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De quoi Mahrez est-il le ballon ?

Des noms et des lieux, aurait dit l’illustre penseur et nationaliste algérien Mostefa Lacheraf. Riyad Mahrez, l’étoile scintillante au firmament de Manchester City, est un nom à résonance planétaire et une stratification de lieux qui dessinent son singulier parcours de footballeur atypique. Une trajectoire résumée également par une suite de chiffres lumineux qui dessinent une carrière hors normes. Une trajectoire décennale qui a vu l’enfant d’une banlieue parisienne pauvre et tourmentée briller de mille feux au sommet du football anglais. 
Pour paraphraser « De quoi Sarkozy est-il le nom ? », célèbre pamphlet du philosophe marxiste-léniniste Alain Badiou, on dira alors mais de quoi le faiseur de bonheur de Manchester City est-il le ballon ? À la veille de jouer sa première finale de Champions League avec son club qui la dispute pour la première fois de son histoire, et grâce à lui à bien des égards, Riyad Mahrez est déjà un blaze de renommée universelle. Samedi, en fin de soirée, à l’Estadio do Dragâo de Porto, il pourrait entrer dans la légende. Celle de l’enfant de Sarcelles et d’un couple algéro-marocain en passe de gagner une Coupe d’Europe des clubs champions. Le joueur décisif, qui a propulsé les Skyblues en finale contre Chelsea, est certes un binational franco-algérien. Mais il est algérien par les racines paternelles, et surtout parce qu’il a choisi les couleurs du pays ancestral au moment même où sa légitimité sportive pouvait lui assurer l’accès aux doubles champions du monde, les Bleus de Didier Deschamps. Français de naissance, mais algérien par les racines et l’adhésion patriotique, c’est sûr !  
En fait, de quoi Riyad Mahrez est-il le patronyme ? Par le nom et le prénom, l’attaquant racé, qui jouait au neuvième rang (Quimper) et au deuxième niveau (Le Havre) du foot français, avant de jouer au second et au premier étage du prestigieux football anglais, semblait être prédestiné à arpenter les sentiers de la gloire. L’étymologie arabe du nom Mahrez, qui est aussi un prénom au Maghreb, est en effet édifiante : le porteur de ce nom est une personnalité ambitieuse vouée au succès, un bienfaiteur et un refuge pour les autres. Le prénom Riyad évoque les vertes prairies, les jardins fleuris, bref l’éden sur terre. La pelouse que foulera Riyad Mahrez samedi soir, avec les crampons de ses Nike Mercurial Superfly VIII Elite, n’est-elle pas justement aux couleurs du paradis ? Dans son cas propre, une patronymie de prédestination qui est un signe de bon augure !
On le voit bien, Riyad Mahrez est un footballeur hors normes. Un joueur zen au cœur des tensions inhérentes aux matchs à grands enjeux. Un homme sage et pondéré qui sait d’autre part trouver la formule idoine pour répondre à ceux qui inoculent la xénophobie et la haine dans le football en France. Après la demi-finale victorieuse contre le Nigeria en CAN 2019, la superstar des Fennecs a en effet subtilement répondu à un conseiller régional d'extrême-droite, qui avait posté sur Twitter ce message hostile à l’EN d’Algérie : « Pour empêcher la poursuite des violences et des pillages, pour éviter la marée de drapeaux algériens, pour préserver notre fête nationale, n'attendez rien de Castaner. Faites confiance aux 11 joueurs nigérians. » Moins de deux heures après la victoire des Verts, Mahrez dessinait côte à côte les drapeaux français et algérien à la fin d'un second message : « Le foot est supérieur à la haine. »
De junior au club français de Sarcelles (division régionale du foot amateur) à joueur indispensable de Manchester City, sixième dans le Top 20 des clubs les plus riches du monde (549,2 millions d’euros en 2020-2021), Riyad Mahrez aura eu un parcours de footballeur cabossé loin des lignes toute tracées des centres de formation. La chance, sous forme d’un essai dans un club d’une dimension supérieure à celle de Sarcelles, quoique modeste en soi, est venue en 2009, tardivement. Et c’est Riyad Mahrez qui le raconte lui-même dans L’Equipe : « Quand Quimper m'a proposé un essai, j'avais 18 ans. Le billet de train coûtait 160 euros. J'avais dit à ma mère : T'inquiète, je vais te les rendre, je vais percer. » Neuf ans après cette phrase prémonitoire, Manchester City signe un chèque de 68 millions d'euros pour recruter le minot de Sarcelles. Une grande vedette qui perçoit en 2021 quelque 10 millions de livres par an (11,5 millions d’euros) ! 
S'il a débuté en professionnel au Havre, c'est en sélection nationale algérienne qu’il a d’abord brillé, notamment en Coupe du monde, bien avant d’exploser aux yeux de la planète foot en Angleterre. Alors qu'il rêvait de l'OM dont il reste fan à ce jour, le Sarcellois est dubitatif à l’instant de rejoindre Leicester, en 2014. « Leicester, je croyais que c'était un club de rugby », avouait le futur champion d’Angleterre, dans une interview au site FourFourTwo. Qui aurait pu imaginer une seule seconde que Riyad Mahrez serait élu meilleur joueur de Premier League en 2016 (17 buts, 11 passes décisives) ? Avec l'Anglais Jamie Vardy, il formait un duo infernal qui a épaté la Grande-Bretagne. Dirigé par le druide italien Claudio Ranieri, Leicester remporte alors son seul et unique titre de champion d'Angleterre. Cette année-là, le maître à jouer des Foxes empile les récompenses individuelles et tutoie les cieux.
Premier Africain à recevoir le prix de meilleur joueur du championnat anglais, Mahrez est logiquement élu joueur africain de l'année. Il se classe également 7e du Ballon d'or, derrière Ronaldo, Messi, Suarez, Neymar et Bale ! Que du super lourd devant lui ! Et il a déjà gagné tous les titres possibles en Angleterre avec Manchester City : Championnat, Cup et League Cup. Dans la foulée de ce palmarès exceptionnel, le stratège des Fennecs réussit une splendide CAN : 3 buts, et surtout ce coup franc décisif – enroulé pied droit – à la 95e minute de la demi-finale, qui permettra à l'Algérie de remporter sa première Coupe d'Afrique depuis 29 ans. 
Riyad Mahrez, qui s’est vite imposé dans un des championnats les plus prestigieux au monde, côtoie à Manchester City, outre le druide Pep Guardiola, des joueurs de haut standing et de diverses nationalités, par exemple, anglaise, brésilienne, portugaise, néerlandaise, ukrainienne, française, allemande, espagnole, belge et argentine. Sans oublier des adversaires de gros calibre. Ce qui lui a donné la culture de la gagne au plus haut niveau professionnel. 
Manchester City, c’est bien une équipe internationale et son objectif est de s’imposer au niveau européen. Mahrez est bien un ténor du championnat anglais et un cador du football international qui aura, samedi soir, en toute probabilité, un argument supplémentaire mais de taille pour prétendre au Ballon d’or : remporter sa première Champions League après les titres de champion et de détenteur de la Coupe de la Ligue en Angleterre. Grâce notamment à la magie de son pied gauche et à sa baraka patronymique ! 
N. K. 

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