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Rubrique Lettre de province

Déchéance d’un dandy de la politique et ruine d’un pays

Pitoyable fin de carrière politique d’un Président hué par des millions de concitoyens et soumis, en dernier ressort, à l’ultimatum de la caserne.
C’est après vingt longues années ponctuées par plus d’échecs que de réussites qu’il ne pouvait plus se prévaloir de la qualité de guide de la Nation au moment où tous les indicateurs le donnaient inapte à exercer ce magistère. Pourtant, en dépit des appels à la sagesse afin de le dissuader de postuler à une reconduction de trop, il décidera du contraire. Un insupportable entêtement qui vient de lui valoir la pire haine qu’un peuple est capable de vouer à son chef. C’est dire qu’à l’exception de Ben Bella qui fut assez tôt contesté par l’opinion tant il paraissait brutal et confus dans ses choix politiques, ses successeurs furent un tant soit peu respectés et parfois même encensés comme l’avait été Boumediène. Il a donc fallu attendre trente-quatre ans (1965-1999) avant de redécouvrir une détestation identique qui accompagnera un Bouteflika jusqu’au 2 avril 2019. D’ailleurs, elle ne fut clairement perceptible que lorsque ce hâbleur plein de suffisance passera outre la règle limitative des mandats préconisée par la Constitution. Et c’est de la sorte qu’il s’en ira conquérir une douteuse victoire, laquelle ne fut rien d’autre qu’un viol. Avec un Bouteflika III transfiguré par la mégalomanie, le temps de la comédie du faux démocrate était révolu. Privé des artifices de dirigeant éclairé dont les atouts de tribun lui servirent auparavant de carte de visite, il connut alors une singulière dépression morale qui allait se compliquer à travers le désordre qu’il installa dans sa gouvernance. De plus, au moment où les révoltes arabes se multipliaient, l’Algérie découvrait, à ses dépens, l’étendue du cancer de la corruption dans laquelle étaient impliqués les apparatchiks du premier cercle. C’en était trop pour celui qui n’avait jamais ménagé ses prédécesseurs et qui eut la dent dure en les qualifiant de « leaders en carton-pâte ». C’est-à-dire une facticité qui, dans les mêmes circonstances, allait lui être renvoyée.
Nous sommes en 2011 et malgré les inquiétudes de son entourage, voire les interpellations de l’opposition, il décidera de se murer dans un silence tactique choisissant ainsi de faire peu cas des turbulences qui secouent le pays.
Une parenthèse qu’il ne fermera que pour prononcer le fameux discours de Sétif au cours duquel il prétendit faussement que sa génération avait fait son temps : en langue populaire cela donne « tab jnani ». Il ne soupçonnait pas qu’il venait d’inoculer dans l’opinion le projet de sa propre déposition. Loin d’être stupide, l’opinion avait fait le lien avec la grande fatigue qui pesait à ce moment-là sur le Président et la possibilité de le pousser vers la sortie. D’ailleurs, il ne présidera plus de Conseils de ministres durant une année ou presque. Tout cela nous emmène à l’année 2012 lorsque le pays était traversé par une série de manifestations corporatistes qui allaient être annonciatrices d’une véritable révolte politique. C’est dire que la remise en cause de la légitimité du Président ne date pas seulement d’avril 2013 et son inaptitude physique à la suite de l’AVC qu’il eut. En étant encore plus précis, le souhait de sa déposition, évoqué lors de son troisième mandat, ne préfigurait-il pas celui qui vient d’aboutir ces derniers jours ? Seulement, dans le contexte de l’époque, il était tout de même difficile d’articuler entre eux plusieurs griefs suffisamment graves qui justifieraient une telle déchéance. De plus, le projet d’une transition démocratique devant déboucher sur une deuxième République butait sur plusieurs préalables impossibles à réunir durant la troisième mandature. En effet, ni le Parlement, majoritairement peuplé de clercs aux ordres, ni une armée acquise au régime depuis 2004 n’étaient disposés à s’impliquer dans ce qu’ils qualifièrent d’aventure. Destinée pourtant à s’inscrire dans le prolongement des printemps arabes, la contestation en Algérie capotera à son tour faute de catalyseur plus fort que l’appareil répressif du pouvoir. Et parce qu’elle était contrainte d’agir sur deux fronts (celui de contourner le blocus qui lui est imposé et dans le même temps avoir un projet explicite) ; qu’elle s’éteignit au bout du compte. C’est à cet échec que le pouvoir allait se référer une fois de plus au lendemain du 22 février dernier. 
Oubliant que « comparaison n’est pas raison » et surtout croyant dur comme fer qu’il est possible de recourir à un remake de 2014, l’on ignora superbement la teneur explosive qui irrigue à nouveau la haine populaire. Même une hiérarchie militaire timorée et surtout complexée par ses compromissions crut, dans un premier temps, utile de critiquer violemment la première occupation de la rue avant de se rétracter à la suite de « mises en garde » en interne. Car, au cœur du mouvement impétueux de la population, elle n’avait plus d’autres choix que d’emboîter le pas à la marche triomphale du peuple. C’est ainsi qu’elle se dédouanera en exigeant la démission immédiate de Bouteflika. En déblayant en quelque sorte les horizons du mouvement, l’armée a, cependant, déposé ces arrhes politique auprès du Conseil constitutionnel afin d’acter la démission du chef de l’Etat. Or, l’on est encore loin de parvenir à un véritable deal car il reste encore à clarifier les modalités d’une transition que la voix du peuple ne voudrait pas attribuer aux institutions résiduelles du régime. D’où le débat de fond qui doit être tranché à chaud et qui concerne la référence cardinale dévolue à l’actuelle Constitution. Un texte contesté à juste titre et qui constitue, d’ores et déjà, la pierre d’achoppement sur laquelle buteront les avis au cour de la semaine à venir. Même de respectables constitutionnalistes estiment rationnel le fait de disqualifier cette loi fondamentale dès lors que le régime en avait fait un «brouillon» selon la formule consacrée par les manifestants. Pour une société qui a depuis longtemps renoncé à scruter l’avenir, le fait même de se remettre à conjuguer autrement les temps à venir ne constitue-t-il pas un changement d’époque ?
B. H.

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