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Rubrique Lettre de province

De la morale d’État à l’éthique journalistique

1990-2020 : Malgré son vieil âge, la presse indépendante continue à subir le reproche tenace de la subjectivité que lui ont forgé les pouvoirs successifs. Accusée régulièrement de transgresser l’éthique de sa profession, elle demeure la cible idéale de tous les procès en diffamation. Durant trente années, cette suspicion alimentera une hostilité qu’aucun prétexte n’était parvenu à transcender. Bien au contraire, à son arrivée au pouvoir, Bouteflika en fera son domaine favori pour amplifier sa politique répressive. À travers la judiciarisation de tout acte d’écriture défavorable au régime, il allait battre tous les records de harcèlement des journaux les plus en vue : c’est-à-dire à grand tirage et forte audience. 
La systématisation du procédé ne se contentera pas, en effet, des peines juridiques, puisque le palais entreprendra, par la suite, de faire appel à la truanderie administrative qui se déploiera dans le chantage concernant la parution de ces journaux. Sauf que cette censure maquillée en insolvabilité des directeurs de publication fut étonnement contournée grâce à de réelles solidarités corporatistes. En dépit de tout ce qu’il avait imaginé, le pouvoir éprouvera donc d’énormes difficultés à brider la liberté d’expression comme il avait pu le faire au détriment du champ politique où il parvint à laminer les courants de l’opposition. 
Changeant de stratégie après cet échec, le palais n’hésitera pas à promouvoir des médias «informels» au tournant de l’année 2014. C’est que contrairement à un multipartisme n’ayant émergé qu’au lendemain de 1989, l’émancipation de la presse fut, elle, le produit d’une conquête après un long combat visant les structures mêmes de la communication officielle. 
Par ailleurs, l’on peut également expliquer cette rapide consolidation de l’expérience des journalistes par l’accélération de l’histoire même du pays, laquelle avait contribué à la mobilisation de cette corporation et l’envoyer dans le feu de la résistance. Celui qui ne sera pas assimilé à un simple baptême mais devint l’alternative primordiale pour survivre au terrorisme islamiste. C’est cette singularité de destin qui, à ce jour, demeure significative en ce sens que la presse algérienne avait connu d’abord des assassinats de ses journalistes avant d’être victime des cachots politiques. 
En somme, après avoir été une modeste profession de propagandistes aux ordres du pouvoir, elle épongera vite son déficit de crédit grâce à la nouvelle prose journalistique au lendemain de 1988. Justement, cette réhabilitation s’effectuera dans la joyeuse pagaille de création de journaux qui arriveront dans les kiosques tout au long de l’année 1990. C’était alors l’enfance d’un autre journalisme accouché aux forceps mais auquel il fallait imaginer très vite un cadre éthique. 
Or, depuis 1990, les pouvoirs successifs se sont toujours arrangés pour brouiller son rayonnement en recourant à la fois au barrage des imprimeries mais aussi en modulant, sous toutes ses formes, les contributions attendues de l’État. Autrement dit, l’insistance avec laquelle l’on répète, à ce jour encore, que le régime avait aidé d’une manière ou d’une autre à l’existence de cette presse indépendante est tout simplement une contrevérité. C’est-à-dire une légende destinée à imposer une fausse paternité à une presse inspirée seulement par le mouvement d’octobre 1988. Ceci est d’autant plus vérifiable que jamais les relations ne se sont améliorées. 
Continuellement marquées par l’affrontement, elles apportent la preuve qu’ils n’étaient pas de la même extraction. Aujourd’hui encore les journaux indépendants éprouvent d’énormes difficultés dans le domaine de la trésorerie qu’ils expliquent par une certaine forme d’ostracisme concernant la ventilation de la publicité d’État. 
Une véritable arme de chantage que l’on a rodé sous la férule du premier cercle de la Présidence et au sujet de laquelle le nouveau ministre de la Communication vient de promettre une véritable mise à plat de sa gestion. Et même si pareil vœu venait à se concrétiser, il resterait tout de même l’impossible polémique qui divise en permanence le pouvoir d’Etat et une bonne partie de la corporation. 
S’agissant de l’éthique chez les journalistes et de la morale d’État qui en avait toujours fait une lecture négative, il est étonnant que la seule batterie de la justice soit qualifiée pour décréter ce qui est diffamatoire et ce qui ne l’est pas dans les publications. Comme quoi, dans ce domaine, tous les codes juridiques demeureront imparfaits aussi longtemps que les dirigeants continueront à louvoyer face à l’exigence de la vérité. 
En effet, si nos traditions politiques sont ce qu’elles sont de nos jours de même si l’éthique qui commande aux rédacteurs la justesse des mots est parfois prise en faute, c’est parce que nos gouvernants se préoccupent si peu de la règle de la transparence. 
Or, la présence d’une presse qui tente de prendre le contrepied des discours officiels ne peut que lui valoir le traitement humiliant des tribunaux au seul motif que toute révélation est par avance une atteinte au secret d’État. Bouc émissaire régulièrement désigné par les cercles du pouvoir comme la source de tous les maux, le journaliste n’est, par contre, toléré que lorsqu’il se soumet à la dictée officielle. 
C’est pourquoi toutes les révélations rapportées dans les colonnes de cette presse durant l’inimaginable longévité du pouvoir de Bouteflika apportent aujourd’hui la preuve que la mauvaise foi au sein de la classe politique était la posture intellectuelle la mieux partagée. À l’évidence, elle se vantait bien plus de la pérennité d’un régime de mercenaires au lieu de dénoncer la perpétuité de ses abus. C’est dire que les maladresses du journaliste sont plus respectables que toutes les morales d’Etat quand elles permettent de faire du mensonge un recours légitime.
B. H. 

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