En Algérie, la libération de certains métiers a fait en sorte que
cette donne puisse être appliquée. « Je suis chirurgien-dentiste. Pour
ouvrir mon cabinet dentaire, j’ai dû faire des prêts. La part la plus
importante du budget est la location de l’appartement dans lequel
j’exerce. J’ai payé pour une durée de deux années pour ne plus me
préoccuper de cela. Et par la suite, j’ai voulu me marier. Comme c’est
un F5, j’ai préféré garder deux chambres pour notre vie de famille avec
une séparation, le reste est réservé pour le cabinet. Nous avons décidé
de nous en accommoder pour une durée de deux années encore. Mais c’est
juste temporaire. Mon épouse travaille et donc elle n’est pas gênée pour
l’instant et nous n’avons pas d’enfants. Mais sur le long terme, je ne
pense pas que ce soit vivable. Pour l’instant, je savoure. Je profite
des avantages uniquement et j’essaye de ne pas m’attarder sur les
inconvénients. C’est vrai, cela m’épargne de me déplacer, me permet de
bien manger, de me payer le luxe d’une petite sieste quand il n’y a pas
beaucoup de patients. Et surtout, en tant que jeune couple, de faire des
économies », raconte Mourad, jeune chirurgien-dentiste, établi à Alger.
C’est la même réflexion qu’a eue Nawel, coiffeuse, la quarantaine : «
Pendant longtemps, j’ai caressé le rêve de travailler à mon compte et
d’avoir une vie de famille équilibrée. Dès que mes enfants ont été
scolarisés, avec mon mari, nous avons aménagé notre garage en salon de
coiffure. De cette façon, le matin, dès que je dépose les enfants à
l’école, j’ouvre le salon de coiffure. S’il y a des clientes, je m’en
occupe, sinon je monte préparer le déjeuner et m’occuper du ménage. Dans
le cas où quelqu’un se présente, il y a un interphone qui permet aux
clientes de rentrer, le temps que je descende. C’est vrai qu’il y a des
jours où c’est très fatigant ; mais, je préfère, car je peux allier ma
vie professionnelle, qui était pour moi un rêve ultime, et ma vie
familiale, importante pour moi. »
Il n’y pas seulement les métiers liés aux services qui sont concernés.
Dernièrement, il y a eu une explosion en nombre d’emplois liés au
télétravail.
Télétravail… ou travailler à partir de son canapé !
« Quand j’ai lu sur une annonce le recrutement d’architecte en
télétravail, je me suis dit c’est le job de mes rêves. J’ai une amie qui
est community manager, je la voyais comme un idéal. Pour moi, travailler
chez soi est un rêve, cela permet de supprimer les déplacements et les
pertes de temps dans les transports en commun. Je me disais je serais
indépendante. Et c’est vrai. Je ne connais pas toutes ces contraintes.
Je gère seule mon planning. Mais, je connais d’autres inconvénients que
je n’aurais jamais soupçonnés. Je suis stressée tout le temps à cause
d’internet. J’ai peur qu’il y ait une coupure, ou une panne de courant.
C’est devenu pratiquement une source d’angoisse. Il y a, aussi, le fait
que je parle moins aux membres de ma famille car les débuts ils me
perturbaient dans mon travail, j’accusais du retard dans mes dossiers et
mes supérieurs n’ont pas manqué de me faire la remarque. Alors, j’ai dû
pratiquement me fâcher avec mes parents, mes frères et sœurs pour qu’ils
ne me dérangent plus. Et quand moi, je veux discuter ou faire une pause,
ils ne partagent pas forcément avec moi cette envie. En plus, mon
bureau, je l’ai installé dans ma chambre. Et c’est exiguë. Des fois,
j’étouffe et je m’installe dans le salon et cela devient très gênant.
Mais bon, cela me permet d’avoir des économies et sur le long terme je
créerai mon agence qui sera, bien évidemment, pas mon lieu de domicile
mais pas trop loin non plus ! »
Des répercussions sur la santé mentale et sur la cellule familiale
Eh oui ! Rien n’est parfait dans la vie. Il y a des inconvénients et
des répercussions sur la santé mentale mais aussi sur la vie de famille.
« Je suis devenue hyperstressée. Avec mes enfants, je suis agressive. Et
avec mon mari, je ne peux même pas lui parler comme s’il est responsable
de ma situation. Comment dire, je me sens coincée ! », c’est en ces
termes que s’est exprimée Anissa, gérante d’une crèche. Elle précise : «
Comme c’est une grande villa, avec jardin, espace jeux, nous avons
consacré le dernier étage pour notre famille. Les premiers temps,
c’était une très bonne chose. Je descends, j’ouvre la porte de
l’établissement à 7 heures en attendant mon équipe. Et je fais descendre
par la suite mes enfants. Je remonte au cours de la journée chez moi
pour les activités ménagères ou autres. Mais à la longue, je suis
épuisée. J’essaye de minimiser les déplacements dans la villa. J’ai
tenté d’instaurer une sorte de séparation et de ne monter que pour le
déjeuner, mais au final, c’est la même chose. Je sens que je suis
isolée, cloîtrée. Je suis devenue même envieuse de mes collaboratrices,
le soir quand elles me disent au revoir à demain. Pourtant, c’est chez
moi. Mais en fin de compte, cela l’est sans l’être. J’ai l’impression
d’être coupée du monde. Donc, le week-end, impossible pour moi de rester
à la maison. Si mon mari ne veut pas sortir, je me rends chez des
proches, je sors quelque part… Bref, je ne reste pas à la maison. Et
cela impacte fortement ma vie de famille. A long terme, nous
réfléchissons à séparer notre lieu de celui du travail. Nous avons
entamé un investissement dans ce sens. J’espère que mes nerfs tiendront
le coup ! »
Ce témoignage n’est pas isolé. Comme le résume Marc Dumas et Caroline
Ruiller dans leur étude intitulée : « Le télétravail : les risques d'un
outil de gestion des frontières entre vie personnelle et vie
professionnelle ? » Il y est noté : « L’affaiblissement des frontières
entre vie professionnelle et vie privée est un phénomène en
développement depuis plusieurs années. De nombreuses enquêtes alertent
sur le brouillage des frontières et la fatigue de salariés, en
particulier de cadres contraints de ramener du travail chez eux. Les
NTIC sont « complices » de ce brouillage des frontières. Le télétravail
est en effet un environnement de travail (TIC, domicile, distance de
l’équipe et du management) propice à l’intégration du travail dans la
vie personnelle. Ainsi, tandis que les salariés connaissent de plus en
plus un débordement du travail dans leur vie privée grâce aux multiples
fonctionnalités des TIC, le but du télétravail n’est pas de faire perdre
toute notion spatio-temporelle au télétravailleur, mais, au contraire,
de trouver un certain équilibre entre sa vie personnelle et sa vie
professionnelle. » Et d’y ajouter : « Bien qu’un certain nombre de
travaux voient dans ce brouillage des frontières privées et
professionnelles une fluidification et une convergence harmonieuse des
usages, la plupart des études mettent l’accent sur les risques que ce
brouillage représente pour le bien-être des salariés, à la fois dans
leur vie au travail et hors travail ».
Sarah Raymouche
Rubrique Société
Travail et lieu de vie Faut-il les séparer ?
Quoi de mieux que s’épargner de longues heures d’embouteillages,
d’éviter des réveils en sursaut pour arriver à l’heure à son lieu de
travail ou bien encore s’accorder du temps le matin pour prendre un bon
petit-déjeuner complet et accompagner ses enfants tranquillement avant
de se rendre au boulot ? C’est pour s’accorder ces plaisirs, que
beaucoup ont choisi de faire en sorte que leur lieu de vie soit
également leur espace de travail.
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