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Rubrique Lettre de province

Un gouvernement de la chefferie à la primature

Entre la dénomination de « Premier ministre » et celle de « chef du gouvernement » l’on a toujours pensé qu’il n’existait que des nuances sans importance même lorsqu’on examine au plus près les deux facettes de l’exercice. Cependant, dans la réalité, rappellent les politologues, cette distinction entre les deux titres concerne tout de même le cadrage des prérogatives affectées à chacune des deux fonctions. Mais alors si les champs d’intervention diffèrent ne serait-ce que d’un iota, leurs relations avec le palais risquent, elles aussi, de n’être pas identiques. C’est dire qu’il suffirait au chef de l’Etat de changer la labellisation de la fonction pour que celle-ci devienne, soit influente au sein du pouvoir exécutif, ou, au contraire, sera confinée dans de besogneuses tâches administratives à la marge du centre nerveux de la décision, là où se conceptualisent les programmes de la gouvernance. C’est, par conséquent, à partir d’une vraie-fausse équivalence dans les titres que l’on a fourni au président de la République l’opportunité de jouer sur le registre du rayonnement de celui qu’il allait nommer. 
Tout à fait libre d’interpréter cette confusion sémantique, il advint que Bouteflika en avait fait même un recours pour rabaisser l’exercice en l’abrogeant de la Constitution à partir de novembre 2009. Sans doute que Monsieur Tebboune, en sa qualité de chef d’Etat, voulait tout de même relever le standing de son Premier ministre en élargissant ses prérogatives et cela grâce à la décision prise lors du dernier Conseil des ministres. Transférant le pouvoir de nomination des cadres de l’Etat à la primature, il ne manqua pas de souligner tout de même que cela doit se faire dans « le respect des dispositions constitutionnelles ». 
Quelque part donc, le Président vient d’esquisser en pointillé le souhait que la révision constitutionnelle redéfinisse de nouveau les rôles et les fonctions du pouvoir exécutif et qu’elle fasse de la gouvernance de l’Etat le pôle primordial susceptible de conduire à l’alternance dans la gestion publique selon la volonté des urnes législatives. Il y a donc là des prémices d’un changement futur de la gouvernance mais qui a déjà fait de Monsieur Djerad un superministre à mi-chemin entre la primature et la chefferie. Mais alors pour quelle raison les précédents dirigeants à qui la Constitution de 1996 avait imposé l’existence d’un cabinet ministériel conduit par le second personnage de l’exécutif avaient-ils pris en grippe la fameuse chefferie jusqu’à la précariser en la qualifiant avec ironie qu’elle n’est que le fusible du palais ? Serait-ce donc l’inaptitude despotique de respecter les codes de la démocratie qui fit qu’un Bouteflika, entre autres, ait pu transgresser les interdits constitutionnels balisant son magistère ? Balayant sans précaution cette instance intermédiaire de l’exécutif, il parvint jusqu’à la réduire à une conciergerie d’El-Mouradia. Certes, l’inclination délictueuse de ce Président avait des antécédents et des prédécesseurs car elle n’avait été, sous l’ère Bouteflika, que la résultante d’un système politique déjà foireux. 
En effet, de l’héritage d’une culture politique aux antipodes de la doctrine préconisée au lendemain du 5 Octobre 1988, il en résulta un glacis de la vie politique qui, à lui seul, témoignait en permanence de la détérioration générale des mécanismes institutionnels de l’Etat. De la mise au pas de l’ensemble des centres de décision de la Nation (Parlement, justice, Conseil constitutionnel et même la hiérarchie militaire), le pouvoir exécutif en retira un profit incalculable : celui de l’impunité. De ce diktat émanant d’une autocratie maquillée en République, l’on manipula les suffrages pour parapher les reconductions. Pis encore, entre 1999 et 2017, le locataire d’El-Mouradia changera par huit fois de Premier ministre et remaniera une douzaine de fois de gouvernements sans jamais ressentir la nécessité ou le devoir de s’en expliquer auprès de l’opinion. 
Au cours du lent démantèlement de l’appareil d’Etat, l’intendance fut littéralement cédée au lobby des affaires. Il est vrai que des péripéties de mauvais goût liées à cette mutation de ministres en VRP ont été souvent détournées sous forme de gags sur les réseaux sociaux. C’est dire que les dérapages de la supposée classe dirigeante ont souvent fait l’objet des commentaires dans les cafés de commerce. Une pitoyable allégeance de ceux qui devinrent les collaborateurs attitrés du régime mais qu’on limogea chaque fois que le palais estima que son omnipotence était contestée. Une tradition qui ne date certes pas des dernières mandatures sauf que c’est à cette époque que l’on transforma le caractère exceptionnel d’une crise en méthode banale de divorce d’avec les plus proches subordonnés. 
En effet, après la lointaine polémique qui opposa Chadli, alors président de la République, à Kasdi Merbah, devenu son chef de gouvernement en 1989, il a fallu attendre l’arrivée de Bouteflika pour redécouvrir à nouveau cette forme de révocation directe ou de démission imposée. 
Une décennie après le coup de sang de Kasdi Merbah, poussé vers la sortie, l’on découvre cette fois un Benbitour mal à l’aise face aux injonctions des cabinets noirs qui, après avoir altéré son autorité, le contraignirent à quitter son poste afin de n’avoir pas à subir les discourtoises humeurs de Bouteflika. A leur tour, Benflis et Ouyahia connurent le même sort et pour le même motif, celui d’être soupçonnés de nourrir des ambitions personnelles ! Cela dit, si les incessantes purges s’expliquaient parfois de la sorte lorsqu’il s’était agi justement de ces deux personnalités qui lui furent longtemps fidèles, il n’en fut pas de même d’un Tebboune blanchi sous le harnais de quatre ministères et que l’on « dégomma » à la suite d’un complot orchestré par des lobbies. 
En définitive, cette dualité entre le palais et la chefferie n’est que la conséquence de la persistance d’un régime présidentiel qui n’a jamais fait sa mise à jour. A l’heure des grandes ruptures inspirées et imposées par le mouvement du 22 février, il ne reste à présent que la refondation de l’Etat pour faire table rase des vieilles obsessions doctrinales de toute une génération. Or, investir dans le projet d’une Constitution ne doit surtout pas signifier « rénover l’ancienne ». Comme il se dit trivialement, l’on a plus le droit de faire du neuf avec du vieux.
B. H.

 

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