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Rubrique Lettre de province

Octobre 88 : un vaccin pour immuniser le 22 février

«… Ne les laissez surtout pas vous voler les fruits de votre combat .» Ce sont là les propos qu’avait substantiellement tenus une héroïne de la guerre de Libération à un groupe de jeunes lors de l’une de ses apparitions au cours des premières marches du vendredi. Présente dès le déclenchement du mouvement, Djamila Bouhired se fera justement remarquer par la vigueur de ses critiques à l’encontre des pratiques douteuses du système. Insistant à propos de la vigilance à observer face au double discours qui leur était destiné, elle rappellera à ses auditeurs, qu’à un moment ou un autre, toutes les ruses politiques seraient mises en œuvre pour siphonner leurs objectifs, « comme cela fut le cas par le passé » rappellera-t-elle. Visiblement, elle ne fit que désigner le détournement de la cause du 5 Octobre 1988 et de ce qu’il en restait, si ce n’est quelques fragments de souvenirs sans importance.
C’est que les fameux trois jours qui ébranlèrent le pouvoir de Chadli et fissurèrent, pour toujours, le principe de la pensée unique n’ont, en définitive, servi qu’à récolter de misérables réformettes et de factices réaménagements de la gouvernance. Ceux qui n’ont consisté qu’à promouvoir Mehri à la place de Messaâdia afin d’améliorer l’image du parti unique et de nommer l’ex-patron de la sécurité militaire Kasdi Merbah à la tête du gouvernement en remplacement de l’impopulaire Brahimi, « coupable » du démantèlement du tissu industriel au prétexte qu’il était composé de plusieurs « empires » incontrôlables par leur taille. Bref, le tout fut accompagné d’un faux emballage constitutionnel dont l’innovation se limitait à l’abrogation de certains credo et l’introduction d’une règle favorable à l’ouverture au multipartisme mais dont l’énoncé est en lui-même un chef d’œuvre de l’euphémisme. Il suffit de lire la phrase qui suit pour s’en convaincre : « La diversité associative au sein de l’activité politique.» C’était de la sorte que furent entamés les premiers soldes de tout compte des revendications d’Octobre. En effet, dès le mois de janvier 1989, l’on savait clairement que les doléances avaient déjà avorté de toutes les espérances sur lesquelles tablaient les mots d’ordre. La raison primordiale qui allait décider l’armée, en tant que maître des basses œuvres, de reprendre la main sur la situation du pays tenait au fait qu’elle-même cafouillait dans ses enquêtes à propos des véritables éléments déclencheurs de la violence qui s’en est suivie. Et comme la psychose a toujours été le moteur des options au sein du système, l’on décréta la fin de la récréation sauf qu’on le fit tardivement. Car au printemps de la même année, les islamistes étaient déjà sur la brèche en train de mobiliser les foules et de peaufiner leurs dossiers d’agréments. C’est ainsi qu’après la décennie pagailleuse 1989 / 1998 caractérisée d’abord par l’agitation d’une multitude de courants politiques puis par le déclenchement du terrorisme islamiste, vint le temps d’un autre crépuscule. Celui d’un troisième acte qui se joua derrière les rideaux de la scène politique en poussant le Président Zeroual à la démission. Grâce à l’armée, Bouteflika allait sortir de ses képis et bénéficier d’une réhabilitation à la hauteur de la République.
En avril 1999, l’Algérie ne pouvait pas deviner qu’elle allait être gouvernée par la férule d’un personnage plutôt doué pour la démagogie de tribune que pour la vertueuse pédagogie susceptible de diffuser correctement les bienfaits de la démocratie. A cette époque-là, Bouteflika venait d’apporter à l’Algérie l’art de l’esbroufe grâce auquel il contamina toute la classe politique jusqu’à faire d’elle son meilleur relais. Après la double consécration électorale (1999 et 2004) lui ayant permis de mettre fin, en quelque sorte, à la guerre civile que l’islamisme imposa à la société, il décidera alors de se consacrer à un autre thème qu’il occulta auparavant. Celui de clore tout débat concernant la signification d’Octobre 1988 et sa place dans la refondation de l’Etat. Pour ce faire, il accorda un certain feu vert à des thuriféraires qu’il autorisa à dire ou à écrire que cet « évènement » n’était rien d’autre qu’une colère localisée et qu’au mieux elle ne peut être considérée à présent que comme une révolte inaboutie faute de clarté dans les objectifs que s’assigna… la rue ! Bref, en amenuisant sa contribution dans l’acquisition des premiers jalons de la démocratie, il permettait aux partis politiques de dénier à cette date l’origine de leur existence. Ayant affranchi de toute dette mémorielle les chaumières partisanes, Bouteflika enrôlera certains leaders d’opinion pour prouver que le fameux tournant de 1988 ne fournit comme bilan que l’immense désordre qui coûta au pays un embrasement ravageur. Etayant le même réquisitoire, on lui doit également sa perception des libertés publiques qui se fondent, selon lui, sur des concepts antinomiques. C’est-à-dire qu’il existe « une démocratie des valeurs » totalement différente de « la démocratie des structures ». Ce fut donc pour les besoins d’une pseudo « réévaluation objective » qu’il conclura que « l’explosion sociale d’Octobre 88 ne pouvait être le déterminant essentiel à l’origine du changement de cap ayant modifié en profondeur l’assise doctrinale de l’Etat ». Il ajoutera, d’ailleurs, avec mépris que les colères erratiques n’avaient laissé que des stigmates dans le tissu social. Catégorique dans le jugement, Bouteflika fut sûrement celui qui déclassifiera avec violence cette date en lui déniant toute influence, l’accusant de n’être qu’une chouannerie des ventres creux.  Sans doute que c’est cette contrevérité qui justifie actuellement le scepticisme des bataillons de marcheurs de ce mouvement du 22 février. Arguant de ce précédent qui a coûté une injuste occultation de la contestation du siècle dernier, ils ne pouvaient que douter des promesses des dirigeants du présent. C’est pour cette raison que la référence à 1988 peut et doit servir de boussole au mouvement du 22 février, afin d’éviter les marchés de dupes.
B. H.

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