Placeholder

Rubrique Lettre de province

UGTA : de l’éviction de Sidi-Saïd à l’émergence de son sosie

On les pensait en voie de disparition avec l’arrivée aux commandes d’un autre régime. Les mœurs de la flatterie sont pourtant toujours de rigueur malgré tant de destitutions dont celle du courtisan Sidi-Saïd. Il est certes difficile de s’émanciper aussi vite des vieilles servitudes héritées des prédécesseurs mais encore faut-il que l’on s’exprime avec plus de dignité au sujet de l’avenir de l’UGTA tout en gardant suffisamment de distance avec les interlocuteurs du pouvoir. 
Ce ne fut pas le cas, semble-t-il, de la posture qu’a empruntée le nouveau patron de cette organisation en pleine faillite. Préférant consacrer le laïus traditionnel du 24 Février aux éloges dédiés au pouvoir, monsieur Labatcha ne sut évoquer aucune question relative aux perspectives que ses pairs et lui devaient concrétiser afin de restaurer une notoriété syndicale laminée au fil des vingt dernières années. En décidant de taire les comportements sentant le soufre des connivences contraires aux traditions ouvriéristes, le nouveau secrétaire général ne se doutait pas que son silence risquait de lui valoir quelques déconvenues de la part de ceux qui, à ce jour, reprochent à la mise en scène du conclave de juin dernier d’être en contradiction avec les statuts de la « Centrale ». Car, après avoir épuisé la totalité des artifices ayant permis aux instances de tailler sur mesure des assises toujours « fermées », la direction de l’UGTA inventera un vrai-faux congrès le 19 juin 2019 dans l’unique but d’affranchir de tout bilan le soldat Sidi-Saïd et l’immuniser contre de possibles poursuites. Lâchée désormais de toutes parts, l’UGTA se retrouve, à présent, à la peine face à la multiplication des mouvements sociaux qui la prennent pour cible. C’est dire que le changement de direction ne fut d’aucun effet quant aux jugements que lui vouent les réseaux du syndicalisme. Avec ou sans Sidi-Saïd, le malaise interne est demeuré aussi prégnant dans l’esprit des rares syndiqués qui lui demeurèrent fidèles. Rongées par la succession des accusations émanant des « autonomes », la plupart des « unions », qui étaient précisément la fierté et la force de mobilisation de l’UGTA d’une autre époque, furent contraintes de mentir sur les taux de syndicalisation et cela à la suite d’infâmes directives.
À ce sujet, l’on se souvient qu’à la veille de la quatrième reconduction de Sidi-Saïd, celui-ci fut au centre d’une contestation orchestrée par la majorité des congressistes. Violemment taxé par ses pairs de la CEN de « pantin aux ordres » coupable de la désertification syndicale, il ne parviendra à garder son fauteuil qu’à la suite des pressions venant du palais. De tergiversations en compromissions, l’insatiable ponte, qui succéda par défaut à Benhamouda après son assassinat, a fini par mériter la totalité des sarcasmes qui l’ont poursuivi tout au long de sa carrière. Or, si le contexte révolutionnaire alimenté par le Hirak demeure le carburant approprié pour procéder à de véritables épurations, celles qui auraient dû concerner l’UGTA devaient-elles épargner les « oligarques » syndicaux tout en sacrifiant le mouton noir ? Sûrement pas. D’autant plus quand on sait que c’est de la doctrine même du syndicalisme qu’il s’agit, laquelle fut altérée sciemment dans le dessein de faciliter la transition vers le libéralisme économique. Au lieu d’aller à l’essentiel de la crise en révoquant l’ensemble de la caste dirigeante, la base syndicale de l’UGTA fut une nouvelle fois piégée par le scénario qui ne « sacrifia » que celui qui désirait partir comme un voleur ! Aussi, la dernière procédure était peu convaincante surtout lorsqu’elle préconise l’assainissement, mais en épargnant exclusivement ceux qui ont tenu ce faux discours. En effet, au lieu d’assumer dignement leur échec collectif à l’origine de la disqualification notoire de l’UGTA, ils se dédouanèrent au soir d’un « concile » de 131 membres qui conclura leur conciliabule en prétendant avoir mis de l’ordre dans une « nouvelle » UGTA. C’est de la sorte que fut justifiée cette solution de l’urgence qui, à ce jour, prêche pour la primauté de ce sigle en affirmant qu’il ne peut y avoir de syndicalisme algérien sans la contribution régulatrice de l’UGTA et seulement « elle ».
Tout cela n’est évidemment pas sérieux aussi longtemps que les arguments restent vagues et surtout manquent de preuves chiffrées. Peu importe que la nouvelle direction manipule à son avantage les taux de syndicalisation, il n’en demeurera pas moins que la photographie panoramique du monde syndical donne à voir et à apprécier une sacrée différence de rayonnement entre elle et les courants autonomes. Sept mois après la fameuse opération de survie, la CEN rénovée observe la même discrétion dénotant un embarras certain que même son SG vient de confirmer lors de sa première apparition officielle.
Toujours absents du terrain et « bunkérisés » dans les permanences des provinces, les syndiqués de base préfèrent eux aussi l’expectative aux épreuves des débats publics. Ainsi, la tentation de la nouvelle direction de conserver les bons rapports noués par son « ex » avec le palais a été clairement soulignée par Labatcha, le secrétaire général.
Aspirée d’abord puis broyée par les injonctions de plus en plus compromettantes, la maison du 1er-Mai a cessé d’être ce pourquoi elle avait été instituée 64 années plus tôt. Confinée dans les besognes peu gratifiantes de vigie traquant les velléités de débrayage, elle devint une sorte d’« antésyndicalisme » : c’est-à-dire l’ennemi structurel du syndicalisme sous toutes ses formes. Comme quoi l’UGTA ne sert plus à rien sinon à dérouler les tapis rouges des cérémonies du 24 Février.
B. H.

Placeholder

Multimédia

Plus

Placeholder