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Rubrique Lettre de province

Mœurs politiques et mystifications via le vote

Certes, la mauvaise réputation de nos votes vient de loin. De plus, elle n’avait rien à voir avec le statut des Algériens de l’époque. Et pour cause, ils n’étaient guère maîtres du destin de ce pays pour accéder à de tels truquages des urnes. Seulement, cette notoriété défavorable qui aurait dû disparaître avec la colonisation française, a non seulement survécu à son auteur, le fameux Naegelen, alors gouverneur de l’Algérie, mais, plus grave encore, son délit s’est à nouveau vérifié sous la conduite de nos dirigeants dont l’amoralité politique n’avait plus rien à envier au cynisme des occupants d’hier. C’est dire que tous les régimes qui s’y sont succédé ont, tour à tour, considéré les votes comme de simples ratifications de leur autorité acquise précédemment. En d’autres termes, conquise de force à l’intérieur du système. C’est pourquoi, après plus d’un demi-siècle de souveraineté, l’électorat algérien n’a pas la souvenance qu’une seule consultation ait été conforme à l’expression de la majorité des votants. Contestables au départ puis contestées par la suite à travers l’abstention massive, les élections ne sont-elles pas appelées à nouveau à sortir l’heureux élu du double fond de l’urne ? C’est cette démarche, foncièrement la même que celle du passé, que l’on est en train de promouvoir sous le vernis d’un faux habillage destiné à faire accroire à une élection transparente. Bien plus qu’un jugement hâtif, cette stratégie est en train de faire son lit, celui de réécrire un nouveau scénario avec les mêmes procédés politiques ayant permis jadis de faire de Bouteflika un Président presque à vie. Alors que les spécialistes de tous bords n’ont eu de cesse d’interpeller la gouvernance intérimaire en lui exposant des diagnostics alarmants, celle-ci a continué à faire feu de tous bois en décrétant que le seul salut républicain ne saurait passer que par la désignation d’un successeur. De fait, elle s’était érigée, depuis le 5 juillet, en censeur d’un mouvement populaire d’une ampleur sans pareille. De plus, la sourde oreille qu’elle afficha, dès qu’il s’était agi d’ouvrir de véritables consultations susceptibles d’accoucher d’un agenda sérieux, montre bien qu’elle avait disqualifié à l’avance les revendications de la rue.
C’est, par conséquent, dans un climat de suspicions réciproques et de défis partagés que le pays est soumis à une curieuse campagne de sensibilisation. Or, cette opération, qu’il vaut mieux appeler « de conditionnement », ne se déploie qu’autour d’un seul mot d’ordre : celui de menacer clairement l’électorat afin qu’il n’ait d’autres possibilités de s’exprimer que celle d’accréditer la thèse du vote.
En somme, il n’est, en réalité, qu’un étrange détournement du sens premier de ce qu’est la démocratie. En effet, bientôt l’on assimilera l’abstention à un délit. Car, derrière le prétexte alléguant qu’il s’agit de pédagogie civique, ne se dessine-t-il pas déjà la volonté de laminer les libertés publiques ? A ce propos, il n’est qu’à voir et apprécier les mises en garde de ces faux maîtres à voter qui plaident devant les caméras de la télé officielle pour un scrutin présidentiel massif.
C’est à cela que se limitent ces grandes leçons notamment lorsqu’elles assimilent le civisme au patriotisme. Bien plus qu’un amalgame, nous avons, là, affaire à une confusion du sens des mots. Or, le refus d’accomplir son droit de vote n’a jamais fait de l’électeur un incivique et encore moins un antipatriote. Il serait plutôt un lanceur d’alerte silencieux qui souligne l’incompétence des gouvernants. D’ailleurs, par une sorte d’ironie de l’Histoire, le premier homme politique à avoir interprété dans le bon sens une abstention fut Bouteflika qui reprocha en 2007 aux membres de son gouvernement que « la société ne les croit plus et vient de le faire savoir en boudant les législatives ». Après ce coup d’éclat datant de 2007, il changera, évidemment, de registre à la veille de la présidentielle de 2009. Lui qui ne souhaitait pas être jugé sur ses bilans ne se doutait pas que l’opinion l’avait déjà pris de vitesse car, entre-temps, elle avait tiré une précieuse leçon de l’impact politique qu’avait suscité l’abstention en passant à la vitesse supérieure de la contestation électorale : celle du boycott. C’est ainsi que la présidentielle de 2014 fut un modèle de dissidence électorale difficile à maquiller en ce sens qu’elle est déjà gravée dans le marbre de la résistance citoyenne. De plus, elle fera des victimes collatérales qu’étaient les lièvres présents. En dépit de leurs respectables curriculum politiques, il leur était, hélas, difficile de justifier leur participation même si, formellement, ils étaient en droit de postuler.
Ce qui, probablement, leur faisait défaut n’était pas le sens des calculs mais la méconnaissance crasse de l’effet destructeur de la grève des électeurs. Celle qui ratifie la répudiation politique sans condition à l’image de ce qui s’est accompli sous la pression du peuple. C’est-à-dire un retour de manivelle qui a fini par broyer un régime ayant omis de prendre le pouls du peuple. Comme quoi, l’on ne remet pas en bonne marche une nation en lui proposant un successeur providentiel à travers une armature constitutionnelle obsolète. Au contraire, cela ne sera possible que lorsque les mœurs politiques et les règles auront changé.
B. H.

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