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Rubrique Société

Le prêt-à-penser Consommer réseaux sociaux et applis

Après le prêt-à-porter et le prêt-à-manger, le facile-à-consommer s’empare de la pensée. C’est ce qui ressort de l’utilisation expansive des réseaux sociaux et qui installe une facilité de la propagation et de l’utilisation d’une information vraie ou fausse. Encore mieux, ou pire, un buzz crée la tendance et impose le format de réflexion. Pourquoi les applis et les réseaux sociaux peuvent-ils avoir autant d’impact sur l’intellect ? Sommes-nous égaux devant leur impact ? Pouvons-nous y résister ?

Internet et plus spécifiquement les réseaux sociaux ont libéré l’initiative, ont développé une nouvelle forme de communication et ont permis la création d’une nouvelle économie sans frontières. Mais pas que ! Comme dans toute innovation d’un outil, les bienfaits et les contrefaits sont bien réels et doivent être jugulés.

L’émotion au pouvoir
Trouver l’axe d’attaque qui marque et qui fait réagir est la règle d’or que connaissent tous les communicants. Une règle comprise, admise et utilisée par tous les influenceurs et autres youtubeurs. Dans la sphère des réseaux sociaux, tout le monde peut créer la tendance et imposer sa vision d’un fait ou d’une personnalité publique ou pas. Le seul dénominateur commun est de faire appel à l’émotion et sans développer un argumentaire. Une image, une séquence vidéo de quelques secondes, une musique peuvent, à elles seules, conquérir des milliers de likes et le faire considérer comme un leitmotiv à suivre. Le tout est de savoir manipuler les émotions entre : colère, empathie, nostalgie, crainte,… et cela commence par des appels ou cris : celui qui s'insurge contre les révisions trop importantes des enfants ? Contre la route défoncée ? Contre une arnaque à la caisse ? Celui qui pleure, qui crie, qui supplie, qui revendique ? Sous le titre Comment les réseaux sociaux ont favorisé l'émotion au détriment de la raison, Robert Zuili, psychologue clinicien, explique dans une tribune libre : « L'émotion nourrit et légitime notre idéologie, nos valeurs et nos convictions. Ce ressort est le fruit de notre histoire, des expériences émotionnelles fortes que nous avons vécues, subies : abandon, rejet, trahison, humiliation, perte, imposture, ... Ces blessures étayent une estime de soi plus ou moins solide.
L'aide que nous avons eue, le réconfort, le soutien, la reconnaissance, ou à l'inverse l'isolement, la critique, l'indifférence ou la désapprobation sont autant de repères qui contribuent à forger nos personnalités, nos croyances, nos représentations d'un monde que l'on peut considérer comme exaltant, tranquille, apaisant ou inquiétant, dédaignant, menaçant !
Dans ce nouveau monde où l'émotion est jetée au-devant de la scène, il y a une contagion émotionnelle que les réseaux sociaux favorisent. Celles et ceux qui se «croyaient isolés dans leur perception d'un monde insupportable se retrouvent, se comprennent et se soutiennent. Ce qu'ils pouvaient minimiser jusque-là comme une injustice locale, prend une tournure de réalité partagée. Et là, c'est comme une révélation instantanée !»
De ce fait, dans la société algérienne où le maître mot de vie est le tabou, les réseaux sociaux ont permis l’élimination de l’isolement forcé. Chacun peut se reconnaître dans un «leader» et approuver sa vision, sa conduite, en se basant uniquement sur l’émotion générée par ses propos. Selon les dernières statistiques de la Banque mondiale, 112% de la population sont abonnés à la téléphonie mobile. En contrepartie, 52% ont utilisé au moins une fois internet en 2020 d’après les statistiques de la Banque mondiale. L’Algérie compte, aujourd’hui, plus de 24 millions d’utilisateurs Facebook, soit 55% de la population. Pour la répartition selon le genre : 62% des utilisateurs de Facebook étant des hommes contre 38% seulement de femmes. Facebook est en tête suivi de très loin par Instagram et Snapchat.

Visionner, mémoriser, consommer et ne pas réfléchir
Hormis les avis de décès ou de naissance, sur les murs de nos amis virtuels, rares sont ceux qui partagent des faits liés à leur vie quotidienne. Exit la littérature d’il y a dix ans. Les textes d’opinion ont disparu et ont laissé place à de petites phrases (des punch balls), des images impersonnelles ou des mèmes. Les utilisateurs relayent sans réfléchir des contenus qui leur semblent vrais ou proches de leur ressenti. Bref qui agissent sur leurs émotions. La facilité de consommer des informations fausses ou au contexte dénaturé, soit en propageant des mèmes, c’est-à-dire des messages – visuels le plus souvent – spécialement conçus pour être partagés très vite est bien étudiée. Et c’est notre cerveau, conditionné, qui le demande. En cause, la dopamine. En effet, dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), il est noté que l'information agit sur le circuit de récompense du cerveau en produisant de la dopamine. Soit exactement de la même manière que le font l’argent ou les sucreries.
«Pour le cerveau, l'information est sa propre récompense, au-delà de son utilité», explique le neuroéconomiste Ming Hsu. «Et tout comme nos cerveaux aiment les calories vides de la malbouffe, ils peuvent surévaluer l'information qui nous fait nous sentir bien mais qui n'est peut-être pas utile, ce que certains appellent la curiosité oisive.» Dans cette étude, le chercheur relève que «le cerveau convertit l'information en curiosité et sa conversion en une dépendance au numérique. Nous avons pu démontrer pour la première fois l'existence d'un code neuronal commun entre l'information et l'argent, qui ouvre la porte à un certain nombre de questions passionnantes sur la façon dont les gens consomment, et parfois trop, l'information», poursuit le
Pr Hsu.
Cette dépendance devient quasiment similaire à celle de l’alcool, les cigarettes, la junk-food ...
Beaucoup dans notre entourage tentent, avec le temps, de se déconnecter et de disparaître des réseaux sociaux. «J’ai pris conscience que je me réveillais en pleine nuit pour voir si je n’ai rien raté de l’actualité ou que je relayais systématiquement ce que je pensais juste sans prendre la peine de vérifier. Je passais près de cinq heures sur mon iphone sans réellement me rendre compte. Pour moi, c’était comme un réflexe de consulter mon fil, de liker et de devoir exister sur les réseaux sociaux. Maintenant, j’essaye de me limiter et il y a ceux qui me contactent parce que j’ai pratiquement disparu de Facebook», relève Soumia, cadre dans une entreprise étatique.
Apprendre à vivre sans les réseaux sociaux est ainsi devenu un apprentissage et plusieurs pays ont laissé des études médicales pour permettre aux personnes les plus vulnérables telles que les enfants de s’en prémunir. La maladie du numérique sera-t-elle la nouvelle maladie du XXIe siècle…
Sarah Raymouche

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