Lakhdar Brahimi a déclaré : « Le changement doit se faire dans un cadre organisé .» Ya waldi ! Comment te l’expliquer ? Dois-je te faire un dessin ? Quand comprendras-tu que nous ne voulons plus entendre parler de…
… CADRES ?!
Je nage dans l’amour ! Des fois, j’ai même l’impression étrange que je vais me noyer dans l’amour, tellement il me submerge. C’est que c’est un flot ininterrompu d’amour depuis quelques heures. « Echaâb El Adhim ! » Le peuple immense ! « Il faut écouter le peuple ! ». « Le peuple a montré un degré de maturation qui en a bouché un coin à la planète entière ! ». Et toute une série d’autres envolées lyrico-dithyrambiques qui me soufflent. Bon, je remarque bien que la plupart de ces fleurs et de ces déclarations d’amour proviennent de gens qui, il y a un mois à peine, me promettaient la castagne dans la « rue maîtrisée », qui m’avertissaient du feu de Dieu et des armées si j’osais poser le bout du bout de mon orteil en dehors de chez moi et qui me traçaient à longueur de communiqués ennuyants des lignes rouges interdites au franchissement. Mais bon ! Ne soyons pas tatillons, ronchonnards ou revanchards ! Montrons-nous stoïques en amour, que diable ! Acceptons ces bouquets de roses que l’on nous jette aussi violemment au visage. Découvrons-nous en grand peuple, alors que les laudateurs d’aujourd’hui nous décrivaient hier comme une peuplade sale, fainéante, braillarde et incapable de comprendre le génie de ses dirigeants. Moi, en tout cas, j’essaie ! « Hakim Lemdeg’less » fait des efforts sur lui-même pour s’accepter dans ce nouveau rôle de citoyen modèle, qui débarrasse lorsqu’il a terminé de manifester, qui sait rire, chanter et danser lorsqu’il dénonce, qui embrasse goulument les appareils répressifs de l’Etat sans regarder à la dépense mémorielle et qui trace à traits fermes les contours d’une Dézédie nouvelle. D’ailleurs, dès ce vendredi, je vais donner des gages de ma gratitude débordante. Je vais accueillir comme il se doit, « Âla El Kif » ceux dont on me dit qu’ils vont venir manifester avec moi et qui, au mois de février, la première semaine de février plus précisément, avaient placé des herses devant ma bouche et des muselières dans ma tête ! Ou l’inverse ! Je fume du thé et je reste éveillé, le cauchemar continue.
H. L.
