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Rubrique Lettre de province

19 Mars Les accords d’Évian accoucheront-ils d’un pacte d’amitié ?

Au moment où les possibilités d’un pacte d’amitié connaissent une relative sérénité de part et d’autre des rives de la Méditerranée, la France officielle apparaît, cependant, bien plus entreprenante que ne l’est notre gouvernement. Certes, le président de la République n’avait pas manqué de saluer la «sincérité» de son vis-à-vis de l’Élysée sauf qu’il lui manquait l’échange réciproque d’une thèse politico-historique avec laquelle il avait la latitude d’insister sur certaines doléances omises sciemment parmi les propositions et que l’historien Benjamin Stora considéra comme secondaires.
Alors qu’on s’achemine vers le 60e anniversaire des accords d’Évian de 1962 à partir desquels l’histoire commune a des chances de changer du tout au tout, il y a sûrement matière à agir au pas de charge pour solder les mauvais comptes de plus d’un demi-siècle de suspicion et parvenir en sorte à ce que le devenir d’un partenariat obéisse à une véritable éthique des nations.
Certes, la plupart des pages de l’histoire des peuples ont été évidemment marquées par des guerres d’où il ressort évidemment quelques ressentiments chez une France trop attachée à l’esprit de l’empire. Comme quoi l’on savait toujours pourquoi et comment le casus belli allait ouvrir les voies aux pires conflits sans qu’il fût possible que l’on sache pour autant de quelle manière il fallait y mettre fin, voire quels seraient les dividendes et les passifs que les uns et les autres récolteraient. Tous ces aspects-là ne méritent-ils pas justement une certaine mesure avant la moindre démarche ? Probablement que oui, dès l’instant où le chef de l’État français est parvenu à faire changer de lunettes à son pays pour ensuite aborder avec la clairvoyance nécessaire le passé que l’Algérie et la France ont hérité en partage. 
A priori l’Algérie officielle se satisfait du subtil exercice sémantique que le locataire de l’Élysée est en train de déployer autour de la fameuse «question». Ayant, semble-t-il, trouvé des vocables rassurants afin de mieux biaiser face aux ornières discursives héritées de ses prédécesseurs, ce dernier serait déjà parvenu à conquérir une certaine sympathie des Algériens tout en se protégeant des boulets de la critique dont les lobbies actifs menacent dans la perspective de sa présidentielle en 2022 ! En clair, ce n’est pas tout à fait une page noire dans les relations franco-algériennes que l’on gomme mais prosaïquement une nouvelle partition du binôme algéro-français qui s’écrira, nous dit-on, bientôt. Déjà, parle-t-on dans les sphères officielles de «nouvel âge» ! Un empressement que ne semble pas partager la majorité de l’opinion nationale. En effet, vue «d’en bas», c’est-à-dire au ras des populations, la perception est moins réjouissante. Car, une fois encore, ceux qui se plurent à interpréter la débauche festive autour du voyage du candidat Macron (février 2017) comme le signe d’une maturité de la conscience algérienne apte à transcender les chicaneries mémorielles et, pourquoi pas, à solder l’histoire locale pour d’autres horizons, se devaient d’être prudents dans leurs enthousiasmes. 
Or, rien ne garantissait jusque-là les engagements verbaux d’un simple candidat. Depuis, il est vrai, il s’agit de certaines certitudes d’un Président n’hésitant plus à qualifier de «crime contre l’humanité» les fameux délits de la France coloniale. Alors que les histoires se sont laborieusement écrites à deux et que les conflits se sont dénoués d’un commun accord, pour quelles raisons il n’en avait pas été de même pour la décolonisation de l’Algérie ? En fait, l’on peut imputer ce malentendu à un réel déni psychologique, entretenu de part et d’autre des rives de la Méditerranée quand Paris et Alger privilégiaient chacune la démarche de réquisitoires historiques écrits avec des encres différentes. C’est sûrement à cela que l’on devra se référer afin de ne plus priver cette terrible histoire d’un solde de tout compte susceptible d’installer deux peuples enfin capables de se «regarder dans le fameux blanc des yeux».
Et si, 59 ans plus tard, Paris et Alger étaient condamnés toujours à marcher sur les œufs tous les deux c’est qu’ils en sont encore là à ratiociner sur toutes les pages noires du grand malheur de la condition de colonisé alors qu’il est, effectivement, venu le temps de rendre publiques toutes les culpabilités criminelles sans pour autant que l’on recoure à l’hypocrisie des repentances se suffisant des postures de ceux qui «battent leur coulpe». En effet, doit-on instrumenter le malheur à la moindre remise en cause alors que celui-ci relève plus de la manœuvre que de la sincérité ? À ce propos, l’on doit convoquer la plume d’un écrivain au-dessus de tout soupçon lequel sut aborder cet éternel malentendu que traînent les guerres comme un passif moral.
En effet, Kateb Yacine anticipait déjà, en 1960, sur la future désillusion qui allait affecter durablement les deux pays. «(…) Toute guerre étant fratricide, écrivait-il, celle de l’Algérie l’est encore plus si l’on considère les liens qui nous unissent depuis si longtemps. Or, nous n’en voulons nullement au peuple français. Lorsqu’il aura enfin rompu avec ceux qui le trompent et vivent de son sang, il retrouvera, en nous, de vrais amis après ce long conflit où nous prenons conscience les uns et les autres, de ce qui nous attend, si nous tardons à nous comprendre (…) Le plus stupide serait de sacrifier notre avenir à ce passé. Pour effacer jusqu’au souvenir de ces massacres, il nous faudra beaucoup de temps (…) Nous avons tous grandi sur une poudrière. Et si nous sommes si maladroits à faire la paix, c’est que nous ne l’avons jamais connue. Tous les hommes en sont là.»
Telle est la magistrale recommandation d’un poète monumental, mais tombée, hélas dans des oublis coupables.
B. H.

 

 

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