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Rubrique Lettre de province

8 Mars : quand abrogera-t-on le code de la famille ?

Au tout début de son second mandat, Bouteflika, alors au sommet d’une certaine popularité au sein du courant islamiste, crut nécessaire de tempérer les impatiences des femmes en leur reprochant subtilement de manquer d’aptitude pour égaler les hommes dans la sphère de l’autorité. Les exhortant à se mettre à la politique afin de « devenir visibles » dans l’espace public, ne pensait-il pas, en son for intérieur, qu’il participerait à leur découragement tout en suscitant le ravissement des traditionalistes religieux qui, à la même époque, battaient campagne au profit de la loi pour l’amnistie des terroristes ? Seulement, cette « invitation » qui leur avait été adressée en ce 8 mars 2005, au lieu de les dissuader, allait précisément leur servir de véritable déclic pour prendre le contre-pied de la démission d’un Président préférant s’en laver les mains en leur rappelant le carcan constitutionnel qui verrouilla plus d’une fois le code de la famille (1970, 1981 et 1984). Comme quoi, il n’était guère mieux inspiré politiquement que les précédents dirigeants. 
De fait, le combat pour balayer des siècles de préjugés devenait une stricte affaire de femmes. Celle dans laquelle s’était investie Drif Zohra en l’évoquant au détour d’une interview publiée six années plus tôt (Le Soir d’Algérie du 8 mars 2014). « (…) Il va sans dire, insistait-elle, qu’en tant que militante, je n’ai jamais cru aux droits offerts sur un plateau d’argent. Les droits des femmes, comme toutes les causes justes, exigent de la mobilisation, de l’engagement et des sacrifices .» Manifestement, l’élite féminine partage publiquement ce mot d’ordre résumé par une héroïne de la guerre de Libération. Cependant, la plupart des succès qui auraient dû illustrer d’abord la bravoure des Algériennes ont été systématiquement mis sous le label générique du « peuple ». Un fameux vocable fourre-tout, mais néanmoins « masculin » grammaticalement, auquel on a habituellement recours afin d’occulter l’héroïsme exclusif des femmes. 
À ce propos, qui se souvient des grandes dames qui animèrent le premier Hirak de février-mars 2014 en occupant la rue pour s’opposer au 4ème mandat ? Madame Amira Bouraoui en fut parmi tant d’autres. Même la relative part que prendra l’actuel « mouvement du 22 février » dans les futurs manuels de l’histoire risque de se voir escamotée pour la même raison. C’est-à-dire celle qui passera sous silence la participation massive des Algériennes tout au long des 55 vendredis dont l’une de ces journées (8 mars 2019) allait consacrer la pérennité du mouvement grâce à l’occupation massive de toutes les rues des villes par les femmes.
Mais alors pourquoi tout ce qui est susceptible de nous interpeller au sujet du caractère discriminant concernant la femme dans le fameux code de la famille apparaît, à ce jour encore, comme un discours attentatoire aux valeurs morales qui nous régissent ? Celles que l’on présente comme gravées dans le marbre et auxquelles l’on devrait s’interdire toute dérogation. En tout cas, c’est à partir seulement de cet angle que nos législateurs abordent encore les concepts « d’égalité » et « d’équité ». Autrement dit, ils justifient leur méfiance de ce redoutable débat en arguant souvent qu’il n’y a pas lieu de légiférer spécifiquement sur les droits de la femme exclusivement alors que le code de la famille est en mesure de garantir « l’équité » à l’ensemble de la composante de la famille. C’est dire que les émouvantes luttes des Algériennes continuent à être perçues comme le cheval de Troie d’une aliénation des codes de la religion. Le prétexte est évidemment grossier et même facile à battre en brèche en comparant le faux juridisme d’ici à la clarté de la démarche de nos voisins tunisiens qui, paraît-il, ne se lamentent guère de la cohabitation entre la mosquée et le code civil. L’on peut penser que ce qui nous différencie relève moins de la culture que du poids de l’histoire de chacun. La décolonisation s’étant opérée différemment, la violence que connut la nôtre ne pouvait concevoir la renaissance de l’identité nationale qu’en commençant par restaurer les archaïsmes des ancêtres. 
C’est pourquoi la combativité exemplaire dans laquelle nos femmes continuent à s’investir mériterait de cibler le diktat des politiciens. Celui qui a la mainmise sur la gestion des territoires par le canal des maires et des assemblées régionales mais aussi le Parlement et le pouvoir exécutif. En clair, ne plus rien attendre des louvoiements d’une classe politique trop machiste pour accepter la moindre « alternance » aux postes de responsabilité. Briser la mystification relative à la seule aptitude de l’homme dans l’exercice des pouvoirs facilitera ensuite le placardage définitif du code de la famille. C’est justement ce qui est préconisé comme normes réglementaires hiérarchisant d’une manière arbitraire la place et les attributs de chaque membre de la famille qui, de nos jours, fait question et horrifie la moitié de la société. 
Après un demi-siècle d’exclusion de l’espace public, comment ne pas témoigner à présent des méfaits de ce déni de justice ? Mais alors comment parvenir à imposer un droit si ce n’est en réfutant tous les conformismes et en exigeant purement et simplement l’abrogation du plus infâme de tous les textes de loi ? Pour bon nombre de juristes, il faudra attendre l’annulation définitive d’un tel instrument de la loi après quoi l’Algérie pourra enfin s’initier à l’égalité des chances dans le domaine politique, jusque-là oblitéré par les préjugés mis en avant toutes les fois où des privilèges sont menacés.
À présent, nul pouvoir n’est en mesure de se défausser face à la présence d’une gent féminine représentant 70% de l’élite nationale. Tel est le problème majeur de notre société. Celui qui exige un minimum de courage pour le résoudre en s’inspirant simplement du conseil lumineux d’une féministe française rappelant que « le problème des femmes sera résolu le jour où l’on verra une femme médiocre à un poste important .» Et d’ajouter, en guise de rappel au bon sens, que « la féminité n’est pas une incompétence. Elle n’est pas non plus une compétence ». Cela dit, que doivent penser les nouveaux dirigeants d’une République algérienne en attente de quelques rafistolages de cette manière d’appliquer la parité ?
B. H.

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