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Rubrique Lettre de province

Charité et précarité : du «f’tour» sacralisé au «pain nu» de la famine !

Rompus à l’abstinence forcée ou, au mieux, à la frugalité pour survivre tout au long des jours ordinaires, les gens de grande misère constituent certainement la seule catégorie sociale capable d’entretenir régulièrement un rapport serein avec les ramadanesques privations édictées par la religion. C’est pourquoi l’on sait, également, que c’est toujours auprès d’eux que l’on mesure le mieux la vanité de la cyclique transition festive. Celle qui, au nom de la prescription divine accomplie, autorise, en quelque sorte, le croyant à se passer du devoir rigoureux de la solidarité tarifée par la foi. Ce sont donc eux seuls qui savent à quoi s’en tenir à l’annonce de l’Aïd et avec lui le retour aux huis clos imposés aux provisoires «restaurants de la foi», de même que l’on mettra fin à la distribution des couffins rationalisés par les ingrédients de première nécessité.
C’est dire qu’au-delà de la séquence inscrite dans le calendrier hégirien, la haute solitude de la pauvreté reprendra ses quartiers avec sa cohorte de SDF et de familles condamnées au dénuement et ne survivant qu’avec quelques poignées de dinars. Oubliées par conséquent les opérations tapageuses dont s’étaient prévalu les maîtres d’œuvre de la charité religieuse, tant il est vrai que les motifs qui les ont, une fois par an, mobilisés, étaient indexés à des références ne concernant que la bénédiction complémentaire du jeûne et nulle part le «complément alimentaire» dont a besoin en permanence une population entière !
En d’autres termes, il était clairement nécessaire de séparer les épisodiques actions caritatives de la foi de l’impérative solidarité qu’il faut exercer en permanence. Une confusion des genres d’intervention à propos desquels il faut redire, à la suite de certaines critiques pertinentes, qu’un gouvernement ne peut tirer fierté des contributions frappées exclusivement du sceau de l’aide religieuse et cela dans le souci de ne pas être pris de court par l’activisme des réseaux islamistes.
Se cantonnant dans ce double mensonge, au passage des ramadhans, les régimes successifs préférèrent reconduire le même procédé, celui de faire accroire qu’ils font tout ce qu’ils peuvent pour atténuer les insoutenables discriminations sociales alors que celles-ci ne firent que s’aggraver comme l’ont, régulièrement, illustré les statistiques successives de tous les ramadhans. Surexposant les dizaines de milliers de couffins de la charité, ils prétendent, contre tout bon sens, avoir contribué à la réduction des besoins. Pire encore, les «après-ramadhans» annonciateurs des jours ordinaires constitueront probablement d’autres démentis aux prétendues politiques sociales affichées auparavant. De plus, le remue-ménage dans ce secteur, pourtant dévolu exceptionnellement au déploiement caritatif des réseaux religieux, ne lui inflige-t-il pas d’autres discrédits ? Entre autres, celui qui le confond avec ironie de faire de l’aumône du f’tour un trophée «politico-économique» !
Il est vrai que, parmi ces caricatures d’État, il existe ceux qui ont feint de se prévaloir d’une certaine morale de la foi en actualisant les recettes basées sur les collectes. Le Ramadhan leur fournissant l’opportunité qu’il faut, comment n’en profiteront-ils pas de ce vieux fonds cultuel où la tartufferie du «prieur» et le cynisme du «politique» s’associent pour soigner certaines images depuis longtemps ternies. Et c’est à ce niveau de piètre manipulation que se sont situés aussi bien les officines de l’islamisme toléré que les fragiles animateurs au service des structures de la bureaucratie d’État, appelée à soigner les antécédents des régimes politiques. 
C’est pour cette raison que, cycliquement, certaines couches du tissu social ressentent le besoin d’accéder à d’autres politiques sociales qui aillent au-delà d’une bienveillance de la charité, laquelle n’est pas, de surcroît, permanente. Ce ne sont justement que les petites gens qui se posent prioritairement cette question. Elles qui se sont demandé tout le temps ce qu’est la gouvernance qui pratique avec ruse et délectation le recours à la carotte (ce fameux repas) alors que leur progéniture est en butte au chômage et sombre dans la marginalité. Paradoxalement, ce sont les mêmes interrogations qui persistent à mettre en doute les cautères de la solidarité officielle alors que les listes des blessés par les marginalisations sociales continuent à s’allonger. Face aux désespérants silences assimilés à une sorte d’indifférence méprisable, il n’est pas dit que la légion des mendiants puisse se satisfaire encore de son statut d’assistée.
En définitive, ces cabossés, au ressentiment daté, ne se font plus guère d’illusion au sujet des lendemains sans le f’tour charitablement offert. Même s’ils doivent subir, pour longtemps encore, la dure condition du pain sec, ils savent d’expérience que leur dépendance n’est jamais soluble dans les offrandes saisonnières des tartuffes du Ramadhan et moins encore dans la fausse sollicitude d’une puissance publique se reniant au lendemain de chaque nouvelle lune. En clair, la fin de la période sacrée du Ramadhan.
B. H.

 

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