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Rubrique Le Soirmagazine

C’est ma vie l’addiction de Bihmane

J’ai longtemps cru que le plus beau jour de ma vie, c’est celui où j’ai fait la connaissance de Bihmane, à l’occasion du mariage de ma cousine Samia. Assise en retrait au fond de la salle des fêtes, je ne m’attendais absolument pas à être abordée par un homme d’une élégance et d’une beauté époustouflantes, visage d’ange, cheveux mi-longs et regard foudroyant.
La chaise à côté de la mienne étant libre, il prit place et me lança sans préambule.
- Si l’on organise un concours de beauté ici, je suis sûr que vous serez l’heureuse élue, aucune de ces magnifiques créatures qui nous entourent ne pourrait rivaliser avec vous.
J’avoue que tout en sachant qu’il exagérait, je ne suis pas restée insensible à ses éloges. Il a dû détecté le trouble qu’il a réussi à déclencher en moi, j’ai donc juste pu articuler :
- «Vous devez dire cela à toutes les femmes que vous souhaitez ajouter à votre long tableau de chasse, sachez que faire partie de votre harem ne m’intéresse absolument pas.»
- «Je suis loin d’être la personne que vous imaginez, je suis réellement sincère. Si cela peut vous rassurer, j’ai vraiment flashé sur vous et je vous trouve vraiment craquante ; pour moi, nul doute, vous êtes la femme que j’ai toujours rêvé de rencontrer.»
Séduite, mais méfiante des beaux parleurs, elle poursuit :
 - «J’en ai déjà rencontré plusieurs, et j’ai toujours su m’en débarrasser assez rapidement ; ma technique  consiste à tester la sincérité et le courage de ces soi-disant futurs conjoints. Dès que je constate que la personne essaye de m’embobiner et devenir un peu trop collante, je l’envoie balader.» 
Mon speech de présentation est toujours le même ; je lui raconte que je suis orpheline de père, ce qui est vrai ; là je constate presque toujours de la satisfaction dans le regard de celui qui prétend être dingue de moi et je crois même lire dans ses pensées. 
«Chouette ! pas de beau-papa à craindre au cas où je la largue comme je l’ai déjà fait avec toutes les autres idiotes qui ont succombé à mes ensorcelantes paroles.» Puis c’est la douche, lorsqu’il entend la suite : «j’ai deux frères, l’un officier de police, l’autre avocat et une mère médecin, alors que celle qui m’a mise au monde est une femme au foyer et mon unique frangin est un écolier d’à peine une douzaine d’années.»
Dès le lendemain de ce tête-à-tête, plus aucun signe de vie de l’amoureux et des autres. Pour Bihmane, bien qu’il m’attire, je n’ai pas dérogé à la règle et, à mon grand étonnement, cela n’a pas l’air de le dissuader ou de l’intimider ; au contraire, il m’a sidérée en m’annonçant qu’il avait hâte de connaître tous les miens.
Intérieurement, je jubilais. Enfin quelqu’un de vraiment sérieux ! J’ai donc continué à l’écouter, mais cette fois-ci avec une oreille plus attentive.
- Je suis le gérant d’un point de vente de matériel de cycles et motocycles, mon salaire n’est pas mirobolant, mais il  me permet de vivre décemment ; j’arrondis mes fins de mois en chantant dans les fêtes de mariage, comme c’est le cas aujourd’hui, circoncisions, réussite aux examens et autres. Si vous restez un peu plus longtemps, vous constaterez que je ne vous ai pas menti.
Bien que je n’avais pas l’intention de trop m’attarder vu que le lendemain je devais me lever tôt pour me rendre à la clinique où j’exerce comme infirmière, j’ai attendu, et je ne le regrette absolument pas, vu qu’il m’a déjà presque conquise. Sa voix envoûtante et mélodieuse a fini par me séduire et je souhaitais devenir sa femme s’il me le proposait.
C’est ce qu’il fit trois mois plus tard. Après avoir découvert que j’ai un peu menti lors de ma présentation familiale, il a voulu savoir pourquoi, quand je lui ai expliqué que c’était pour éloigner ceux qui ne sont intéressés que par des histoires sans lendemain, il m’a dit que c’était une méthode lucide et bien réfléchie.
Nous avons vécu et nagé dans le bonheur pendant plus de dix ans, nous avons eu deux enfants. Samia, 6 ans et  Nabil, 10 ans. Nous avons eu quelques petits accrochages et escarmouches sans gravité, comme dans tous les couples. Pour moi, cela renforce et cimente une  liaison.
C’est en achetant une console à Nabil à l’occasion de son dixième anniversaire que les choses commencèrent à se dégrader. Au début, voir les deux hommes de la maison s’amuser avec leur joujou devant le grand écran de télé me ravissait ; leur complicité était telle que je devenais même un peu jalouse.
Mon fils a eu des résultats scolaires catastrophiques, pourtant bon élève avant l’achat du cadeau empoisonné. Cela me poussa à lui interdire de toucher à sa console durant les jours où il a école et qu’il n’avait le droit de s’en servir que durant le week-end si ses notes s’amélioraient.
A ma grande déconvenue, c’est mon mari qui est devenu accro au boîtier diabolique. Il passe le plus clair de son temps vautré sur le canapé du salon à faire une sorte de rééducation des pouces.
 Dès qu’il rentre du travail, il apporte avec lui de nouveaux jeux, entre dans son monde virtuel et oublie ses obligations de père de famille. C’est moi qui fais tout. Il ne lève pas le petit doigt pour m’aider, même quand je rentre éreintée du boulot.
J’ai essayé de le raisonner, mais impossible de lui faire entendre raison ; il se mure dans un silence, se bouche les oreilles, me laisse vociférer sans réagir et continue à jouer. La table du salon devant lui déborde de multitudes de jeux vidéo, foot, poursuites automobiles, combats, tirs…
Il lui arrive de rester jusqu’au petit matin à s’esquinter les yeux devant l’écran de télévision et à s’empiffrer de gâteaux, sodas et autres sucreries. Tel un ogre, il avale sans mâcher; en moins d’une année, il est passé de 80 kg à plus de 130 kg, son tour de taille ressemble à celui d’une femme enceinte sur le point d’accoucher.
Quand je l’observe discrètement en train de se tortiller comme s’il était atteint de convulsions, je suis effarée et me pose cette question: ce gros pachyderme assis sur notre divan ne peut être le beau Bihmane que j’ai épousé.    
Son physique dépérissait à vue d’œil. Une barbe hirsute a envahi ses joues et ses yeux sont toujours rouges par manque de sommeil. Plus personne ne vient le solliciter pour chanter tellement il n’avait plus de voix. De plus, il était devenu affreux à voir.
Son patron l’ayant averti plusieurs fois pour ses  retards répétitifs, finit par le mettre à la porte. Monsieur ne ramène plus un centime à la maison et cela ne semble pas le perturber outre mesure. Moi, j’étais au bord de l’explosion et notre couple aussi. Je ne dormais plus, je passais mes nuits à chercher une solution, comment sortir mon mari de son addiction. Il fallait que je trouve une astuce, mes paroles blessantes et mes cris n’ont pas d’effet sur lui vu qu’il ne m’écoute plus.
Ma première décision fut de casser sa console et de mettre à la poubelle tous ses jeux; il a piqué sa crise durant toute une journée, mais dès le lendemain, il a  acheté à crédit un autre appareil et toute une panoplie de jeux. 
Non seulement ma tentative s’est soldée par un flop, mais aussi des dettes qu’il faudra que je paye vu que monsieur n’a plus d’entrée d’argent. Ma réaction a été si violente qu’il s’est enfermé dans le salon sans prononcer une parole.
Afin de m’acquitter des achats immatures de mon époux, j’ai été obligée de brader notre grande télé à une voisine à moitié prix. Bihmane a eu le culot d’accaparer celle se trouvant dans la petite chambre des enfants.
N’étant pas de ces femmes qui demandent le divorce au moindre pépin, j’ai baissé les bras et attendu, cela a duré plus de trois ans. C’est ma fille Samia qui a réussi innocemment à produire  chez lui un électrochoc qui va le bouleverser et le ramener à la raison.
Un beau matin, il était tellement heureux d’avoir enfin pu battre le record qu’il s’était fixé dans l’un de ses jeux favoris, qu’il s’est mis à jubiler et à sautiller comme un gamin; voyant pour une fois sa fille jouer avec sa poupée, il a voulu la prendre dans ses bras pour partager avec elle sa joie.
A sa grande surprise, Samia poussa un cri, prit la fuite et se cacha derrière moi. Ne comprenant pas la réaction de sa fille, il lui posa la question suivante:
- Pourquoi as-tu peur de ton papa mon ange ?
C’est terrifiée et entre deux sanglots qu’elle lui répondit:
- Tu n’es plus mon papa, tu es devenu méchant, tu ne nous achètes plus de bonbons comme avant, tu as pris notre télé, on ne peut plus voir nos dessins animés mon frère et moi, tu ne sens pas bon et tu ressembles au gros méchant barbu qui fait du mal aux enfants.
J’ai vu des larmes ruisseler sur les joues poilues de mon mari. Il s’est regardé dans la glace et a constaté que sa fille disait vrai. Il s’est enfermé dans la salle de bain durant plus de trois heures. 
Quand il en est ressorti,  plus de barbe, ni de mauvaises odeurs. Il a remis la télé des enfants dans leur chambre, a mis dans un gros sac console et jeux, puis il est sorti sans mot dire. 
Le soir, il est rentré avec des tonnes de friandises et de jouets pour Samia et Nabil et un gros bouquet de fleurs pour moi. Il s’est réconcilié avec nous tous et nous a juré de redevenir le papa et le mari que nous chérissions.
Il a tenu parole. Il s’est mis au sport pour perdre les kilos superflus. Son ancien patron a accepté de le reprendre vu que son remplaçant était loin d’être aussi performant que lui. Il essaye même de rééduquer ses cordes vocales avec du miel d’abeilles afin de reprendre  la chanson. 

 

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