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Rubrique Les choses de la vie

Mark Zuckerberg et le cinquième mandat

Autour de la soudaine sortie de larges pans du peuple algérien pour arrêter le cinquième mandat, il y a une nouvelle littérature, des réactions de toutes sortes, des images et des vidéos qui accompagnent ce formidable mouvement à nul autre pareil et qui méritent que l'on s'y attarde un peu pour comprendre cette actualité frétillante et surchargée. Car les explications des «connaisseurs» et autres experts de pacotille, les comparaisons avec d'autres pays arabes ou du tiers-monde et les fumisteries des chaînes TV financées par des forces occultes passent souvent à côté du sujet. Même les dirigeants algériens, qui n'ont rien vu venir, ne semblent pas saisir la portée de ce mouvement qui les emportera sûrement s'ils ne réagissent pas rapidement avec la sagesse et la responsabilité qu'exigent de tels défis.
Nous ne sommes pas en présence d'une révolution, ni d'un soulèvement populaire, ni d'une insurrection. Il n'y a aucun printemps à l'horizon hormis celui prévu par le cycle naturel des saisons. Le printemps arabe, qui est une manipulation machiavélique des forces rétrogrades alliées au sionisme et à l'impérialisme, ne nous concerne pas. Nos printemps, nous les avons vécus des décennies avant les Arabes. Le printemps kabyle d'abord en 1980, puis le soulèvement de la jeunesse le 5 Octobre 1988 et, enfin, le printemps noir du début des années 2000, sont là pour témoigner de l'avance prise par le mouvement citoyen algérien, y compris sur les pays d'Europe de l'Est qui n'ont pu abattre leurs partis uniques qu'en 1989 (chute de Ceausescu et du mur de Berlin).
Avant tous les autres, la jeunesse algérienne a pu démonter le système du parti unique et imposer une ouverture démocratique qui fut rapidement gangrenée par l'autorisation de partis religieux, pourtant, interdits par la nouvelle Constitution de l'époque. Ce fut l'époque d'une période trouble que la presse occidentale qualifie de «guerre civile» alors qu'elle ne mettait aucunement deux armées structurées et représentatives. C'était la guerre du peuple contre un terrorisme féroce et sanguinaire, financé par l'Arabie Saoudite et le Qatar. Nous sommes, encore, les premiers à recevoir les coups de ce terrorisme d'un nouveau type qui fera, quelques années plus tard, l'actualité à travers grands et petits pays.
La période qui s'ensuit est marquée par la restauration d'un système de parti unique pire que le précédent puisque chapeauté par une personnalité plus proche des monarques absolus que des leaders communistes ! Les mandats succèdent aux mandats avec du bon, du moins bon et, franchement, du mauvais comme signalé dans nos écrits depuis vingt années. Même lorsque le Président tombe malade et qu'il ne parle plus, différents subterfuges dignes d'Hollywood continuent d'animer la scène politique et les médias audiovisuels. Mais les scénaristes ne savaient certainement pas que le peuple savait. Sa patience semble à bout et, désormais, il veut un Président présent et actif. C'est ce que nous comprenons des mots d'ordre scandés par les manifestants depuis quelques jours et nous espérons que les personnalités du camp présidentiel les entendent aussi clairement que nous.
Il y a deux possibilités devant eux : permettre une sortie honorable au président de la République en retardant les élections et en cherchant une personnalité crédible qui les représentera ou alors tenter le passage en force et risquer de tout souffler ! Nous disions que nous ne sommes pas en présence d'un scénario habituel car ces manifestations n'ont rien à voir avec ce qui est connu dans les pays du tiers-monde. Quand la foule en a marre, elle sort pour tout casser et imposer par la force du nombre et la violence ses propres solutions. Mais la foule algérienne défile calmement, avec des slogans précis qui expriment exclusivement une nette opposition au cinquième mandat, et pas autre chose. Cette foule se disperse sans une vitre cassée, avec le sourire et la satisfaction du devoir citoyen accompli puis rentre benoîtement chez elle, cela n'a rien à voir avec la révolution; cela ressemble aux marches des citoyens américains, allemands et français et c'est cela qui est nouveau. Le pouvoir algérien est face à une opposition populaire consciente et pacifique. Il lui appartient de la traiter en tant que telle ou de la transformer en force révolutionnaire, ce que personne ne souhaite.
Il est vrai que toute solution politique impose non seulement une dose de sagesse et de lucidité mais exige aussi un sens de responsabilité qui permet de construire des ponts entre les antagonistes afin que, d'un dialogue franc et direct, puissent surgir des solutions acceptées par tous. Mais ce mouvement naissant, d'origine non connue, n'a aucune paternité, ni couverture politique quelconque. Nous sommes en présence de phénomènes nouveaux nés au cœur de la Toile, portés par les bifurcations souterraines des fibres optiques et la folle cavalcade des octets : en moins d'une seconde, un message anonyme arrive à des milliers de personnes qui, à leur tour, le transmettent, chacun, à des milliers d'autres qui... Telle une toile d'araignée infinie, ce monde magique de l'internet permet aux idées d'arriver à des millions de personnes en quelques secondes. Et face à cette nouvelle réalité, il est franchement ridicule de raisonner encore avec les concepts du XXe siècle !
L'un des exemples les plus grotesques de ces réactions d'un autre âge est la censure audiovisuelle de ces marches ! Comme si les jeunes regardent encore le JT du 20 heures ! A l'heure de ce sacro-saint rendez-vous de l'info (pour les anciennes générations), il se sera passé près de douze heures depuis que les premiers marcheurs ont pris possession de la rue. Douze heures, c'est-à-dire 720 minutes ou 43 200 secondes ! A chaque seconde, plusieurs messages Facebook ou Twitter, des photos, des vidéos Youtube auront fait le tour de l'Algérie et du monde pour porter les nouvelles des manifs ! Le smartphone, arme d'information massive, permet à des millions de jeunes de partager ce qu'ils vivent instantanément ! L'autre force de ce nouveau système de communication est la réactivité : lire, voir et réagir à la seconde près ! Et face à ce déploiement extraordinaire de technologie et d'échanges simultanés d'infos, vous avez des personnes qui continuent de donner des ordres pour censurer ces mêmes images vues et commentées des millions de fois !
Nous sommes face à des défis nouveaux ! Nous sommes face à une jeunesse qui n'a pas connu le 5 Octobre, ni le départ de Chadli et qui était probablement trop jeune pour comprendre ce qui se passait dans l'Algérie des années 90. C'est une jeunesse marquée par les clips Youtube et les tendances post-raï de la musique, une jeunesse qui déserte la télévision pour l'écran, étroit mais ô combien riche, des smartphones. C'est la génération Bouteflika qui n'a connu qu'un seul Président : celui qu'elle n'entend pas parler, ne voit pratiquement plus et qui s'impose pourtant à elle à travers des manipulations médiatiques d'un autre âge. C'est cette jeunesse aujourd'hui qui crie et se soulève contre le ridicule des cadres qu'on offre à un cadre en bois, d'un cheval ou d'un dromadaire qu'on offre à un portrait officiel, de cadeaux divers qu'on offre à une photo ! Si la folie a gagné tous ces partisans égarés sur la voie de l'indignité, la jeunesse prouve qu'elle est saine. Elle demande le départ du cadre pour un vrai personnage. C'est aussi simple que cela.
La sagesse voudrait que l'on comprenne son message car c'est un appel à la raison qui vient paradoxalement des plus jeunes. Mais il n'est pas sûr que des gens retirés dans leur tour d'ivoire puissent comprendre ces quatre mots «Non au cinquième mandat !» Ils se bouchent les oreilles pour que ce «blasphème» ne perturbe pas leur sommeil. S'ils ne font pas preuve de sagesse et de responsabilité pour laisser Abdelaziz Bouteflika se retirer dans la dignité et aller se reposer, ils porteront la responsabilité des graves dérapages qui pourraient résulter de leur inconscience. Evidemment, à ce moment-là, leurs avions seront prêts à décoller. Mais quel pays nous laisseront-ils ?
M. F.
 
P. S. : à lire ou à relire la conclusion d'une vieille chronique (22 avril 2004) : «Mais le Système, si sûr de lui, si mûr, si puissant, entouré d’experts de tout acabit et pourvu de moyens technologiques évolués, peut être surpris par ces pions qui, de temps à autre, dans les échiquiers dévastés par l’injustice et la corruption, se prennent pour des fous ! La tempête peut naître n’importe où, n’importe quand, pour n’importe quoi. Elle sera citoyenne ou ne sera pas. Et ce mot fait très peur au Système. Quant à la ‘’démocratie’’ et à ses partis — je le martèle sans cesse ici depuis une année —, elle ne lui causera aucun tort. Puisque c’est son meilleur truc pour durer !»

 

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