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Rubrique Lettre de province

Le Président Tebboune face à son «que faire ?»

Investi légalement en tant que 7e président de la République, l’ex-Premier ministre sous le régime de Bouteflika ne doit, cependant, pas ignorer que sa légitimité populaire est, par contre, contestée, voire même contestable par rapport au massif boycott des urnes ayant caractérisé le scrutin. Mal élu, l’on s’attend à ce que son mandat soit marqué par beaucoup de prudence où l’écoute permanente de l’opinion sera sa principale vertu. Une circonspection qui s’impose naturellement à lui et exige qu’il respecte ses promesses afin qu’il puisse entrer dans les bonnes grâces d’une population toujours à cran contre le pouvoir intérimaire et dans le même temps peu favorable à sa propre ascension. 
Chef de l’État condamné à marcher sur des œufs, monsieur Tebboune risque à tout moment d’être rappelé par un passé trop marqué par le passif de son compagnonnage. Même si l’on imagine qu’il veuille à tout prix oblitérer les années en question et faire peu de cas des responsabilités qu’il exerça en ces temps-là, ce ne sera jamais le cas de la mémoire collective qui, au moindre impair, se fera un malin plaisir de le confondre en faisant étalage des supposées connivences qu’il aurait entretenues lors de ses multiples passages dans deux ou trois ministères. Face aux dénigrements, ses ripostes ne manqueront certainement pas d’arguments solides contre ceux qui firent de lui le «mouton noir» de l’avant-dernier gouvernement de Bouteflika (juillet 2017). Une humiliation qui se soldera par sa destitution sans que l’on sache qui des Bouteflika – le Président ou Saïd ? – avait pris la décision. Piégé par une promotion tardive alors que le pourrissement au sommet de l’État était à son comble, il devint l’émouvant coordinateur d’un gouvernement à la mission impossible. «… Celui, écrivions-nous à cette époque, qui n’avait d’autre choix que de limiter la voracité des ministres-prédateurs sous peine d’être accusé à son tour de complicité dans le pillage.» 
Après deux longues années de traversée d’un désert moral, il est de retour, requinqué grâce à un «juste retour des choses», disait-il et même, mieux encore, promu à la plus haute fonction de l’État. Un véritable conte des Mille et une nuits qui ne pouvait s’écrire qu’avec l’encre de discrets parrains. Et c’est cette nouvelle «version» de la carrière d’un Tebboune plein de certitude qui s’apprête à engager un pari d’envergure que la plupart de ceux qui l’avaient précédé ne purent ou ne surent tenir et, a fortiori, gagner. Celui qui consiste à respecter d’abord ses engagements électoraux en appliquant au pied de la lettre les réformes promises tout en respectant les agendas de leur concrétisation.
En se présentant sous les augures d’un Président qui «veut faire ce qu’il dit», il lui était arrivé d’évoquer, au cours de la morose campagne électorale, la nécessité d’aller vers une «nouvelle République». Or, cette revendication cardinale émanant de la rue fut en permanence écartée aussi bien par l’armée que par l’intérimaire d’El-Mouradia au prétexte que la seule priorité pour mettre fin à la vacance constitutionnelle consisterait en l’élection d’un successeur. Ayant fait sienne l’idée de « succession » à laquelle s’opposait le Hirak, le candidat Tebboune, une fois élu, sera-t-il en mesure de revoir à la baisse la solution initiale en se rapprochant de la proposition de la rue afin de permettre au pays de tourner cette page de son histoire ? Du candidat docile et réfractaire à toutes les démarches devant déboucher sur une transition, la République a-t-elle à présent une chance de découvrir sous le masque d’une réticence surjouée un Président partisan d’une seconde République ? Celui qui devra faire la preuve, dès les premiers mois de son mandat, qu’il est capable par lui-même de reconstruire consensuellement l’État et mettre fin au recours à de faux-fuyants. C’est que, depuis 1988 et les amendements que la révolution du 5 Octobre imposa à la Constitution de l’époque, les pouvoirs se sont tous contentés de certains procédés captieux qu’ils justifièrent parfois par des critères culturels ou cultuels, et parfois les deux. Autant de pirouettes auxquelles ils n’hésitèrent pas à rajouter le blocage institutionnel disqualifiant les «initiatives citoyennes».
Dans une Algérie qui bouge, bout et poursuit la longue marche de la contestation, il ne fait pas de doute que tous les prétextes sont susceptibles de disparaître à moins de supposer que l’on vise dans le secret à préparer l’État pour le grand retour à une présidence bicéphale ! D’où la nécessité d’exiger du nouveau Président qu’il clarifie dans l’urgence la place de chaque institution par rapport à la magistrature suprême. À travers les transgressions de la caserne, la parenthèse du mouvement social a justement mis en lumière la pesante incursion de l’état-major dans la modulation de la gestion de la crise. De surcroît, le fait d’avoir fixé d’autorité l’agenda de l’artificieuse consultation du 12 décembre en exigeant du chef de l’État par intérim qu’il le «programme avant le 15 décembre», illustre l’inhabituelle implication de la caserne. 
D’ailleurs, pour l’opinion, ce vote inaugure un tournant historique pour le pays mais par pour les mêmes raisons. Car, face au sentiment de tromperie qui ronge la société, la morgue des cercles du vieux régime a toujours fait pièce. En se voulant à la fois conscience nationale, dépositaire exclusif des clés de la Nation et seule source de la décision, ils ont fini par aggraver les malentendus politiques en les ayant transformés en casus belli : celui du délit d’opinion permettant l’embastillement de toute parole contestataire.
Même si l’on doit considérer que le nouveau Président ne sera guère libre de toutes ses initiatives, il est toujours utile de souligner à sa place que son élection fera incontestablement de lui le seul comptable dans la conduite du pays. Et pour cause, les responsabilités qui viennent de lui être octroyées le privent définitivement des béquilles de la fuite en avant.
Triomphale ou non, une élection n’éteint que rarement les colères sourdes du peuple. C’est pourquoi quand un Président est investi à la tête d’une société au tempérament volcanique, il doit se souvenir que : «Toutes les peines sont capitales / Pour celui qui parvient au centre / Au centre du destin», selon les «prophéties» littéraires d’un certain Kateb Yacine.
B. H.

 

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