Placeholder

Rubrique Lettre de province

Mosquée d’Alger : surcoût ou surfacturation d’un demi-milliard de dollars ?

L’on a longtemps caché sous le tapis des prières «l’affaire» de la Grande Mosquée d’Alger. Mais voilà qu’au moment où les institutions de l’État sont sens dessus-dessous, un discret argentier décide de tenir le rôle de lanceur d’alerte en abordant la question de cette monumentale tartuferie par son côté peu ragoûtant. Celle qui consiste à aborder les douteux financements de sa réalisation lesquels auraient coûté au projet un demi-milliard de dollars US de plus que cela était prévu. En effet, dans sa contribution parue dans El Watan,(1) monsieur Nouioua, ancien gouverneur de la Banque d’Algérie, s’émeut bien plus qu’il ne s’étonne qu’un dépassement évalué à 50% du coût global de l’investissement n’ait pas donné lieu à une sérieuse post-évaluation. Reprochant à la puissance publique sa défaillance sur la question, il exigeait que l’on clarifiât dans l’urgence les usages de cette somme faramineuse qui représente un surcoût hors norme par rapport aux marges de correction admises. «A-t-elle été nécessaire pour permettre l’achèvement du projet ou a-t-elle constitué des dépenses régulières et justifiées sinon aurait-elle fait l’objet en totalité ou en partie de malversations éventuelles ?» Ce sont là les interrogations qu’il crut utile de poser pour se faire une idée exacte de cette dissipation financière. Car, sans se départir de la prudence qu’exige préalablement la moindre hypothèse, il rappela tout de même qu’«étant donné l’importance de la somme, il est légitime de se poser toutes les questions, et c’est ce que devrait faire l’instance chargée des investigations»… voire ce qu’elle doit faire à présent.
En attendant que les questionnements du banquier aboutissent à des révélations autrement plus convaincantes que celles qui sont habituellement servies dans des cas pareils, rien ne nous empêche d’évoquer la petite histoire de cet énorme «chef-d’œuvre» architectural. Et surtout pour quelles raisons personnelles sa «majesté» Bouteflika y accorda un intérêt particulier à partir de 2007. C’est que ce pharaonisme qu’aucune sanctification ne saurait justifier, n’a-t-il pas été à l’origine de l’inclination mystico-mégalomaniaque d’un chef d’État dont les ambitions régaliennes ne connurent plus aucune limite à partir de l’imposture du 3e mandat? 
Au moment où la crise de logement avait atteint un pic insupportable, il s’est trouvé que l’on ne savait mieux maîtriser les impatiences que d’offrir aux petites gens une petite Mecque mitoyenne à leurs chaumières afin qu’elles puissent se ressourcer moralement faute de recevoir leur part de bien-être sur terre grâce à l’argent public dont elles n’ont que rarement vu la couleur. À travers donc ce projet, l’on ne pouvait s’empêcher, hélas, de n’y voir qu’un déplorable mimétisme avec le supposé «grand œuvre» du défunt monarque voisin. Un délire religieux d’un certain Hassan II lequel, à son époque, n’avait cependant pas puisé directement dans les caisses de l’État, préférant instaurer une sorte d’impôt de la foi dont le modèle s’inspirait du moyenâgeux denier du culte. Comme quoi, dit-on, il faut se méfier de la magnificence des lieux du culte que l’on édifie au cœur d’un océan de misère. Ne doutant plus de son étoile, le petit César indigène décidera, de surcroît, de contrôler en personne la conduite du projet. Un «fait de prince» qui n’est pas sans rappeler la coquetterie monarchique qui décrète qu’il n’est de «goût sûr» que celui du chef. Non seulement son avis devint prépondérant avant sa maladie mais, plus encore, le futur lieu du culte était censé illustrer et les qualités «hors du commun» de sa gouvernance d’ici-bas, mais aussi sa religiosité. 
Glissons donc sur tous ces délires ubuesques et retournons aux sordides problèmes de l’argent «divinisé». C’est qu’il faut à présent aborder la question centrale de la facture que le lucide banquier vient d’aborder. En effet, quand bien même la glorification architecturale survivra aux péripéties du présent, il est tout de même inadmissible de cultiver le silence à propos de l’orthodoxie des procédures de sa réalisation. Ce sont là des clarifications qui manquent même chez la plupart des opérateurs accrédités par l’État. Or, ce qui est retenu par l’opinion est que ce monumental édifice charrie d’ores et déjà des suspicions jamais balayées aussi bien par le ministère de tutelle que par la primature du gouvernement qui a toujours louvoyé en diluant les responsabilités. Par contre, ce que devine la rue, est qu’avec les sommes qui lui furent affectées, il était possible de densifier les capacités de l’enseignement supérieur et de financer la recherche scientifique durant 20 années. L’on peut s’amuser à satiété en créant des probabilités d’usage de cet énorme pactole. 
Depuis 12 années, aucune évaluation n’a été rendue publique et si au cours de certaines périodes l’on a «bilanté» financièrement les dépenses en les mettant en parallèle avec les taux d’avance du projet, l’on s’est complu dans un secret coupable qui dit déjà bien plus que tous les aveux. Pratiquement inconnue du grand public, l’agence créée en 2007 et chargée de sa réalisation et de sa gestion a longtemps observé une anormale discrétion avant qu’elle ne vienne d’avouer ces jours-ci qu’il existe effectivement un surcoût de cette énormité. Un maquillage odieux des comptes financiers au sujet duquel il existe sûrement le serment de l’omerta. Ce qui en soi est déjà une injure à la piété élémentaire. C’est de la sorte d’ailleurs que l’on peut paraphraser l’imprécation katébienne fustigeant les tartufes en décrétant qu’ils étaient hérétiques «au nom de Dieu le grand absent de cette république déviationniste».(2)
B. H.

(1) Lire l’analyse consacrée au coût de la Mosquée d’Alger dont l’auteur est B. Nouioua qu’El Watan publia dans son édition de mardi 24 septembre.
(2) L’imprécation originale de Kateb Yacine citait le «Maghreb» à la place de la «république» comme l’on vient de l’écrire à notre tour.

Placeholder

Multimédia

Plus

Les + populaires de la semaine

(*) Période 7 derniers jours

  1. Affaire USM Alger - RS Berkane La décision de la CAF tombe !

  2. Coupe du monde de gymnastique L'Algérienne Kaylia Nemour s'offre l'or à Doha

  3. Demi-finale aller de la Coupe de la CAF Le match USM Alger - RS Berkane compromis, Lekdjaâ principal instigateur

  4. Le stade Hocine-Aït-Ahmed de Tizi-Ouzou pourrait abriter le rendez-vous La finale se jouera le 4 mai

  5. Coupe de la CAF, le match USMA-RS Berkane ne s’est pas joué Les Usmistes n’ont pas cédé au chantage

  6. Temps d’arrêt Lekdjaâ, la provocation de trop !

Placeholder