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Rubrique Retraite

Pénibilité et départ précoce à la retraite Toujours en attente du texte d’application depuis le 1er janvier 2017 !

Deux ans et 9 mois après la promulgation de la nouvelle loi sur la retraite, le texte d’application sur la prise en compte de la pénibilité au travail pour le départ précoce à la retraite n’est pas encore paru. C’est probablement scandaleux. Les pouvoirs publics n’ont même pas de justificatif sérieux pour expliquer ce trop long retard.

Sur le plan du code du travail, la pénibilité au travail est la reconnaissance des sollicitations physiques et/ou physiologiques que subit le salarié au cours de son activité professionnelle. Le ministère du Travail a pour mission de prévenir et réglementer l'exposition des salariés à certains facteurs de risques professionnels susceptibles de laisser des traces durables, voire irréversibles, sur leur santé.
Pour rappel, un communiqué du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale avait annoncé que le samedi 20 janvier 2018 serait installée «la commission chargée de proposer la liste des postes de travail présentant une haute pénibilité, la durée minimale passée dans ces postes et les âges minima de la pension de retraite correspondants», et ce, en présence du ministre de la Santé. Ce qui fut fait. Selon une dépêche de l’APS (Algérie Presse Service), une commission chargée de proposer la liste des postes de travail présentant une haute pénibilité avait été installée samedi 20 janvier 2018 à Alger, en vertu de la loi du 31 décembre 2016 relative à la retraite. Plus d’une année entière pour installer une
commission ! Le ministre du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale qui avait coprésidé avec le ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière la cérémonie d'installation de la commission, avait  affirmé que la commission sera chargée de proposer une liste de métiers à haute pénibilité, la durée minimale d'exposition à ces derniers et les conditions permettant l'abattement de départ à la retraite, conformément à la législation en vigueur.  
La commission est composée de représentants des ministères du Travail et de la Santé, de la Direction générale de la fonction publique et de l'Office national des statistiques (ONS), de professeurs de la médecine du travail, de chefs de services hospitalo-universitaires et d'experts désignés par la tutelle, avait précisé le ministre du Travail. Il s'agit d'une commission intersectorielle comprenant des experts qui a été chargée de mener «des travaux techniques et scientifiques et habilitée à consulter les secteurs concernés, les partenaires socioéconomiques et les syndicats des travailleurs et d'employeurs agréés».

A quand la prise en compte des droits de milliers de travailleurs exposés à toutes sortes de nuisances ?
Le ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière avait même affirmé qu'il veillera avec le ministre du Travail au suivi du travail de ladite commission et à une meilleure prise charge des préoccupations des travailleurs, ce qui confirme, selon lui, «l'engagement du gouvernement à traiter les différentes questions professionnelles dans un cadre de concertation avec les différents partenaires sociaux».  
Dans la dépêche de l’APS du 20 janvier 2018, il était indiqué que «la commission sera composée», ce qui suppose que ses membres n’avaient pas encore été désignés. Nous avions à l’époque, dans ces colonnes, émis le souhait que cette composante, une fois connue, soit rendue publique et qu’un arrêté ministériel — voire interministériel (le département de la Santé étant associé) — soit établi sur les missions et objectifs de cette commission et la liste nominative de ses membres. Là aussi, silence total des autorités publiques concernées. Par ailleurs, même si ce n’est pas dans les «traditions» du gouvernement algérien, il est tout à fait indiqué de fixer et de rendre publique une date butoir à la commission pour la remise de son rapport ou de ses recommandations. 
Le tout va dans le sens de l’information en direction du public et surtout des premiers concernés par cette question cruciale de la pénibilité. Toujours rien : des dizaines de milliers de futurs retraités continuent à être privés de leurs droits, notamment celui qui consiste à prendre en compte la pénibilité au travail pour faire avancer leur départ à la retraite. Pour rappel, voici ce que prévoit l’article 3 de la loi n° 16-15 du 31 décembre 2016 modifiant et complétant la loi n° 83-12 du 2 juillet 1983 relative à la retraite (parue au Journal officiel n°78 du 31 décembre 2016) : «Le (la) travailleur (se) occupant un poste de travail présentant une haute pénibilité peut bénéficier de la pension de retraite avant l’âge légal, après une durée minimale passée à ce poste. La liste des postes de travail et les âges correspondants ainsi que la durée minimale passée dans ces postes, visés à l’alinéa 1er ci-dessus, sont fixés par voie réglementaire.» 
Des dizaines de milliers de travailleurs sont toujours en attente de cette «voie réglementaire»…
Djilali Hadjadj

Pénibilité et considérations juridiques 
La situation des retraités n’est pas identique au regard de l’usure du capital santé. D’étroites relations lient l’activité professionnelle et l’état de santé en fin de vie active. À ce titre, et conformément à la conception rawlsienne de la justice sociale (*), toute inégalité est légitimée si elle est en faveur du groupe le plus défavorisé. De ce point de vue, une inégalité de traitement entre groupes sociaux est   «juste» si elle bénéficie aux groupes dont la pénibilité est la plus prononcée. Plusieurs propositions peuvent répondre à cette iniquité devant la retraite : différencier la durée de cotisation (et donc l’âge de la retraite), différencier le taux de remplacement, ou permettre aux catégories dont la pénibilité du travail est reconnue de partir plus tôt à la retraite. D’un point de vue juridique, de telles propositions posent des problèmes, en particulier devant l’égalité des traitements. 
Elles sont aux frontières du droit du travail (qui définit et régit les relations entre les employeurs et les salariés, et s’applique essentiellement au secteur privé), du droit de la Fonction publique (si on veut étendre les propositions aux fonctionnaires de l’Etat et des collectivités locales), du droit de la sécurité sociale (il intègre le volet vieillesse de la protection sociale) mais aussi du droit social en vigueur dans de nombreux pays disposant d’un système de protection sociale en bonne et due forme. Concrètement, la discrimination positive par la pénibilité donnerait un accès précoce aux droits à la retraite (et non à des préretraites comme c’est le cas) à certaines catégories dont la profession est reconnue à risque.
LSR

(*) Du nom du philosophe américain John Rawls dont l’ouvrage la Théorie de la justice, paru en 1971, est la source à laquelle viennent s’alimenter toutes les réflexions sur la justice sociale.

Facteurs de pénibilité 
La liste admise par l’Organisation mondiale de la santé

La pénibilité au travail se définit comme l'exposition à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels pouvant laisser des traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé. Le code du travail prévoit une obligation générale de sécurité qui incombe à tout employeur. 
À ce titre, il doit évaluer et prévenir l’ensemble des risques professionnels auxquels sont exposés les salariés. Lorsque les mesures de prévention se révèlent insuffisantes, certains risques sont facteurs de pénibilité. Au-delà de certains seuils d’exposition, la loi prévoit la mise en place d’actions spécifiques et instaure des mécanismes de compensation au bénéfice des salariés concernés.
Dans tous les pays disposant d’un système de retraite, les salariés exposés à la pénibilité au travail peuvent partir en retraite plus tôt que l’âge légal. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a inventorié les principales nuisances à ce sujet. Voici la liste des facteurs de pénibilité à prendre en compte sur le compte pénibilité. 
Environnement physique agressif. Au titre de l'environnement physique agressif : les interventions et le travail en milieu hyperbare (sous fortes pressions) ; les températures extrêmes ; le bruit à des niveaux de nuisance reconnus dans la loi algérienne sur la médecine du travail.
Rythmes de travail. Au titre de certains rythmes de travail : le travail de nuit dans les conditions fixées par la loi sur la médecine du travail ; le travail en équipes successives alternantes, avec au moins 1 heure de travail entre minuit et 5h ; le travail répétitif caractérisé par la répétition d'un même geste, à une cadence contrainte, imposée ou non par le déplacement automatique d'une pièce ou par la rémunération à la pièce, avec un temps de cycle défini.
Contraintes physiques. Les 4 facteurs de risque qui suivent : les manutentions manuelles de charges lourdes ; les postures pénibles définies comme positions forcées des articulations ; l'exposition à des agents chimiques dangereux (ACD) ; les vibrations mécaniques mentionnées  dans les lois en vigueur relatives à la médecine du travail et à la prévention des risques professionnels.
D. H.

 

 

 

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