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Rubrique Lettre de province

Juillet 1962 : un acte de naissance chiffonné

À deux jours du 5 Juillet, rien n’indique, nous semble-il, que la fête de l’indépendance de cette année allait mériter des hommages symboliques à la hauteur de la supposée renaissance d’une Algérie en train de s’investir dans la véritable reconstruction de l’État. Cela, hélas, ne nous rappelle-t-il pas le triste escamotage de l’identique rendez-vous coïncidant avec le demi-siècle de souveraineté alors qu’il aurait dû être marqué d’une grandeur significative en cette année de 2012 ? L’on se souvient justement que l’évènement attendu à cette époque fut un triste bide malgré l’importance des références qu’il fallait mettre en exergue à cette date dont surtout les 130 années d’aliénation mémorielle de notre identité. Par contre, l’on préféra recourir à la glorification mensongère d’autres décades des régimes alors que la notoriété de l’Algérie s’était toujours illustrée par le caractère tourmenté de son proche passé avec ses haines recuites, toujours entretenues par des acteurs politiques se faisant des guerres sourdes et sans merci.
En somme, il y avait matière à examiner sans concession les multiples séquences relatives à la gouvernance de l’État dans ses différentes acceptions. C’étaient d’ailleurs les thèmes majeurs qui n’étaient qu’effleurés occasionnellement quand surgissaient les crises sociales. Or, neuf années nous séparent du cinquantenaire alors que la démagogie est toujours à l’usage grâce à des « mémorialistes » fonctionnarisés, lesquels préfèrent louvoyer avec la triste réalité en se permettant d’accorder une importance surfaite aux rares succès engrangés en 59 années par l’Algérie.
Rien donc n’a changé dans la manière de braquer les projecteurs sur les pans visibles du fonctionnement de l’État. Car, le désir excessif de positiver concrètement là où n’existent à peine que quelques promesses n’incite-t-il par les chargés de la communication à amplifier les faits outre mesure ? Même les manuels de l’Histoire sont «revus» lorsqu’il s’agit de faire grandir dans l’estime populaire la geste de la guerre de Libération.  Outrageusement inexacts, ils imitaient les légendes. Pourtant, jadis, Mostefa Lacheraf mit en garde le personnel politique contre cette propension à la «sentimentalité parfois bêlante» (sic) qui tourne le dos à la véritable décantation historique. Celle qui concerne la fameuse mise à jour permanente grâce à laquelle le récit national est appelé à « survivre et perdurer ». Dans le droit fil de la pensée de cet intellectuel, il posa, en ces temps-là déjà, la question du rapport des générations montantes à l’histoire du pays. Conseillant d’en finir avec « la démesure pseudo-héroïque et le recours aux seuls mythes avantageux », il estima que cette grandiloquence semblable aux légendes a, déjà, fini par agacer plus qu’elle n’édifia la jeunesse jusqu’à la détourner, une fois pour toutes, de l’authentique héritage national. Alors que l’appel de Lacheraf remonte aux années 1980, ce constat demeure ignoré par les dirigeants qui se sont succédé.
S’accommodant des momifications historiques, les précédents responsables ont surtout cru nécessaire d’entériner tous les subterfuges alimentant la démagogie. Même les repères de l’éphéméride national ont subi plus d’une altération des sens de chaque date sans que l’on sache pourquoi et comment celle du 5 Juillet fut quasiment exclue de la narration du roman patriotique. En l’espace de 59 années (1962-2021), cette journée était passée de l’exubérance populaire à une insignifiance interrogative. De réclusion mémorielle en enfouissement programmé, elle n’avait jamais fait l’objet d’une quelconque justification quant à son déclassement. Rien si ce n’est une corvée protocolaire annuellement expédiée à travers le dépôt d’une gerbe de fleurs devant chaque stèle commémorative. C’est dire qu’il faut s’adresser aux chaumières pour détecter les dernières flammes du patriotisme.
En fin de compte, ce sont généralement les populations seules qui, parfois, se surprennent à vouer au culte du souvenir un modeste intérêt existentiel, dirons-nous. En clair, parmi la cohorte des peuples martyrisés séculairement, l’Algérie est un pays qui porte en lui les stigmates durables du malheur collectif. Autant souligner que cette Nation avait moins de droits que la majorité des autres de solder les résistances ayant marqué son histoire, et surtout d’empêcher l’oubli de faire son œuvre en laissant croire que l’amnésie doit être considérée, à un moment ou à un autre, comme l’hygiène des nations !
L’Algérie ne saurait être dans ce cas. Car elle n’a pour souvenir que ses dates qui lui ont cicatrisé la mémoire. Rien d’autre en contrepartie que les faux miroirs reflétant une prétendue prospérité de la Nation future et des faux emballages d’arguments destinés à fourguer une mauvaise littérature politique allant dans ce sens-là. C’est-à-dire celle s’appuyant sur des fantasmatiques thèses économiques et sociales afin d’étayer des diagnostics qui n’en sont pas, évidemment.
C’est ainsi que, faute d’un «5 Juillet» réinvesti de sa valeur fondatrice (celle qui privilégie la vérité concernant le devenir), nous aurons droit à des déploiements d’artifices discursifs juste pour apaiser les doutes qui contaminent toujours un peuple fatigué.
B. H.

 

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