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Rubrique Société

Allier le jeûne et la grossesse Entre vouloir et pouvoir

Comme chaque année, ce sont des milliers de musulmanes enceintes qui se trouvent devant un dilemme : jeûner ou pas ? Dans cette page, nous vous proposons leurs témoignages.

C’est bien connu dans les préceptes de l’islam, la femme qui est enceinte ou qui allaite peut être dispensée du jeûne si elle craint pour sa santé ou pour celle de son bébé. Elle compensera alors par un rattrapage ultérieur et/ou en nourrissant un pauvre pour chaque jour manqué. Cependant, avec l’accord de leur médecin, de nombreuses femmes décident de jeûner.

Les angoisses de l’entourage
«Franchement, je ne me suis pas trop posé la question. Étant enceinte de 7 semaines, je me suis dit que cela n’aura aucun impact sur ma santé. Je n’ai même pas posé la question à mon médecin traitant. Je venais tout juste d’apprendre ma grossesse. J’avais encore du mal à réaliser, et je devais m’adapter à cette nouvelle étape de ma vie. C’est en annonçant à mon mari et à nos deux familles respectives que la donne a changé. Ils ont commencé à paniquer et chacun me racontait une histoire ou anecdote sur la copine ou la voisine qui avait fait une fausse couche alors qu’elle jeûnait», raconte  Yasmine, maman de la petite Aya. Et de poursuivre : «Alors lorsque le mois béni était arrivé, je n’étais plus dans le même état d’esprit. Une fatigue de rien du tout et je culpabilisais. Mais cela s’est dissipé grâce à ma gynécologue. Elle m’a expliqué et conseillé de jeûner normalement sans trop me fatiguer. Elle m’a certifié que le jeûne n’avait pas de répercussions sur la santé du bébé, mais qu’il fallait faire en sorte de manger équilibré et varié le soir. Je devais bien évidemment rompre le jeûne si je me sentais mal. Donc, j’ai décidé d’oublier les histoires racontées à gauche et à droite et de me concentrer sur mon carême et ma grossesse et de vivre ces moments pleinement. Ce qui est important de savoir aussi, c’est que la femme enceinte a l’obligation de manger s’il s’avère qu’elle est  trop fatiguée ou faible. Avec du recul, je ne regrette pas mon choix.» Le même son de cloche pour Nawel qui a dû convaincre son mari que ni elle ni son bébé ne mourront à cause du jeûne. Elle explique  : «Mon époux m’a toujours considérée comme une poupée de porcelaine, trop fragile. Dans certaines situations, cela est une bonne chose mais dans d’autres cela tourne à l’obsession. Cela a été le cas pour le Ramadhan où j’étais enceinte de quatre mois. Pour lui, il était exclu que je jeûne car je risquais de perdre la vie et celle de notre enfant. Il en était persuadé. Alors des jours, si ce n’est des semaines avant le mois de carême, il ne cessait de me répéter qu’il avait lu, ou bien entendu des histoires de fausses couches à cause du carême. Et que cela pouvait même mettre en péril la vie de la maman. J’avais beau le rassurer, il n’en démordait pas. J’ai dû l’emmener avec moi chez la gynécologue pour qu’elle lui explique que les femmes enceintes jeûnaient depuis des siècles et que les fausses couches étaient provoquées par d’autres facteurs. Il était plus ou moins rassuré. Et il m’a aidée dans toutes les tâches ménagères durant cette période, et j’en ai bien profité. Pour moi, je voulais vraiment jeûner parce que je ne me sentais pas la force de ‘‘rembourser’’ trente jours après l’accouchement. Maintenant, notre fille est parmi nous et elle va partager avec nous son premier Ramadhan.»

Tout le monde peut changer d’avis…
On peut être ferme sur son choix de jeûner ou pas. Et de changer d’avis ! C’est le cas de Sabrina, maman de deux enfants. Elle entame son récit : «Lorsque je rencontrais une femme enceinte qui avait atteint le troisième trimestre et qui jeûnait, je me disais qu’elle était folle, inconsciente, vaniteuse… J’avais toujours dit, moi enceinte à ce stade, je ne voudrais pas entendre parler de carême pour ne pas mettre en péril la vie de mon enfant. Et pourtant, l’année dernière, j’ai vécu la même histoire. Je peux dire maintenant que j’ai eu même la chance de vivre ma grossesse et le mois de Ramadhan en même temps. Je dis chance, car cela m’a permis de me tester, de tester ma foi, mon endurance. Alors on peut revenir sur des choix déjà faits, à froid. Mais arriver à jeûner en paix n’a pas été évident avant le Ramadhan et au début, car la culpabilité est là, celle qu’on nous fait porter, et les questions ne cessent pas.» Pour prendre une décision définitive, hormis celle du corps médical, Sabrina s’est tournée tout naturellement vers internet et les réseaux sociaux. «Autant de sons de cloche que de personnes, d’avis que de gens… Alors que faire ? J’ai consulté mon médecin traitant qui m’a rassurée et qui m’a expliqué que cela n’a pas d’impact sur le bébé surtout que mon bilan sanguin est parfait.
Concernant mes habitudes alimentaires, il ne fallait pas forcément les changer, il suffit juste de manger ce dont le corps a besoin pour tenir et il faut surtout beaucoup s'hydrater. On peut lire dans le Coran que le musulman ne doit pas se causer du tort, je savais donc à l’avance que je pouvais rompre mon jeûne à tout moment. Je peux dire que j’ai pu passer un bon Ramadhan par la suite sans angoisse et surtout sans sentiment de culpabilité», poursuit cette maman.

Être chouchoutée et en profiter
«Dès le départ, j’avais fait le choix de ne pas jeûner. Pour moi, il était hors de question de ne pas profiter de ce que l’islam me donne comme avantage, d’autant plus que le mois de Ramadhan était en plein août. C’était ma première grossesse, et j’étais choyée comme une reine. J’étais à mon septième mois, je revenais du travail, j’allais directement dans ma chambre et j’allumais le climatiseur. Je m’allongeais, face à la télévision, et je caressais mon gros ventre bien arrondi. 
Quand j’avais faim, je me rendais à la cuisine et je mangeais tout à mon aise. Et comme à l’étage au-dessus résidait ma belle-famille, à l’heure de l’iftar, je descendais avec mon mari les quelques escaliers, pour m’attabler bien tranquillement. Autant dire, aussi, que je ne faisais pas la vaisselle. Pour moi, c’était le meilleur Ramadhan de toute ma vie. Mais lorsqu’il fallait rendre ses 30 jours, cela a été très dur et très long. Mais bon, je ne regrette pas», raconte en rigolant Samra. Elle n’est pas la seule à avoir profité de cette situation. C’est le cas aussi de Meriem, enceinte de sept mois : «Depuis le début du mois sacré, je suis entourée d’affection et d’attention de la part de mon mari. Il fait tout à la maison. Comme l’année dernière nous étions en plein confinement, il avait pris goût à cuisiner quelques plats. Pour cette année, et mon bilan sanguin est  mauvais, mon médecin traitant m’a demandé de me reposer mais je pouvais jeûner. Aussi, mon adorable époux, à qui je ne souhaite que du bien, cuisine et me choie. J’en profite en espérant que ses bonnes habitudes dureront le plus longtemps possible.»
Sarah Raymouche

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