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«Moitié de la raison et de la religion» et pas encore la moitié de l’homme !

Voila une nouvelle qu’elle est bonne, comme aurait dit l’autre ! Dans un récent rapport de l’Unesco intitulé «la Course contre la montre pour un développement intelligent», l’organisation onusienne classe l’Algérie au premier rang des pays ayant enregistré le plus fort taux de femmes ingénieures au monde ! C’est réjouissant, et il n’y a pas lieu de bouder notre plaisir en sachant ainsi qu’Algérien ne rime pas avec rien ! Cependant, si on doit pavoiser, on doit quand même relativiser la chose, parce qu’en Algérie, comme ailleurs d’ailleurs, la femme n'est pas encore tout à fait le devenir de l’homme, encore moins son avenir technologique ou politique. Car elle se bat encore, lutte tout le temps pour arracher plus de droits et occuper le haut du pavé en politique et dans l’économie, entre autres espaces. 
Si les femmes ne sont pas toujours reines, elles sont parfois chefs d'Etats riches, puissants et développés. Ou même prix Nobel de la paix. Ailleurs, en politique, nonobstant le nombre et l'importance des postes, les femmes de pouvoir n'ont plus rien à envier aux champions parmi les hommes. Elles leur sont parfois supérieures en termes d'intelligence, d'audace et d'intégrité politique. Cette vérité est cependant celle de l'exception féminine qui confirme la règle de domination masculine. En Algérie, si elles sont parfois ministres, chefs d’entreprises ou générales de l’ANP, en politique, précisément en matière de représentation, elles ne sont en proportion que 20% de l'homme sur les bancs du Parlement. Et il se trouve encore de nos jours de très nombreux machos rétrogrades qui pensent qu’il existerait chez les Algériennes une profonde aversion pour la politique et, a contrario, une vocation éternelle pour la serpillière, la vaisselle et les couches-bébés ! 
La femme est la moitié de l'homme, elle est même son avenir, chantait le poète. Mère, le paradis est alors sous ses pieds, comme l'affirme le Prophète (QSSL), même si Eve, la mère suprême, en aurait chassé Adam comme un vulgaire croqueur de pomme. Est-ce pour lui avoir fait quitter l'Eden que l'homme le lui fait payer cher en la reléguant depuis au statut de moins que la moitié ? Même pas la moitié de la moitié, surtout chez ceux qui croient justement que le Paradis est sous les pieds maternels. Alors, pour se donner bonne conscience à moindre frais, l'homme fête la femme chaque 8 mars en souvenir des luttes des suffragettes et des ouvrières occidentales. Magnanime, il leur accorde même une demi-journée de récréation pour leur faire oublier sans doute des millénaires de férule patriarcale. 
Sous toutes les latitudes, les femmes ont un statut d'infériorité qui varie d’un pays à un autre. Ce qui est notamment valable pour les sociétés les plus évoluées où l'égalité et la parité demeurent cependant un combat quotidien des femmes et de rares hommes féministes. Comme en France par exemple, où, à compétences égales et même supérieures, les femmes sont moins bien payées, y compris dans le privé. Ce qui n'est, en revanche, pas le cas en terre d'islam algérienne où l'égalité salariale est inscrite dans le marbre du droit positif. Il se trouve même que dans ce pays de paradoxes, sa vaillante armée compte depuis 2009 une bonne brochette de femmes-généraux. Issues essentiellement du secteur de la santé et de l'administration, il faut le souligner en guise de relativisation. Mais peut-être qu'on en trouverait un jour dans les unités et les postes de planification et de commandement opérationnels ? L'espoir est donc permis avec une ANP qui a compté des pilotes de chasse féminins bien avant l'aviation française qui n'a disposé de ses premiers équipages féminins qu'en 1978, et encore à bord de Transall de transport. C'était il y a donc quarante-deux ans et l'Algérie était alors socialiste et boumédiéniste. 
Il est rassurant de savoir par ailleurs que la magistrature et l'éducation sont largement féminisées dans l'Algérie de 2021. Réjouissant d'apprendre également que la police compterait 30% de policières même si les statistiques ne disent pas s'il y a une forte proportion de commissaires et dans les postes de décision. Les temps changent sous la casquette et la robe des magistrats et des avocats, sur les estrades des écoles, dans les amphis universitaires et dans les rédactions des journaux. Il en est de même dans le monde machiste des entreprises où des managers en tailleur, innovantes et audacieuses, créent des emplois et de la valeur ajoutée. Dans une société conservatrice et phallocratique, des filles d'Eve ont donc décidé de savoir et surtout de vouloir entreprendre. En somme, créer leur propre paradis, avec ou sans Adam. Donc, chapeau bas à certaines de ces patronnes qui ont créé un jour la «Sève», acronyme de leur association où l'on retrouve aussi Eve, comme un clin d'œil à l'immémorial procès fait à Eve, la première femme à avoir licencié un homme en le chassant du Paradis. 
Ce tableau aurait été toutefois presque idyllique si le code de la famille, amendé en 2005, ne maintenait pas encore l'Algérienne sous tutorat masculin. Son mari, son père, son frère ou même son oncle, tous habilités par la loi à décider de son bonheur à sa place. Statut qui la somme de demeurer en permanence dans la «maison de l'obéissance», tout générale ou cheffe d'entreprise à poigne qu'elle puisse être. Statut toujours infériorisant pour les Algériennes, en dépit des avancées enregistrées par rapport au code restrictif de 1984. Même amendé, ce code est quelque peu en retrait comparativement au statut personnel tunisien, et même par rapport à la Moudawana marocaine qui a supprimé la tutelle matrimoniale et instauré la coresponsabilité des conjoints. Alors Messieurs les hommes, surtout vous qui avez le pouvoir de légiférer, un peu plus d'effort pour que nos femmes deviennent nos moitiés. A parts égales. Au moins dans les textes. Le reste est une affaire de combat inlassable au sein de la société. 
N. K.

 

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