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Rubrique Lettre de province

Stratégie antivirus et triste «fête de la Victoire»

Malgré les préoccupations imposées par l’épidémie en question, le pays n’a pourtant pas égaré ses repères habituels ni renoncé à son sport favori : celui des discussions politiques, voire les contestations de comptoir. Cependant, si le mouvement du 22 février ainsi que la plupart des partis ont choisi de mettre un bémol à leur opposition militante, ils ne justifient ce repositionnement que par la spécificité des dangers qui menacent le pays. En somme, le deal imposé d’abord par le coronavirus puis souhaité cordialement par le gouvernement souligne cette fois-ci la maturité de la classe politique et surtout celle du mouvement de masse qu’est le Hirak. D’ailleurs, le chef de l’État n’a pas ignoré cet aspect en laissant entendre que ce front commun n’est valable que dans ce contexte. Sachant établir à son tour des distinguos qu’il eut à traiter au cour des dernières 48 heures, il célèbrera à sa manière la date du 19 Mars en « postant » à destination de la presse un laïus dédié à l’esprit de Novembre « sic ».
Au moment donc où l’on pensait que le vaste thème de l’histoire nationale allait mériter d’autres approches que les discours patriotiques délivrés à la veille de chaque date-majuscule, nous découvrons un président de la République en train d’imiter ses prédécesseurs en réanimant les effets de style pleins de lyrisme pour étayer son discours. Or, cela ressemble à une sorte d’oubli coupable concernant les mises en garde de l’intellectuel Mostefa Lacheref lorsqu’il avait posé la question du « rapport de la jeunesse à l’histoire du pays ». Il y a trente-cinq ans de cela, il suggéra, en effet, d’en finir avec « la démesure pseudo-héroïque et les seuls mythes avantageux ». Qualifiant cette prose de « sentimentalité bêlante », empêchant la bonne décantation historique d’opérer, il accusait ce genre de discours de n’être que de la « contrefaçon ».
Cela dit, où en sommes-nous de nos jours à propos des célébrations officielles et surtout celles qui nous concernent dans l’immédiat, nous avons cité le 19 Mars ? Cas atypique par rapport à celles du 1er Novembre et du 5 Juillet, elle ne bénéficia, étonnamment, pas du statut de « jour férié ». Or, cet ostracisme, survenu quelques années après l’indépendance, illustre parfaitement les démarches révisionnistes qui se multiplièrent au lendemain du coup d’Etat du 19 juin 1965. Faisant les frais de tous les enjeux de légitimité à cette époque, ce repère historique a fini par être interprété comme l’œuvre « ratée » des seuls négociateurs d’Évian, à savoir le personnel du GPRA. Alors qu’il était parfaitement plausible de considérer cette fin de la guerre et la naissance d’une Nation comme le butin de l’ensemble du mouvement national, il en fut autrement dès l’aube de l’indépendance. L’encre des paraphes au bas de l’accord n’avait pas encore séché qu’aussitôt, celui-ci devint la pomme de discorde et la source de toutes les exclusions qui ponctuèrent l’été de 1962. C’est pourquoi la date majeure du 19 Mars, au lieu d’incarner l’interface du 1er Novembre, a été discréditée notamment par l’armée des frontières. Mort-né, le binôme qui accoucha du premier jour de la guerre et du premier jour de la paix sera reconfiguré peu d’années après le coup d’Etat en substituant au 19 Mars, le 19 juin. Un triste tour de passe-passe destiné à rendre obsolètes les références historiques en déclarant que le 19 juin n’était autre que « le redressement révolutionnaire » logique.
Gommant l’histoire du GPRA tout en mettant en lumière la camarilla surpolitisée des officiers de l’ALN, elle allait devenir la matrice du système que nous connaissons à ce jour. Alors que l’édifice de celui-ci confortait sa pseudo-légitimité, il advint que même l’écriture du roman national se transforma en légende. Il a fallu patienter quarante années (1965-2005) pour qu’enfin, un début d’ouverture politique permette une réécriture de l’histoire du mouvement national. Mais pas pour très longtemps, hélas, puisque même les modestes clarifications contenues dans le nouveau « catéchisme » de la guerre de libération furent censurées ipso facto dès leur édition. S’arrêtant à mi-chemin de la reconnaissance d’un délit de falsification historique, Bouteflika se rebiffa à cette époque (2004) et ne consentit qu’à abroger du calendrier officiel des fêtes la date du 19 juin sans, pour autant, restituer celle du 19 Mars. Une double ruse qui, tout en se débarrassant d’une pratique peu glorieuse, refusait de rendre justice à l’histoire du pays. C’est dire que jusqu’à sa destitution, ce « second couteau » du putsch de 1965 avait toujours refusé de mettre en péril la doctrine de l’armée des frontières. En attendant donc le jour où l’horloge de l’Histoire aura correctement remonté celle du 19 Mars, nos célébrations continueront à se suffire des laïus officiels et des dépôts de gerbes de fleurs au pied des stèles.  Persistant dans la reconduction de ce genre de cérémonies, l’on ne fera que priver les nouvelles générations de l’évocation de l’histoire de leur pays. Or, l’insignifiance avec laquelle elle est cycliquement évoquée risque de faire de la fête de la Victoire une singularité algérienne. Celle d’un peuple qui aurait honte de fêter ses propres victoires !! 
B. H.

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