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Rubrique Lettre de province

Paraphes pour candidats : les marchands de tapis à l’œuvre

Ce n’est pas une mince affaire que de faire l’apologie d’une personnalité politique puis aller à la chasse des souscriptions nécessaires à la validation de sa candidature. Vanter un «produit» éminemment virtuel en contrepartie d’une déclaration de soutien à des quidams pour lesquels l’on doit déployer un talent de bonimenteur supposé également de l’entregent auprès de ces édiles locaux auxquels l’on rend visite. Ce marketing politique, devenu un passage obligé depuis l’ouverture au pluralisme des élections, laisse tout de même entendre que la collecte des signatures n’est pas tout à fait exempte de tripatouillage, voire d’un commerce douteux consistant en des transactions financières. Par le passé récent, cette pratique fut d’ailleurs dénoncée plus d’une fois sans que la «haute instance» y eût cru impératif de mettre en garde les états-majors des candidats. En somme, le sésame pour engranger ces paraphes demeure du seul ressort de quelques notaires ou de nombreux officiers de l’état civil chez lesquels la validation des actes déclaratifs est prise à la légère. Une pratique que la constitutionnaliste Fatiha Benabou a qualifiée de «contestable», en ce sens qu’elle est une atteinte à l’éthique (1). A ce sujet, l’on se souvient de la désillusion d’un Réda Malek disqualifié en 1995 à l’issue de cette épreuve sélective et la «divine» surprise qui agréa la candidature d’un certain Boukrouh, lequel avait réussi le coup de poker inimaginable de rafler en quelques jours 60 000 signatures disséminées dans 25 wilayas ! Ces deux destins contraires, tirés de l’histoire d’une présidentielle qui vit Zeroual investi, ne sont évidemment que des exemples-limites. Car d’autres aventures dérisoires n’aboutirent jamais pour une question de bon sens dès lors que leurs auteurs étaient démesurément ridicules par rapport à l’enjeu. C’est, entre autres, pour cette raison qu’aucun postulant ou presque n’échappe au caractère périlleux et surtout fascinant de s’adonner au fameux challenge préliminaire avec le secret espoir de susciter les «sympathies» nécessaires à son élection.
Mais si le pari est réellement risqué pour ceux qui mettent en avant leur «indépendance» vis-à-vis des appareils politiques dans le seul but de capter la curiosité des votants, laquelle demeure un paramètre intéressant dans les décisions de l’électorat ; il en va, par contre, autrement pour les candidats officiellement adoubés par les formations ayant pignon au Parlement et dans les assemblées locales. Pour elles, cette mesure administrative et néanmoins politique ne constitue guère un obstacle. C’est cette différence face à la difficulté pour atteindre le quota des souscriptions qui est discriminatoire en soi à l’égard de réelles notoriétés dont la réputation de probité est tout à fait méconnue dans le pays profond, surtout. Avec une règle du «jeu» tout à fait pipée au profit de la nomenklatura politique, il semble bien que l’émergence du plus brillant parmi les universitaires du pays demeure du domaine de l’impossible. Qu’est-ce à dire si ce n’est que la démocratie des urnes, que confisque le faux maillage des partis au sein duquel se côtoient le meilleur et surtout le pire, n’a pas contribué à améliorer l’éducation politique des citoyens d’autant plus que les structures destinées à l’expression de la société civile se font encore rares 20 années après la Constitution de 1996.
Or, la pétaudière que représente un microcosme politicard, contrôlé par les lobbys de l’affairisme, n’a-t-elle pas fini par renforcer l’opinion et son électorat dans le rejet de la «solution» des urnes. C’est précisément une atmosphère de cette nature qui est en train de s’installer à la veille d’une aventure ambiguë au bout de laquelle la désaffection massive des électeurs contresignera à nouveau le désaccord profond que manifeste la société face au déploiement des exorcistes lors de la campagne afin d’enfumer la bonne foi des badauds.
Sans vouloir s’appesantir sur l’élémentaire notion de synergie entre la société et sa classe politique, il n’est pas inutile de se référer en quelque sorte au vade-mecum en vigueur dans les solides démocraties. Dans cet ailleurs qui donne l’exemple, le concept de responsabilité s’appuie sur le «triptyque des aptitudes». A savoir : «L’aptitude de l’opinion à soutenir une politique d’efforts ; l’aptitude des dirigeants à comprendre leurs responsabilités, c’est-à-dire à former une équipe, voire à choisir le chef ; enfin l’aptitude des institutions à encadrer l’opinion en étant crédible.» Hélas, aucune des trois «aptitudes» n’est perceptible dans la praxis courante chez nous. Et c’est ce déficit notoire qui fut à l’origine du boycott cyclique des urnes et de la disqualification morale de l’ensemble de la classe dirigeante.
A leur tour, les partis politiques connurent un semblable traitement auprès de l’opinion. Devenus trop proches de la carotte du système et inconsciemment arrogants vis-à-vis de l’opinion, n’ont-ils pas, eux aussi, sombré dans la compromission qu’illustre ponctuellement l’agenda des votes ?
N’ayant pour seule certitude que l’éligibilité de leurs leaders à la présidentielle des dupes, trois ou quatre partis n’excluent justement pas le fait que leur rôle de figurants ajoutera à leur notoriété une ligne de plus dans leur biographie et améliorera matériellement le train de vie de leur entourage. Or, l’asservissement progressif des partis, dont l’ancrage social est de moins en moins réel, n’a permis, en définitive, que l’émergence de leaders autoproclamés plus prompts à solliciter une «visibilité» électorale auprès du Conseil constitutionnel que de poursuivre leurs travaux de bénédictins auprès de la base électorale afin de lui expliquer les tenants réels et les aboutissants dangereux du prochain vote.
Après le temps des souscripteurs qui lui offriront les contrats de leur participation, ces quelques chapelles représentatives du pluralisme devront auparavant plancher sur les thèmes de leur discours. 
Exigeant une prudence d’un autre genre, la rhétorique qu’elles déploieront au cours du marathon ne devra souffrir aucun écart discursif comme l’avait été l’exemplaire campagne de 2014 quand l’apologie supplanta la critique. C’est de la sorte que se mériteront, par la suite, les accessits du palais.
B. H.

(1) Lire le compte-rendu consacré à la «collecte des signatures…» en page 4 d’El-Watan du mercredi 6 février.

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