nous sommes nés orphelins, mais c'est notre marâtre, une marâtre certes un tantinet prétentieuse et arrogante, mais une marâtre incontournable. Les exemples foisonnent, dites-moi où peut-on lire ceci : «Sissi est sommé de partir, parce qu'il a perdu le Nil.»
L'injonction émane du journaliste égyptien Abdenasser Salama, ancien rédacteur en chef du grand quotidien cairote Al-Ahram, mais du temps où Morsi régnait, ceci expliquant cela. Bien que postée sur Facebook et reprise sur d'autres réseaux sociaux, cette injonction est malvenue pour le Président Sissi car elle touche à un sujet ultra-sensible en Égypte, celui du Nil. En 2017, l'annonce de la rétrocession à l'Arabie Saoudite de deux îlots inhabités sur la mer Rouge, Tiran et Sanafir, avait provoqué une contestation populaire, attisée par les Frères musulmans. Que dire alors du Nil, l'unique artère qui irrigue le cœur de l'Égypte depuis des temps immémoriaux, et dont le cours et les crues rythment la vie des Égyptiens et celle des Soudanais. Or, ce qu'affirme Abdenasser Salama et qui explique l'ampleur des réactions chez les partisans de Sissi est susceptible de toucher ses compatriotes et d'écorner davantage l'image du Raïs. Il réclame non seulement sa démission, hautement improbable sous nos cieux, et nécessitant plus de témérité que de courage, mais il exige en plus que Sissi soit jugé pour : «Sa lourde défaite devant l'Éthiopie et la perte des droits historiques de l'Égypte sur les eaux du Nil.» En toute simplicité ! Et vous me croirez enfin si je vous dis qu'il ne se passe rien, sans et en dehors de l'Égypte.
Mais ce n'est pas tout : que l'ancien patron de la rédaction d'Al-Ahram ait agi par rancœur après avoir perdu un poste très en vue ou sur instruction de ses «Frères», l'initiative a fait mouche. Des journalistes patentés, des avocats polyvalents, spécialistes de la chasse à courre, ont été mobilisés pour organiser la réplique et intenter des poursuites contre l'intéressé pour trahison. Seulement, Abdenasser Salama est un vrai casse-tête, ou pire un caillou dans la chaussure, comme on dit chez nous, puisqu'il n'a pas agi à partir d'Istanbul, mais de l'Égypte même. Faute de s'attaquer à l'Éthiopie qui peut livrer leur pays au désert, les Égyptiens mènent au moins une guerre contre l'ennui, ce qui les rend plus fréquentables à mes yeux.
A. H.

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