Placeholder

Rubrique Reportage

C’est là que naissent les satellites algériens Au cœur du CDS

De notre envoyé spécial à Oran, Maâmar Farah
C'est par une journée brumeuse et froide d'un printemps égaré que nous avons franchi les portes du Centre de développement des satellites d'Oran. Située dans le quartier de Bir-el-Djir, près d'autres infrastructures dédiées à la science et au savoir, cette belle réalisation aux lignes modernes et épurées a été édifiée dans le cadre du plan spatial national 2000/2020.

Une fois à l'intérieur, on est impressionné par l'immensité du hall qui donne sur les divers départements du CDS, avec un plafond surélevé et un balcon parcourant l’étage. Une maquette du satellite Alsat 2 trône fièrement en face du portail d'entrée, comme pour souhaiter la bienvenue aux visiteurs. Alsat 2 est un satellite entièrement monté dans les locaux du CDS. Nous sommes accueillis par M. Kemmache, directeur du centre, qui nous présente ses proches collaborateurs, une équipe d'ingénieurs qui étonne par sa jeunesse et sa vitalité.
Le CDS a pour mission essentielle de  réaliser des satellites en Algérie, dans des espaces spécialement aménagés et équipés pour mener à bien cette tâche ô combien complexe. La première expérience a été un succès total. Elle a permis le montage des satellites Alsat 2 dont les composants ont été livrés par une entreprise partenaire étrangère. Mais l'objectif reste la réalisation à 100 pour cent de satellites algériens grâce à une armada d'ingénieurs et d'experts ayant reçu une solide formation dans différents sites étrangers. 

Une constellation de satellites algériens
L'une des pièces maîtresses de ce centre est l'unique salle blanche spatiale pour satellites du nord de l’Afrique dont nous évoquerons les caractéristiques plus loin. Ce centre dispose également d'un bâtiment réservé aux expériences d'environnement permettant des intégrations et des essais sur des satellites pesant jusqu'à 1 000 kg. Le Centre a coûté environ 76 millions de dinars. Les composants d'Alsat 2B ont été acquis auprès du consortium britannique SSTL (Surrey Satellite Technology Ltd.). Entièrement intégré à Oran, ce satellite est destiné à l’observation de la Terre à moyenne résolution. Sa réalisation a mobilisé une équipe de 18 ingénieurs algériens formés chez SSTL et qui ont rejoint le pays pour investir les nouvelles installations d'assemblage, intégration et tests (AIT) et entamer le travail. Il est à rappeler que le protocole d'accord liant SSTL à l'ASAL avait déjà permis la fourniture du satellite Alsat 1A, lancé en novembre 2002 dans le cadre de la constellation internationale de gestion des catastrophes DMC (Disaster Monitoring Constellation). Ce premier satellite algérien a été rejoint en 2003 et 2005 par quatre satellites similaires financés par le Nigeria, le Royaume-Uni, la Turquie et la Chine. Exploité par le Centre national des techniques spatiales (CNTS), Alsat 1A a permis à l'Algérie de faire ses premières armes en observation, que ce soit pour la gestion de ses ressources naturelles, le suivi des feux de forêt ou celui des essaims de criquets.

Des résolutions de plus en plus puissantes
Basé sur la même plateforme de microsatellite SSTL-100 qu'Alsat 1A, Alsat 1B est doté d'une caméra capable de fournir des images avec une résolution de 12 m en panchromatique et 24 m en multispectral (contre 32 m pour Alsat 1A). L'Asal exploite aussi en parallèle le satellite d'observation à haute résolution Alsat 2A, construit par Airbus DS sur la base d'une plateforme Astrosat 100 (Myriade) et lancé en juillet 2010. Il dispose d'une caméra Naomi de 2,5 m de résolution en panchromatique et 10 m en multispectral. 
Que dire de ces opérations d’intégration et de construction  de satellites ? Il faut savoir que tout se passe dans une salle spéciale plus propre qu’une salle d’opérations chirurgicales et dont l’air a été filtré par de puissants et complexes engins. Le montage d’un satellite doit être en effet réalisé dans un environnement exceptionnellement pur car les poussières risquent d'altérer prématurément certains éléments électroniques ou optiques dont le dépannage en orbite est extrêmement coûteux, voire impossible. Les constructeurs se sont donc dotés de salles dites «blanches » où les particules en suspension dans l'air sont traquées comme de redoutables ennemis. Cette guerre aux poussières de toutes sortes permet ainsi d'éviter des dégradations qui peuvent présenter plus tard des risques majeurs comme le blocage des mécanismes dû à la présence de particules, la dégradation des surfaces et performances thermo-optiques, la corrosion des contacts électriques dues au dégazage des matériaux et les imprécisions de positionnement du satellite dues à la présence de particules dans le champ des senseurs stellaires.

Dans le ventre de la «salle blanche»
Nous avons visité la salle blanche du centre oranais et nous avons été impressionnés par les mesures prises pour y maintenir une propreté intégrale. Le degré d'assainissement de l'ambiance atmosphérique est extrême. On entre d’abord dans une salle de dépollution où l’on échange ses chaussures contre des chaussons spéciaux et l’on enfile une combinaison blanche semblable à celle que nous voyons ces derniers temps dans les services Covid-19 des hôpitaux. Le maquillage et les parfums sont prohibés et obligation est faite pour les ingénieurs de prendre une douche d’air. Selon les explications de M. Kemmache, «toutes les précautions doivent être prises pour ne pas polluer l’atmosphère de cette salle car les plus petites particules, invisibles à l’œil nu, peuvent altérer le fonctionnement en orbite des miroirs ou du système sophistiqué des caméras».
Sur le toit du bâtiment abritant la salle blanche, on peut voir d’immenses installations de la taille d’un bus, semblables à de très grands climatiseurs. Le rôle de ces équipements est la ventilation de la salle qui est ainsi balayée par des flux d'air continus et parallèles, circulant à la vitesse constante de 0,45 mètre par seconde. Le volume d'air est filtré et recyclé 200 fois par heure en moyenne. A l'intérieur, les parois sont constituées de matériaux lisses mis à la terre pour éliminer les problèmes d'électricité statique risquant de retenir des poussières. Les interventions sur le matériel, une fois le satellite lancé, sont impossibles ce qui révèle l'importance donnée à la maîtrise de la contamination. 
Une fois le satellite mis sur pied, d’autres opérations tout aussi délicates commencent. La première est d’assurer son transport jusqu’au site de lancement. C’est une tâche extrêmement difficile car les conditions de transport doivent assurer le maximum de sécurité au satellite dont le matériel extra-sensible risque d’être affecté par la moindre secousse. 

Le précieux concours de l'industrie militaire
C’est pourquoi on utilise un conteneur spécial aux normes rigoureusement contrôlées. Le satellite doit résister à l'humidité, la pression, le choc thermique... Le conteneur utilisé pour le transport du satellite Alsat 2-A a été spécialement conçu par l’industrie militaire algérienne, ce qui a évité au pays le transfert de devises fortes vers l’étranger. Nous l’avons vu. Il n’a rien à envier aux produits des grandes places spatiales dans le monde. Il a rempli sa mission en abritant le satellite qui a été transporté par un avion Hercule-C des forces armées algériennes jusqu’au site de lancement en Inde. L’ingénieur qui a accompagné ce convoi exceptionnel raconte avec fierté ce voyage inoubliable. Ayant assisté au montage du satellite pièce par pièce, il avait l’impression d’accompagner son bébé qui était bien au chaud dans son habitacle spécial. «De la salle blanche jusqu'au site de lancement en Inde, je n'ai pas quitté le satellite. Conçu dans le ventre du CDS, c'était comme un bébé pour nous !»
Puis vint le lancement. L’Algérie ne disposant pas de structures de tir est dans l’obligation de louer des services étrangers sur des sites éloignés. Outre le transport du satellite par avion jusqu’à sa destination, il faut aussi veiller à assurer un transfert sans problèmes vers le pas de tir, l’intégration au sein de la coiffe qui lui est destinée dans la fusée, le lancement proprement dit, la mise en orbite et la gestion de bord. Les Algériens interviennent dans toutes les étapes. Le Centre d’Oran dispose d’une salle de suivi des satellites qui veille à leur bon fonctionnement, suit leurs orbites et apporte les corrections nécessaires en cas de difficultés. Un personnel jeune, sorti de l’Université d’Oran et ayant reçu des formations auprès des partenaires étrangers, suit avec attention le cheminement de nos satellites. Il a la capacité d’intervenir en cas de besoin et cela 24h sur 24. Nous terminons par la visite d’un laboratoire où s’amassent des créations originales réalisées par de jeunes ingénieurs comme ce «démagnétiseur» entièrement conçu et fabriqué localement ainsi que des maquettes de satellites de type nano qui sont une matière précieuse pour la formation des futurs cadres du spatial à l’USTO.

Vers le «NewSpace»
Et quand nous quittons l’endroit, après avoir parcouru toutes ses structures et discuté avec ses femmes et hommes, nous éprouvons une fierté particulière. C’est l’effet immédiat de ce que nous avons vu. Mais c’est aussi un sentiment qui nous a submergés quand nous avons discuté des projets futurs. Il est possible de réaliser les futurs satellites de télécommunications ici et non seulement ceux d’observation. Impossible, avons-nous dit. Nous faisions référence à la taille de ces gros engins de plusieurs dizaines de mètres et d’un poids considérable. Comment cette salle blanche aux dimensions modestes, faite pour les satellites d’observation de petite taille, peut-elle accueillir le chantier d’un satellite de télécommunications ? La réponse a été toute simple, elle a la forme d’une nouvelle question : avez-vous entendu parler du NewSpace et des microsatellites ? Toute la technologie spatiale est en train d'évoluer vers la nano. 
C'est l'ère du NewSpace qui commence. Et cela ouvre de nouvelles et belles perspectives aux pays qui n'ont pas de grandes infrastructures spatiales ni les moyens de réaliser de grandes fusées. A microsatellite, microfusées : c'est la voie d'un avenir à notre portée. Il faut y croire...
M. F.

Placeholder

Multimédia

Plus

Les + populaires de la semaine

(*) Période 7 derniers jours

  1. Air Algérie annonce la suspension de ses vols à destination de la Jordanie et du Liban

  2. Trafic de drogue Un réseau tombe à Oran

  3. Sfisef (Sidi-Bel-Abbès) Lumière sur l’assassinat des 3 taxieurs retrouvés enterrés dans une ferme

  4. KFC Algérie ferme deux jours après son ouverture

  5. CNR Les retraités appelés à utiliser la technique de reconnaissance faciale via "Takaoudi"

  6. Justice Trois individus placés en détention pour passation de marché suspect entre «Mobilis » et un consortium algéro-étranger

Placeholder