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Rubrique Les choses de la vie

Le foot entre gloire des Verts et professionnalisme de pacotille

Malmenée par une série d’antagonismes, pour ne pas dire rivalités, entre institutions et entre personnes et baignant dans un climat perpétuel de précarité et de malaises latents, la planète foot algérienne vit un véritable paradoxe qui travestit la réalité et occulte les vrais problèmes. C’est celui d’avoir une sélection nationale A de niveau mondial dans un pays où le football se porte très mal. On a toujours comparé l’équipe nationale à l’arbre qui cache la forêt et je crois que cette approche est juste. Que ce soit au niveau des clubs ou de la sélection A’, composée de joueurs locaux, la situation n’est guère brillante malgré des résultats acceptables des clubs engagés dans des compétitions africaines. Mais il faudra attendre les étapes cruciales pour se prononcer définitivement sur la valeur de nos équipes au plan continental.
Ce n’est pas inopportun de dire que le football national se porte mal. Une gestion catastrophique des championnats, des changements frivoles à chaque saison (comptez combien de fois on a choisi la formule de la division 2 unique, puis en deux poules, puis en trois poules, avec un retour à la division unique, puis… puis…), des conflits à n’en plus finir, crise de confiance, corruption, etc. Le tout sous le regard d’une presse plus prompte à enfler les malentendus qu’à analyser sérieusement une rencontre. Sans oublier ce professionnalisme boiteux qui ne s’illustre que par les salaires pharamineux des joueurs bombardés pros sans savoir parfois contrôler une passe ! Le professionnalisme est un long parcours qui commence par la formation des jeunes, des académies, des centres d’entraînement et de récupération, des stages périodiques, etc. L’objectif est d’atteindre le haut niveau ou, du moins, de s’en rapprocher. Or, que constatons-nous ? Nous avons affaire à des formations dirigées par des analphabètes qui ramassent les subventions et l’argent du sponsoring à la pelle, sans essayer de s’entourer de compétences capables de leur éviter une gestion hasardeuse, parfois sans le moindre respect des règles comptables élémentaires.
Lors du lancement de ce professionnalisme à la noix de coco, nous avions alerté sur sa mauvaise conception, son départ raté et son avenir compromis. Officiellement, il était question d’octroyer à chaque club un terrain de plusieurs hectares pour la construction de ses infrastructures propres (terrains d’entraînement, siège de l’administration, centre d’hébergement et de repos, équipement de remise en forme, etc.) La décision officielle précisait également que chaque formation devait recevoir une grosse somme pour assurer un bon démarrage au professionnalisme. C’était en 2010 et beaucoup d’eau a coulé sous les ponts sans que l’on puisse dire que nos clubs « pros » sont au top. Après cette décennie de flottement, les résultats sont là ! À deux ou trois formations près, on peut dire que le professionnalisme est le grand absent de la gestion et de la pratique des clubs de l’élite. Et quelle élite ! Les formations amateurs des années 60 étaient mieux dirigées, mieux équipées et plus performantes. À titre d’exemple, l’USM Annaba comptait une vingtaine de disciplines et des champions dans presque chaque discipline, de l’escrime au cyclisme, en passant par le basket-ball, l’athlétisme et le football, bien sûr, qui lui permit de remporter le titre national en 1963-64 après avoir atteint la finale en 1962 face à l’USM Alger. On peut dire la même chose des clubs porte-drapeaux du sport d’Alger, Oran, Blida, Tizi-Ouzou, Sétif, Guelma, Batna, etc. Ces clubs d’une élite véritable étaient certes brillants en foot mais couvaient des milliers de sportifs dans toutes les disciplines. Qu’en est-il aujourd’hui ? Les milliards servent à payer grassement des joueurs qui se prennent pour des stars alors qu’ils sont nuls. Bien sûr, il y a aussi de très bons éléments et, d’ailleurs, ils sont vite repérés et finissent à l’étranger.
Si j’ai parlé de l’élite des années 60, c’est pour rappeler que, sans gros moyens, ni budgets colossaux, ces formations amateurs offraient le meilleur visage du football tant au plan du jeu que du sérieux et de l’abnégation. On jouait pour l’amour du football, pour le plaisir, pour le renom de sa ville ou de son quartier. Les footballeurs ne recevaient pas de salaire. Juste des primes de matche qui n’étaient pas toujours versées… Des déplacements en car et taxi, voire par train, rarement par avion. Des ravitaillements de fortune, parfois un resto sur la route, souvent un casse-croûte… Mais ça jouait au vrai football, sans triche ni prétention. Certaines de ces formations amateurs ont pu venir à bout des vieux clubs professionnels, à l’instar du Mouloudia d’Alger victorieux de Bastia (6-3) à Paris lors d’une tournée historique (1971) ou encore l’ES Guelma qui remporta un tournoi auquel participaient l’OGC Nice et le FC Toulouse. Et cela sur la belle pelouse du stade vélodrome d’Annaba. Rappeler ces moments de sport véritable, au sens le plus noble du terme, et de belles réalisations inscrites en lettres d’or, aidera ceux qui ne connaissent pas cette époque à réaliser la profondeur du gouffre dans lequel nous nous sommes enfoncés.
Puis vint le professionnalisme socialiste dans le cadre d’une réforme globale du sport algérien. Sa principale nouveauté : confier la gestion des clubs de l’élite aux grandes sociétés nationales. Les joueurs furent des salariés dont le travail consistait simplement à jouer, sans se préoccuper du pain quotidien. Ce fut l’époque glorieuse de l’ascension continentale avec le premier titre du Mouloudia d’Alger. Une autre formation régna plus tard sur le continent avec brio : la JS Kabylie, devenue JET (affiliée au complexe électronique de Tizi-Ouzou). Il est d’ailleurs significatif qu’aujourd’hui, les supporters de grands clubs ballottés par les vents de l’incertitude et de l’incompétence, en viennent à réclamer le sponsoring des grandes sociétés publiques ! 
Aujourd’hui, le foot national n’a plus rien de son prestige d’antan. Mais, on n’y fait guère attention depuis que les Verts volent de succès en succès. Il faut ici reconnaître que l’équipe nationale, sa composante, son management, son chef, ses staffs, son style n’ont aucun lien avec le football d’ici. Et c’est tant mieux, parce que cela préserve les Verts de tant de maladies typiquement de chez nous. Et la première de ces affections est le conflit perpétuel entre les dirigeants, l’omnipotence des ministres et l’interventionnisme malsain de tous ceux qui, un jour ou l’autre, ont la prétention de vouloir chapeauter le football national pour en tirer quelque profit politique. Les performances sont celles des joueurs et de leur entraîneur. Elles sont celles du peuple et de personne d’autre.
Pour qu’elle réussisse ses prochaines échéances, l’équipe nationale de football doit rester en dehors de ce monde pourri. Les luttes de clan du monde footballistique restent la principale menace pour son équilibre et sa sérénité. Nous comprenons mieux l’avertissement de Belmadi qui tient à continuer son travail dans les mêmes conditions, loin de toute turbulence. À ces risques intérieurs s’ajoutent des défis extérieurs dans une conjoncture où beaucoup voudraient briser l’élan des Verts pour nuire à l’image de l’Algérie, devenue très forte et omniprésente chez les peuples de la rive sud de la Méditerranée et même au-delà.  
M. F.

 

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