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Union européenne Le cynisme met fin au sauvetage humanitaire en Méditerranée

De notre correspondante à Rome, Aïcha Abdesslem
Les responsables européens ont décidé d’abandonner l’humanitaire au profit du militaire. La mission Sophia n’a pas été reconduite et il ne sera donc plus question de sauver des vies en Méditerranée ,mais uniquement de traquer les ventes illégales d’armes à la Libye.
«L’Union européenne est maintenant engagée dans une mission navale, aérienne et même terrestre pour bloquer l’entrée des armes en Libye. Ce qui signifie permettre la stabilisation. Si les armes n’arrivent pas, les protagonistes ne vont pas se combattre», a précisé le chef de la diplomatie italienne, Luigi Di Maio, à l’issue du Conseil européen pour les affaires étrangères sur la Libye des 27 ministres des Affaires étrangères européens, qui s’est déroulé le 17 février courant. 
Le haut représentant pour l’Union européenne, Josep Borell, avait annoncé, avant le début de la réunion, la «mort» de cette mission sans toutefois pronostiquer le consensus de tous les participants autour de cette décision. Chose inimaginable, jusqu’à il y a quelques mois. Il faut croire que le cynisme a gagné tous les gouvernements de l’UE qui a brisé le tabou du sauvetage des vies comme priorité, pour lui préférer le militaire et la sécurité. 
Rappelons que la mission Eunavfor MED, plus simplement connue comme mission Sophia du nom d’une petite fille somalienne née sur un navire allemand en août 2015, a ,depuis sa création, permis des opérations en Méditerranée qui ont sauvé plus de 400 000 personnes, de saisir 303 embarcations dont se servaient les contrebandiers de réfugiés et d’arrêter 89 passeurs et trafiquants présumés par les autorités italiennes. Un demi-million de rescapés sauvés en moins de 5 ans. 
Les prochains naufragés, qui ne manqueront pas de risquer leurs vies pour atteindre les côtes européennes, n’auront pas cette chance. 
«On a mis sur pied une mission pour faire respecter l’embargo. La Mission Sophia n’existe plus», s’est voulu encore plus catégorique Di Maio.
La mise à mort de la mission humanitaire dont l’Italie avait le commandement, et dont le siège se trouvait à Rome, ne semble pas chagriner le chef de la diplomatie italienne, ancien allié du leader de la Ligue Matteo Salvini, qui était un ennemi juré de ce dispositif européen qui avait sauvé plusieurs vies en mer. Mais plus que De Maio, ce sont les responsables allemands et autrichiens qui ont toujours ramé à contre-courant  dans le cadre de cette mission.
Et si le non-renouvellement de cette mission semble satisfaire tout le monde au sein de l’UE, il faudrait attendre pour voir par quel instrument elle sera remplacée et si les Européens seront capables de mettre en place, de manière conjointe et coordonnée, une autre stratégie militaire dans le but de contrôler l’embargo sur les armes à destination de la Libye. Du moins officiellement, vu que l’acheminement de matériel belliqueux vers le pays nord-africain n’a jamais cessé depuis la chute provoquée du régime de Guedafi.
Avant l’expiration officielle de la mission Sophia, le 20 mars prochain, le ministre autrichien des Affaires étrangères Alexander Schallenberg se veut clair : «Il faudrait une opération qui puisse faire effectivement ce qu’il faut : c’est-à-dire contrôler l’embargo sur les armes. On pourra alors discuter de tout mais pas à proximité des côtes libyennes. La Mission Sophia ne sera pas reconduite.»
Son homologue italien renchérit la dose : «La route tracée aujourd’hui à Bruxelles est la juste. La décision d’aller outre la Mission Sophia avec une nouvelle mission via terre, mer et ciel est un signal très fort qui contraste avec un scepticisme initial de certains pays vite démenti : le document final a été signé à l’unanimité. Et je suis très content de cela, vu que l’Italie a beaucoup fait pour réaliser ce pas.»   
A. A.
 

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