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Rubrique Kiosque arabe

Une fatwa ratée pour une reine répudiée

Depuis1962, le mouvement historique qui a déclenché la guerre de Libération et arraché l'indépendance fait l'objet d'une tentative de récupération incessante de la part des islamistes. Premiers propagateurs du wahhabisme et pionniers de l'Islam politique sous la férule de Ben Badis, les « ulémas » algériens ont jusqu'ici échoué à s'approprier Novembre et ses symboles. Mais depuis les années Bouteflika, ils se sont remis à espérer en voyant comment un personnage comme Messali, auteur d'une guerre sans merci contre Novembre, a été réhabilité. Le plus scabreux dans cette affaire, c'est que l'on ait réussi à blanchir le créateur et chef du MNA, alors que ses soldats, morts ou survivants, sont toujours considérés comme des traîtres. Ceci, alors que rien n'empêchait Bouteflika de décréter une amnistie générale pour les anciens messalistes, après avoir réussi à réhabiliter les tueurs du FIS, sans susciter de révolte sérieuse. Qui peut le plus, peut le moins, d'autant plus que l'idée avait essaimé et germé, et il qu'il ne restait plus qu'à lier Novembre et Ben Badis en imposant ce dernier comme figure paternelle. Le projet est encore plus séduisant quand on sait que la plupart des acteurs du 1er Novembre, susceptibles de clouer le bec aux « ulémas », ne sont plus de ce monde, ou ont choisi de se taire. La relève des générations fera le reste, avec un système éducatif idoine.
Puisqu'on ne peut pas réduire au silence les Ben-M’hidi, Abane, Ali La Pointe, sans cesse invoqués par les foules du vendredi, mettons Ben Badis sur leurs talons et refaisons l'Histoire. Une fois que les bons noms, «ntawaâna» les nôtres, seront couchés dans les manuels scolaires et que les «pères libérateurs» seront relégués au bas de la page, en italique, la partie sera jouée.  
Rien n'est moins sûr, et même avec la relève des générations et l'oubli escompté, des choses enfouies peuvent ressortir et des vérités éclater au grand jour, pour peu qu'on creuse un peu. C'est la leçon que nous donne ces jours-ci l'ancien ministre égyptien de la Culture, Hilmi Nemnem, qui ne s'est pas satisfait des lectures parcellaires et des condensés, mais il a creusé. Dans une série de textes qu'il consacre à l'histoire de son pays, dans le quotidien Al-Misri Alyoum, il confirme qu'on peut avoir été ministre, sans y laisser son âme, ni perdre sa plume. Hilmi Nemnem évoque dans ce texte intitulé Le Roi, le Cheikh, et la répudiation de la Reine, le rôle de la rumeur, plus connue sous la forme de fake news dans les médias sociaux. Il arrive aussi que la rumeur ou un ensemble de rumeurs ne se limitent pas à relater des faits inexistants, mais s'attachent à déformer ou bien à embellir l'image d'une personne historique. C'est le cas ici avec l'ancien recteur d'Al-Azhar, Mustapha Al-Maraghi.
Selon la version répandue par la rumeur, lorsque le roi Farouk a répudié la reine Farida, il est allé voir le cheikh Mohamed Mustapha Al-Maraghi, et lui a demandé d'émettre une fatwa. Celle-ci consistait à interdire définitivement à la reine répudiée de se remarier avec un autre homme, une fois que le divorce avec le souverain aurait été validé, ce qui était peu ordinaire. Le roi aurait rendu visite au cheikh alors hospitalisé, il aurait menacé et tempêté et même failli jeter sa cigarette au visage du recteur d'Al-Azhar, sous le coup de la colère, en vain. Le dignitaire religieux aurait catégoriquement refusé d'émettre la fatwa demandée arguant qu'il ne pouvait pas « interdire ce que Dieu avait autorisé », pour le grand malheur des siens. Car devant ce refus, comme le rapporte un autre récit, le roi a puni le village d'Al-Maragha, d'où est issu Mustapha Al-Margahi, en le privant, durant trois ans, de subsides gouvernementaux. Plus encore, un récit entendu sur une chaîne satellitaire affirme que le cheikh Abou-Alfadhl Al-Djizaoui a émis une fatwa appuyant Al-Maraghi, ce qui suggère que tout Al-Azhar était avec lui. Ainsi, il est devenu évident, y compris dans les écrits des spécialistes en histoire, que le roi Farouk avait effectivement exigé une telle fatwa d'Al-Maraghi, qui avait refusé d'obéir.
Ayant effectué des recherches dans des sources fiables en quête d'une trace de cet évènement, Hilmi Nemnem souligne qu'il n'a rien trouvé de pareil, mais il a découvert quelque chose. A savoir que les récits se rapportant à cet incident sont apparus et ont été amplifiés, juste après la Révolution de juillet 1952, ce qui incite à les traiter avec une certaine méfiance. D'autre part, les dates ne concordent pas : la reine Farida a été répudiée en novembre 1948, alors que le cheikh d'Al-Azhar est décédé en août 1945, et à cette époque, il n'était pas encore question de séparation chez le couple. Quand il a été question de divorce, la reine a simplement émis le vœu de rester près des princesses, ses filles, ce qui est de notoriété publique, et exclut un éventuel projet de remariage. Ajoutons à cela que le roi Farouk n'était pas un imbécile, c'était un homme d'État, et il savait parfaitement que les fatwas n'étaient pas du ressort du recteur d'Al-Aazhar, mais relevaient du mufti d'Égypte. Il le savait d'autant plus que lorsque le Sénat égyptien avait examiné en 1950 un projet de loi limitant la propriété agraire, le mufti avait décrété que la limitation n'existait pas en Islam. Quoi qu'il en soit, le roi Farouk n'était pas du genre à fonctionner avec des fatwas, et il avait trouvé chez Al-Maraghi un appui et un soutien sans faille.  
Le roi pratiquait les jeux de hasard avec assiduité, et il n'avait jamais demandé l'autorisation au recteur, qui n'avait jamais évoqué le sujet à son tour. Et lorsque Farouk a jeté son dévolu sur une jeune fille déjà promise, il n'a pas demandé une fatwa, sachant qu'un hadith prophétique interdisait ce genre de pratique. Mais ni le roi, ni le recteur, ni la famille de la future épouse ne se sont arrêtés à ce détail. La vérité, c'est que Farouk a été reconnaissant envers le recteur d'Al-Azhar, puisque même après son décès, il a fait venir son neveu Mortadha Al-Maraghi, et en a fait son ministre de l'Intérieur. Je sais qu'il y en a qui veulent faire du recteur d'Al-Azhar un opposant au pouvoir à toutes les époques et l'affubler ainsi d'auréoles, bien que cela n'ait jamais existé dans la réalité, conclut Hilmi Nemnem. Apparemment, nous avons bien appris des Égyptiens, puisque les meilleurs soutiens de Bouteflika, au temps de sa grandeur, sont les plus énergiques à le traîner dans la boue. Et les plus empressés à continuer à faire du Bouteflika, mais sans lui.
A. H.

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