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Rubrique Lettre de province

Les pacifiques processions face au palais des mensonges

 

«Il faut être fidèle à la vérité, même lorsque notre propre patrie est en cause. Tout citoyen a le devoir de mourir pour sa patrie, mais nul n’est tenu de mentir pour elle.»
(Montesquieu)
Irrité par le torrent de médisances qui accablèrent ses démarches concernant l’émancipation de ce qu’était le parti unique, le subtil Abdelhamid Mehri aurait avoué en aparté qu’il ne savait pas que le «mensonge» était devenu l’idéologie dominante de la classe politique.
Le jugement est certes ancien, néanmoins il ratifie les turpitudes qui ferment de fait la porte à la fois à l’excuse et à l’espérance. Mais qui, à l’origine, est responsable du mensonge ? Selon l’immortel Julien Benda, auteur du pamphlet intitulé «La trahison des clercs», il y aurait d’abord ceux qui ont organisé le mensonge et en sont les bénéficiaires directs. «Mais plus responsables qu’eux peut-être ceux qui, effrayés du mensonge, le voyant en pleine lumière, le touchant du doigt, n’ont pas dit un mot, pas fait un geste pour s’opposer à lui. Qui, bien mieux, pour conserver ou obtenir des places, de l’argent, des titres n’ont pas hésité à prêter la main aux fabricants de mensonges. En somme, ils se sont prêtés à ce jeu sans craindre les remords.» La voilà donc cette description écrite sous d’autres latitudes géographiques il y a de cela un siècle, mais qui semble taillée à la mesure d’une Algérie actuelle.
Notre pays, qui vit à présent les terribles conséquences de plusieurs années de mystification politique au cours desquelles un personnel extraconstitutionnel s’était progressivement substitué aux institutions légitimes au prétexte qu’il aurait reçu délégation de signature pour agir et pourquoi pas gouverner, pouvait-il demeurer plus longtemps indifférent aux outrages affectant l’Etat lui-même en laissant s’accomplir l’insoutenable forfaiture d’une réélection fictive ?
Or, la clique des dirigeants de substitution qui est à l’origine du grand mensonge a bénéficié de l’appui d’un cartel de partis et d’organisations socioprofessionnelles, tous mobilisés autour de cette reconquête du palais que le Président n’occupe pourtant plus depuis une décennie au moins. Les faits sont là qui montrent justement à quel point cette vacance cachée et niée avec une mauvaise foi évidente a été néfaste à la santé économique et sociale du pays. Ruiné moralement et menacé à terme de banqueroute, que lui restait-il à faire d’autre que d’entrer en dissidence civique. Celle qui est en train de s’accomplir depuis le 22 février avec une étonnante maturité de la population. C’est, par conséquent, la stigmatisation des pratiques électorales du régime qui est adressée aux alliés des gens du palais, lesquels ont sûrement oublié que «l’on ne pouvait avoir raison tout seul, tout le temps et contre tout le monde». Après les «hélas» ponctuant les lamentations des gens d’en bas, c’est au tour des «holà» de la foule qui leur intime l’ordre de mettre fin au pernicieux projet d’un mandat surréaliste. En clair, les dénonciations inscrites sur des pancartes que brandissent les cortèges d’étudiants mais également la cohorte de vieilles personnes blanchies sous le harnais de la digne pauvreté ne sont-elles pas autant d’actes d’accusations visant celui qui fut chef de l’Etat durant trois mandats et ne l’est plus que par intermittence médicale ?
Rattrapée par la multitude de contradictions et de mensonges dans lesquels sera embourbé son dernier mandat, cette présidence allait être éclaboussée par de sulfureuses révélations tout au long des dernières années au point de connaître le pire des discrédits : celui de la colère du peuple. En effet, la solide suspicion qui affecte désormais le sommet de l’Etat n’est guère un fantasme de la presse. Elle est perceptible aussi bien dans les rouages de l’administration que dans les réseaux actifs de la société civile. Et si le «café de commerce», ce lieu de commérage du petit peuple, s’en est emparé précocement, c’est que la classe politique avait montré des signes d’incohérence qui ne plaidaient guère à son avantage. Sans doute que les slogans de la rue en marche n’étaient pour la plupart que des reliquats de la parole caustique qui se bonifia de la saveur des échanges de ce «lieu-dit».
L’inquiétude perceptible de nos jours s’inspire également du passé de ce régime qui se remarquera très tôt par sa manière d’exercer le pouvoir et son inclination à privilégier les solidarités claniques.
Celles qui furent vite soupçonnées de vouloir mettre à l’écart le pouvoir législatif en truquant tous les scrutins par le biais des quotas affectés à chaque courant politique. Le procédé réactualisé cycliquement avait en effet fini par faire du Parlement une institution croupion inapte à censurer le moindre alinéa d’une loi proposée par le palais. Après la chambre d’enregistrement, la stratégie de ce pouvoir fera ensuite une fixation sur les organisations sociales en ramenant dans son giron le principal syndicat qu’il réduira à un instrument supplétif destiné à traquer, paradoxalement, les grèves ! Globalement, Bouteflika parvint à faire table rase de tout ce qui pouvait lui poser des embûches à son long magistère d’autocrate. Sauf qu’après avoir été un scrutateur des horizons d’où pouvaient lui parvenir des soutiens, le voilà, de nos jours, réduit à une icône à laquelle l’on feint de prêter le pouvoir magique du gri-gri. Malgré le fait qu’il soit vaincu par l’outrage de l’âge et l’immobilité causée par l’impotence, la smala qui l’entoure ne désarme pas et le considère comme son atout-maître. Mais pour que cela fût possible, était-il nécessaire de recourir à de sordides stratagèmes en lui attribuant un message au pays par lequel il trace les grandes lignes d’une future grande révolution institutionnelle ? Non seulement le texte est un faux car il reprend in extenso le message à la nation du jeudi 14 avril 2011, lequel est d’ailleurs disponible dans les archives de toute la presse. De surcroît, il ne pouvait guère en suggérer la moindre allusion dès lors qu’il est publiquement prouvé que ce 3 mars, date de dépôt de sa candidature, il était sous traitement neurologique contraignant dans les hôpitaux de Genève !!
Bien plus qu’un mensonge, cette opération ne visait qu’à vouloir faire élire l’avatar du Président en recourant à une dangereuse convention s’inspirant de la méthode qui consiste à créer une réalité fictive grâce à laquelle on justifiera ses rarissimes apparitions. Quant au reste, c’est-à-dire la gouvernance du pays, elle sera, une fois de plus, dévolue à des clercs installés au palais. Imposture !
B. H.

 

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