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Rubrique Les choses de la vie

Nous sommes nés pour résister !

Paradoxalement, c'est le peuple, à travers sa sortie massive dans la rue, qui a libéré l'armée d'une situation où un pouvoir civil corrompu et délétère réduisait sa capacité d'accomplir sa noble mission au service de la Patrie. Par un stratagème dont ils avaient le secret, les décideurs de l'époque voulaient étouffer la fibre patriotique d'une armée dont l'histoire est intimement liée à celles du pays et du peuple. Le porte-parole de la bande, un certain Saâdani qui coule des jours heureux au Portugal, devenu chantre de la «démilitarisation» du pouvoir, s'en donnait à cœur joie en prônant l'état «civil» qui n'était en réalité qu'une dictature oligarchique. Mais lorsque ça s'est gâté à Ghardaïa, suite à une forte manipulation du Mossad et des services marocains, cet «état civil» fut incapable d'empêcher des affrontements qui pouvaient dégénérer en guerre civile. Et c'est l'armée qui mit fin aux troubles. Idem à In Salah où une autre manipulation tenta d'exploiter l'affaire dite du gaz de schiste pour installer l'instabilité et le chaos. L'état civil du drabki fut même incapable  d'organiser un bac sans triche ! Et c'est encore l'ANP qui mit fin au trafic !
Au moment des faits, nous avions dit ce que nous pensions des altermoiements de cette caste réunie autour d'un objectif suprême : siphonner purement et simplement les ressources financières du pays. L'armée était coincée par la configuration politique nouvelle induite par les nouvelles Constitutions ; elle n'avait plus aucun rôle politique à jouer. Impuissante, elle observe le dépérissement sans réagir, prix d'une «démocratie» totalement pervertie par le pouvoir personnel. C'est pour les mêmes raisons que l'ANP de 1965 prit la responsabilité historique de démettre Ben Bella. Mais on n'était plus en 1965 et le monde a changé. Et pourtant, ce sont des militaires de haut rang encore impliqués dans la gestion du pays qui ont eu la «lumineuse» idée de ramener Bouteflika, oubliant qu'il avait une revanche à prendre sur une armée qui lui avait barré la route d'El-Mouradia en 1979 !
Quand éclata le soulèvement populaire en février 2019, les regards se tournent vers l'armée. Les slogans en faveur de la fraternité peuple-ANP fusent de partout. L'ANP finit par renouer avec son rôle historique en prenant fait et cause pour les revendications du peuple. On ne sait pas trop ce qui s'est passé la nuit où Bouteflika s'est présenté au Conseil constitutionnel pour déposer sa démission, mais tout indique qu'il fut contraint par les militaires à quitter le pouvoir. Le peuple retrouvait son armée, celle qui a toujours empêché le pire.
La suite des événements, vous la connaissez. Les chefs militaires ont commencé à avoir un comportement répressif et nous l'avions dénoncé au moment des faits, au moment où le défunt Gaïd Salah prenait ce que nous considérions comme un chemin risqué. Mais parlons du présent ! Voilà que surgissent, soudain, des slogans qui nous rappellent les vieilles rengaines des islamistes du FIS. Odeur de revanche sur une armée qui les a empêchés d'instaurer un état islamique. Alors que l'état civil de Saâdani était synonyme de pillage de nos richesses par l'oligarchie, l'état civil brandi par les islamistes aujourd'hui signifie tout simplement état
islamique !
Et pourtant, ce militaire qui est devenu subitement un ennemi est l'artisan de tant de victoires et le compagnon fidèle d'un peuple dont l'histoire lointaine et récente a été une succession ininterrompue d'invasions. Le défi de toujours, la tâche urgente de toutes les époques, fut de résister. Et c'est dans la résistance par la lutte armée que s'écrit toute  l'histoire de l'Algérie, conférant au militaire un rôle prépondérant. 
Ce «pouvoir militaire» n'est donc pas venu du néant ou par la volonté d'un dictateur caché ou visible. Il n'est pas né en 1962 ni en 1954. Et quand Abane Ramdane et le congrès de la Soummam posaient la problématique de la suprématie du civil sur le militaire, ils interrogeaient deux siècles d'histoire et même plus. Et d'ailleurs, la révolution elle-même et sa lutte armée n'étaient-elles pas l'illustration parfaite de la suprématie du militaire sur le
civil ? Le choix des armes contre l'attentisme «civil» est une solution militaire par excellence. Par ailleurs, nos rois antiques ne furent jamais des souverains tranquilles coulant des jours heureux dans leurs palais. Gaïa, fils de Aïn Fakroun, a dû prendre les armes dès son intronisation. Juba 1er et Juba 2 étaient des militaires aguerris. Et que dire de Massinissa, fils de Gaïa, qui unifia la Numidie par les armes et non par les discours ? Et que retenir du règne de Jughurta, opposant notaire à la colonisation romaine. Pour le punir, la grande Rome le laisse mourir de faim dans sa geôle de Tullanium, à Rome.
Résister par les armes, résister encore et résister toujours ! Face aux Arabes, la bataille fut féroce. C’est par les armes que les Amazighs de l’Aurès repoussèrent les assaillants, sous la direction de guerriers intrépides comme le prince Koceila qui bien qu’étant converti à l’islam, n’accepta pas l’asservissement et la morgue de certains chefs envahisseurs. Le flambeau sera repris par la reine combattante Dihya, connue sous le nom de Kahina, qui infligea, à Meskiana, de lourdes pertes au corps expéditionnaire arabe. Et c’est toujours par les armes qu’elle réussit à unifier le Maghreb. Et cet homme de légende, Tariq Ibn Zyad, fils de l’Algérie profonde, n’était-il pas aussi un stratège militaire reconnu et glorifié ? A ceux qui ne le savent pas, Tariq Ibn Zyad fut un acteur principal de la conquête de l’Espagne par les musulmans.
On ne connaît pas grand-chose de ces dirigeants qui furent à la tête des nombreuses principautés islamiques au Moyen-âge, sur  fond de luttes intestines et de conflits confessionnels. Mais on sait qu’ils furent de bons militaires. Il faudra remonter à la période trouble des Turcs, pour retrouver d’autres Algériens qui, au milieu des armada dirigées par une constellation de commandants venus de toute la Méditerranée, se distinguèrent par leur courage et leur parfaite connaissance des mers. Raïs Hamidou ne fut ni turc, ni kourougli, ni issu de l’immigration massive des marins attirés par la réputation d’Alger dans la Course. Cet Algérien mena des batailles historiques contre les flottes grecque, sicilienne, suédoise, hollandaise, danoise et espagnole. Un trophée digne des plus grands Raïs : il s’empara de plus de 200 voiliers ! Durant le règne ottoman, d’autres noms de légende brillèrent sur le front de la résistance, comme ces femmes courageuses qui se levèrent contre un autre envahisseur venu d’Espagne : Lalla Khadidja, Lalla Gouraya et plus tard, face aux Français, l’héroïne Lalla Fatma N’soumer, fille de Ouerdja, en Kabylie. Elle mena notamment la bataille du Haut Sebaou.
Lorsque la France s’empare de Sidi Fredj, les Algériens, abandonnés par le pouvoir aristocratique turc, se réunirent, à nouveau, autour du mot d'ordre «résistance». Encore et toujours ! Nous sommes nés pour résister et ce n’est pas avec des roses et des poèmes que nous le faisons. C’est par le glaive que nous nous mettons sur la route des envahisseurs. L’Émir Abdelkader a certes sauvé des chrétiens, mais nous le glorifions d’abord et avant tout, parce qu’il fut le chef du premier grand acte de résistance populaire contre la France coloniale. Nous aurions voulu qu’il continuât la lutte mais l’histoire a ses raisons que la raison ignore ! D’autres chefs de tribus prirent la relève : ils furent massacrés avec leurs troupes ou contraints à l’exil.
Et qu’est-ce le 1er Novembre, sinon l'ultime feu d'artifice qui illumina la longue tradition de luttes héroïques contre l'oppression des
envahisseurs ? Ce fut la victoire de la solution militaire et l’émergence de grands patriotes inspirés par cet héros lointain, Takfarinas, fils de Sedrata, qui dérouta l’armée romaine par les techniques — innovantes à l’époque — de la guérilla. Face à la puissance de feu d’une des plus grandes armées du monde, soutenue par les forces de l’Otan, ce fut, encore une fois, le génie militaire des Algériens qui leur permit de remporter la grande victoire de l’indépendance.
Nous avons cherché et nous n'avons pas trouvé un seul chef qui ne soit pas militaire. Cette omniprésence du militaire et la libération du peuple par les armes sont un fil rouge de notre histoire. Mais ce n'est plus une fatalité. Il faut en sortir pour bâtir un pouvoir civil authentique. Cela ne se fera pas, cependant, en une année ou deux. Il nous faut des forces politiques réellement représentatives et capables de transcender les divisions partisanes et les tentations de leadership. Entre des partis décrédibilisés et un Hirak qui tourne en rond, le temps ne semble pas être venu pour l'émergence rapide d'une vraie démocratie. Que les volontés s'unissent pour trouver, ensemble, la voie la moins périlleuse qui mène au vrai état civil.
M. F.

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