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Rubrique Les choses de la vie

À quoi sert la TNT ?

La TNT (Télévision numérique terrestre) a nécessité beaucoup d'efforts et d'argent pour sa mise en place à travers notre immense territoire. Et pourtant, elle ne sert pratiquement à rien puisque les Algériens s'en détournent, lui préférant le satellite et, maintenant, l'IPTV. D'abord, qu'est-ce que la TNT ? Il s'agit d'une nouvelle étape du développement des techniques de retransmission hertzienne reposant sur la diffusion numérique. Cette dernière permet une amélioration de l'image et du son ainsi que la multiplication du nombre de canaux diffusés à travers une fréquence réservée jusque-là à un seul canal. La TNT semble superflue dans un pays où le taux de pénétration du satellite approche des cent pour cent. En plus clair, les quelques chaînes publiques proposées par la TNT sont déjà reçues via la parabole domestique. Très rares sont les ménages qui ont basculé vers la TNT en investissant dans un nouveau matériel alors que leur équipement satellite leur permet de capter les chaînes publiques nationales avec, en prime, des centaines d'autres programmes gratuits !
La TNT est un échec total et ce n'est pas aujourd'hui que nous découvrons cette triste réalité. Nous avons évoqué cette question dans plusieurs publications datant d'avant 2010. C'était un mauvais choix. Mais, à l'époque, on nous a répondu que l'Algérie se devait de mettre en application les décisions des organismes internationaux et que la TNT était programmée pour tous les pays du monde. La meilleure manière de se rendre compte de cet échec est de lever la tête quand on circule en ville ou dans un quelconque village : les antennes râteau — ces ensembles d'éléments placés en haut d'un mât qui nous permettaient de recevoir la télévision hertzienne jusqu'en 1990 — sont totalement absents du paysage. Certes, on peut toujours utiliser une antenne intérieure mais, selon nos investigations, ces dernières seraient également absentes des foyers.
On avait pensé que les matchs de l'équipe nationale diffusés sur la chaîne terrestre allaient attirer les téléspectateurs vers la TNT mais il n'en fut rien. Pour deux raisons. Primo, la chaîne «Programme national» de la télévision publique est accessible sur Nilesat. Son cryptage soft en Biss s'ouvre facilement. Secundo, la mainmise de BeIN Sports empêche souvent l'EPTV d'acquérir les droits de retransmission. Les gens préfèrent plutôt investir dans un récepteur BeIN d'autant plus qu'il capte plusieurs autres programmes sportifs couvrant des championnats européens.
La TNT marche bien dans les pays où les téléspectateurs ont pour habitude de recevoir les programmes télé à travers le réseau hertzien, comme la France. Par contre, là où le satellite est dominant, la télévision numérique terrestre marque le pas, comme en Allemagne où les chaînes privées utilisaient déjà Astra 19 degrés Est. Ce satellite accueillit les chaînes allemandes dès 1988. Il fut le premier à diffuser des chaînes TV directement vers les foyers et on peut dire qu'Astra a donné un coup de fouet à l'enrichissement du paysage audiovisuel allemand.
Mais la TNT, ce n'est pas seulement pour améliorer la qualité des anciennes chaînes hertziennes grâce au passage vers le numérique. C'est aussi la capacité de multiplier le nombre de canaux. C'est ainsi que la France a pu passer de six à vingt-cinq chaînes. Mais, au lieu d'enrichir le choix et de diversifier les thèmes, la TNT française a été une immense supercherie. Le poids de l'argent s'est, encore une fois, imposé outrageusement. Alors que la télévision publique a récolté des miettes, ce sont les grands groupes privés qui se taillent la part du lion.
Les espoirs de voir la télévision passer à une ère nouvelle sont déçus. Les anciennes chaînes dominantes comme TF1, M6 et Canal+ se lèvent contre l'ouverture de la TNT à de nouveaux diffuseurs qui auraient eu la possibilité de s'adresser aux Français à travers le réseau ouvert du hertzien. Ces canaux ne sont acceptés que s'ils passent par le satellite ou le câble. Le hertzien est le domaine privé des grands groupes et, disons-le, de quelques familles présentes dans la communication, l'industrie, les transports, les travaux publics, la presse, etc.
En fin de compte, ces grands groupes ne sont pas intéressés par un enrichissement audiovisuel qui aurait permis à d'autres acteurs de proposer une nouvelle manière de faire la télévision. Il fallait, coûte que coûte, maintenir le monopole de l'information détenu par ces grands groupes en vue d'étouffer toute communication alternative. La démocratie est la plus grande perdante de ces choix qui empêchent l'émergence des voix libres dans un système audiovisuel totalement contrôlé par un petit groupe d'acteurs agissant au service de l'ordre dominant. Au lieu d'accéder à de nouvelles formes où liberté d'expression et créativité seraient au rendez-vous d'une télé ancrée dans le XXIe siècle, l'on assiste à la multiplication de chaînes sans identité propre, des sous-produits sans épaisseur, rediffusant les programmes des chaînes mères. TF1 impose TF1 séries et films, TF1 FX, TMC, TV Breizh et LCI alors que M6 «pond» W9, Gulli, 6ter. Canal+ lance C8, Cstar et transforme iTélé en Cnews. France Télévision, NRJ et Altice (RMC) se partagent le reste des chaînes.
C'est finalement la même musique qui est jouée partout et à l'infini... La TNT tourne en rond. M6 utilise ses nouvelles chaînes pour faire revivre La petite maison dans la prairie ou ses émissions culinaires vues et revues et ses pérégrinations immobilières sans fin. TF1 fait valser Columbo de TMC à TV Breizh ainsi que ses NCIS, Grey's Anatomy, Alice Nevers, etc. Peu de nouveautés à part les deux émissions phares de TMC (Quotidien) et C8 («Touche pas à mon poste»)... et quelques rares créations originales çà et là.
La TNT algérienne, quant à elle, n'a aucune personnalité puisqu'elle n'a pas été réfléchie comme l'enrichissement d'un paysage audiovisuel qui aurait pu se décliner avec une vision dynamique et une adaptation intelligente à l'immensité du territoire et au potentiel des régions. Totalement dédiées au satellite, nos chaînes publiques n'ont pas su profiter de la TNT et de ses possibilités de multiplier les décrochages locaux pour une information décentralisée et proche du citoyen. Des milliards ont servi à acquérir des installations qui ne servent pratiquement à rien.
M. F.

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