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Rubrique Lettre de province

11/09 : du big day de «Ben Laden» et fausses urnes de «Boutef»

11/09 sont deux chiffres devenus, grâce au sens du raccourci typiquement anglo-saxon, un acronyme parfaitement évocateur du second  Pearl Harbour  qui brisa moralement l’Amérique en 2001. Or, à une échelle plus modeste et dans le domaine strictement politique, la même date fait également sens auprès des mémorialistes d’ici. En effet, elle renvoie ponctuellement à l’année 1998 d’abord et son 11 septembre quand Zeroual avait annoncé sa décision de renoncer publiquement à sa fonction de chef de l’État. Même s’il est clair qu’aucun lien de cause à effet n’a existé entre les deux moments historiques, sinon la fortuite conjonction du calendrier, rien de surcroît ne s’y opposera dans cette chronique à ce l’on impliquera plus loin Bouteflika lorsque celui-ci s’était emmêlé les pinceaux à la date exacte (11-9-2001) alors qu’il faisait feu de tout bois pour convaincre les Algériens de la nécessité d’une «réconciliation» avantageuse au FIS et à l’AIS.
Voilà justement un successeur de Zeroual et adoubé par l’armée que le hasard de l’histoire allait malmener en le soumettant à une épreuve inscrite étonnamment dans l’éphéméride du même jour. C’est que cet événement planétaire, dont le terrorisme islamiste fut son œuvre, coïncidait, en Algérie, avec la capitulation officielle de Bouteflika face aux «katibate» dont les doctrines sont identiques à celles de Ben Laden. En effet, à la même période, notre État ratifia une première amnistie après que le Président eut fini sa tournée des popotes au pied des massifs de Jijel, Collo et Skikda. Pris de court et saisissant au vol les objectifs de la nouvelle doctrine américano-européenne, El-Mouradia se hâtera à son tour de nuancer sa forfaiture en s’inventant la parade de la « spécificité » pour illustrer ce que fut la guerre des intégristes imposée aux civils. Tout en adhérant à la théorie du caractère transnational du terrorisme islamiste, nos dirigeants réfuteront néanmoins la possibilité d’une quelconque connexion des bandes armées algériennes avec les excroissances de la mouvance internationale de l’intégrisme. Étonnamment, leur plaidoirie fondée sur des dénégations allait les pousser à l’actualisation du fameux «djazaârisme» de cette dissidence armée si chère au FIS et de fait «nationalisera» la violence religieuse au nom de la «réconciliation».
Cependant, pressé de donner des gages au nouvel ordre mondial, le pouvoir avait fini par se retrouver dans l’inconfortable alternative entre deux postures qui fit de Bouteflika un partenaire peu fiable auprès de Washington. Fragilisé à l’intérieur toutes les fois où il lui avait semblé que les réseaux transpartisans surenchérissaient, le Président croyait bien faire en actionnant le balancier. Du coup, il brouilla un peu plus et son image et celle de la bonne visibilité du pays. En quelque sorte, la démarche de «crabe» du régime d’Alger a été souvent à l’origine de commentaires peu amènes distillés par des chancelleries étrangères. Installée dans une compromettante dualité, l’Algérie multiplia alors les bourdes selon qu’il s’agissait d’interlocuteurs occidentaux ou, au contraire, de sujets «indigènes». Reconnaissable à cette double négation selon les versants où elle devait plaider sa cause, l’Algérie officielle apparut sous les oripeaux du funambulisme que Bouteflika assuma jusqu’au ridicule.
Vingt années (2001-2021) après l’apocalypse du «ground zéro» et 31 jours de reddition des États-Unis de l’Afghanistan (août 2021), les spécialistes étrangers peinent toujours pour décrypter la doctrine de l’Algérie opposée au terrorisme islamiste qu’elle légitima à son époque. En cela, ni l’acte de référence qui eut lieu à New  York, ni les suivants n’avaient permis à l’Algérie de mettre en exergue sa terrible solitude de la décennie 1990, ou du moins pour faire valoir certains droits qui furent sciemment occultés. Ayant ignoré en leur temps les drames qui se commettaient dans cet «ailleurs» qu’est l’Algérie, l’Occident n’avait-il jamais été interpellé par nos dirigeants lorsque celui-ci était à la peine du blocus ? Au prétexte que ce pays fut très tôt identifié comme le laboratoire de la montée du fondamentalisme, il connut un isolement inégalé par sa dureté. La raison, avait-on explicité plus tard, tenait à la perception erronée de la réalité concernant des enjeux politiques internes qui, de fait, exonéraient tout examen de conscience de la part des nations occidentales. En somme, laissa-t-on entendre, l’analyse des maîtres-penseurs fut tardive et de surcroît surchargée d’islamophobie primaire et dangereuse par son rayonnement. Or, au moment où la dénonciation de l’opinion publique était devenue universelle en disqualifiant en priorité le pouvoir d’État, il était par conséquent injuste de dire, plus tard, que le pays profond n’avait tiré aucun dividende de sa grande résistance au terrorisme islamiste en se contentant d’une passive expectative populaire. Ce genre de propos n’était qu’un faux constat arrangeant les thèses de la nomenklatura briefant le palais.
Il est vrai que Bouteflika préférait citer régulièrement certains échos qu’il transformait en «unanimité» populaire «saluant sans hésitation la concorde» qu’il venait de conclure en septembre 2001. Une odieuse affirmation qu’il mena «urbi et orbi» et jusqu’à Washington pour faire croire que l’onde de choc du terrorisme relevait dorénavant du passé en Algérie. Tant il est vrai qu’il fut celui qui qualifia impudiquement la reddition morale qui était la sienne de «sauvegarde majeure d’une nation dont la population n’avait pas su faire la distinction entre la paix juste et l’infâme dévoiement d’une… guerre civile !»
B.H.

 

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