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Rubrique Les choses de la vie

Tebboune : la menace technocratique

Le Président Tebboune a son idée sur l'avenir de l'organisation politique en Algérie. On a compris qu'il n'aura pas son parti propre et qu'il comptera, comme son prédécesseur, sur une «coalition qui soutiendra le programme du Président». Dans ce cas, il nommera un Premier ministre issu de cette majorité favorable. M. Tebboune a aussi évoqué le cas d'une victoire de l'opposition aux législatives. Une situation qui induira la désignation d'un chef de gouvernement dont la mission sera de former un staff qui mènera forcément une politique différente.
Comme si les situations complexes ne manquent pas et ne sont pas déjà responsables des crises successives qui touchent notre pays, voilà une innovation qui risque d'ajouter encore du flou à la vision générale. Pourquoi ? Parce que, comme ses prédécesseurs, M. Tebboune pense que se reconnaître idéologiquement et prendre position politiquement seraient le signe d'un désengagement vis-à-vis d'une partie du peuple. Certains, parmi les précédents chefs d'Etat, se sont déclarés «présidents au-dessus des partis», d'autres ont estimé que leur parti était «l'Algérie», etc. De belles paroles pour cacher en fait leur appartenance patente au FLN. Une appartenance que l'on dissimule sous l'étiquette de «candidat indépendant», un titre en totale contradiction avec l'ambition de bâtir un système démocratique solide. 
Trump se bat au nom des Républicains. Macron a gagné la présidentielle mais très vite, il a formé son mouvement politique qui est devenu majoritaire au Parlement. En Espagne, en Italie, en Angleterre, au Japon ou en Australie, les chefs de partis portent des programmes politiques précis qu'ils soumettent à l'urne. Et c’est parce qu’il n’a pas de parti que le Président tunisien se retrouve pratiquement sans pouvoir réel en Tunisie, pays ravagé par le choix d’une Constituante mortelle ayant favorisé la montée des forces obscurantistes.
En Algérie, le candidat gagnant vient toujours de la sphère intergalactique de «l'indépendance» ! Cela ne remet nullement en cause son patriotisme et son honnêteté morale mais ce refus de s'identifier politiquement ne clarifie pas la situation. Nos candidats sont élus sur la base de programmes électoraux mais cela ne suffit pas à comprendre leurs motivations, leurs réflexes, leur vision globale sur le pays, sa société, son économie, etc. Il y a forcément une école idéologique qui les a formés ! 
Cela fait déjà quelques années que l'on proclame avec force que «l'idéologue, c'est fini !» Ce n'est pas vrai ! Chaque acte, chaque parole, sont porteurs d’idéologie et n'importe quel observateur peut déceler l'orientation idéologique des responsables en poste. Quand on prône la suprématie du privé sur le public et que l'on privatise sans scrupules, on est identifié idéologiquement. Et c'est au nom de l'idéologie ultralibérale que l'oligarchie et son pouvoir politique ont causé tant de torts chez nous. Les forces capitalistes qui arrivent au terme d'un cycle qui annonce la fin de la suprématie de leurs théories, veulent nous faire croire qu'elles ne font pas d'idéologie. Ainsi, ni Trump ni Mme Merkel ne font de l'idéologie ! Ils s'occupent de bonne gestion, de rentabilité, d’ajustements macroéconomiques et d'équilibres microéconomiques ! La Banque mondiale et le FMI, affameurs des peuples, ne font pas d'idéologie ! Alors, elle est où l'idéologie et pourquoi en parler alors ? Elle est là où la politique s'engage aux côtés de la classe ouvrière, là où l'État continue de jouer son rôle de protecteur de l'économie nationale et de battre en brèche les plans des multinationales, là où les richesses sont réparties entre toutes les couches de la population, là où les plus démunis ne sont pas écrasés par les plus riches ! Dès que l'on avance un pion sur l'échiquier de la justice sociale, on est menacé d'échec et mat : «On a dit pas d'idéologie !»
Pourtant, quand M. Tebboune s'engage pour améliorer les conditions de vie de plus de huit millions d'Algériens défavorisés, marginalisés et vivant en dehors du progrès, il nous montre malgré lui son idéologie générale qui s'inscrit dans le cadre des orientations progressistes de la Révolution algérienne. Quand il annonce qu'il soutient les peuples de Palestine et du Sahara Occidental, il puise cet engagement dans les principes anti-impérialistes de cette même Révolution. On ne peut se passer d'idéologie. Elle est encore présente partout car il est impossible de faire de la politique sans y référer, sans se projeter dans le cadre d'une idéologique précise.
On comprend donc pourquoi M. Tebboune ne veut pas former un parti. Cette option est refusée parce qu'un parti, c'est forcément de l'idéologie ! Il est vrai qu'un chef de parti, en l'occurrence l'inénarrable Amar Ghoul, avait déclaré il y a quelques années que son parti ne faisait pas... d'idéologie ! On parle bien de partis et non de supermarchés ou de garages mécaniques !
Le risque pour M. Tebboune est que ce refus de donner un cadre partisan propre à son action ne renforce une vision technocratique forgée dans une longue carrière de gestion administrative. Toute sa démarche depuis son élection obéit à une logique d'intendance sous-tendue par une sorte d'obligation de ne pas sortir de ses promesses électorales. Or, et quelle que soit la valeur de ces promesses ou leur impact sur les populations, elles ne peuvent constituer un programme politique cohérent et complet pour diriger un si grand et complexe pays. 
Un parti, c'est d'abord la vision politique. C'est elle qui cadre tout le reste et l'oriente dans un sens ou dans l'autre. C'est le ferment qui permet aux idées politiques de lever et de se transformer en actes concrets dans tous les domaines. Autrement dit, c'est d'un parti autonome qu'a besoin tout responsable politique pour installer les signes cardinaux de son mandat politique et clarifier les grandes lignes de sa gouvernance. 
Il est un autre impératif qui inscrit la création d'un tel parti dans les priorités. À l'heure des législatives, qui va se présenter pour le programme du Président et qui va se présenter contre ? Dans le cas où le refus d'y participer, brandi par l'opposition radicale, est maintenu, nous risquons d'assister à un élargissement de l'ancienne coalition qui pourrait recevoir certains partis islamistes, en plus des mouvements de MM. Abdelaziz Bélaïd et Soufiane Djilali. Tout ça pour ça ! Il faut avouer qu'une telle perspective sera handicapante dans la mesure où des pans entiers des véritables forces politiques seront absents. Par ailleurs, je pense que les partis nationalistes seront encore là, malgré leur affaiblissement critique et perte de crédibilité. Le FLN, par exemple, a beau naviguer dans les eaux boueuses, il reste la seule référence pour un nombre important de citoyens vivant dans les zones rurales. Il peut changer d'idéologie, soutenir Bouteflika ou Zeroual, il est toujours, pour ses partisans, le rempart contre l'armée coloniale, le FIS ou les «laïco-assimilationnistes» ! Le jour est encore loin où il sera totalement boudé par les populations rurales. Le RND perd également en crédibilité mais ne s'effondre pas. C'est le parti des services de sécurité et des entrepreneurs locaux. La coalition peut tenir mais son futur soutien parlementaire à Tebboune aura un goût de déjà-vu. 
Une victoire électorale sous son propre parti aurait donné un sens au mandat de M. Tebboune et rempli la vie politique de ces partisans qui lui manquent tant aujourd'hui face aux «contre-révolutionnaires» et «restes épars des forces de l'argent sale».
M. F.

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