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Rubrique Société

Racontez-moi la Pointe Pescade (2e partie et fin)

Par Dr Mourad Betrouni
Avant la réalisation d’un château d’eau, l’alimentation en eau potable était assurée par un réseau de canalisations aériennes de captage de sources, des bassins de retenue et tout un système de puits. C’est la mainmise sur ces sources naturelles qui assura la régularité relative de l’économie spéculative de la ville. Une fois le château d’eau réalisé (1947), un réseau moderne de distribution est mis en place pour desservir l'agglomération. Avec le système d’éclairage au gaz, déjà mis en place, le nouveau système d’alimentation en eau allait garantir un véritable décollage économique, centré sur les activités de la mer. L’occupation, jadis saisonnière, devient de plus en plus permanente et la vocation de la ville se précise. Elle était, toutefois, contrariée par les effets dommageables de la cimenterie Lafarge, tant par les poussières émises que par la défiguration du paysage,  les travaux de carrière.
La dichotomie amont/aval
Une dichotomie amont/aval a été créée par le fait même du plan d’agglomération, qui s’est donné une caractéristique occidentale par le croisement du Cardo et du Decumanus, à l’endroit même de la  place du 14-Juillet  qui, à l’image du Forum romain, constituera le centre de la vie politique et économique dont seront exclus les «indigènes», ceux de l’amont. Pour marquer la territorialité occidentale, dans ses démembrements essentiels (hôtel de ville, église, école,  routes…),  le colonisateur va établir une hiérarchie des dénominations, qui donneront du sens à la nature même du processus d’occupation coloniale. 
Les avenues et rues à connotation française  constitueront les grandes artères qui baignent l’organisme territorial avenue de Bourmont, avenue Général Leclerc, avenue du Général Farre, avenue du Comte Guyot, avenue de l’Amiral Duperré» rue Poincaré.  Elles ont été placées en vis-à-vis et au croisement des avenues et rues à connotation ottomane : avenue Kheireddine, avenue Barberousse, avenue Raïs-Hamidou, avenue des Pirates et rue de la Bataille. Cette articulation binaire a été conçue pour structurer la mémoire d’une «épopée» coloniale, qui légitimait la possession d’un territoire, au titre du butin de guerre. 
Les noms de  Kheireddine  et de  Barberousse, qui désignent, en fait, un même personnage, renvoient à une période révolue, qui n’a aucune relation filiale avec la conquête coloniale, Kheireddine Barberousse étant mort en 1546, presque 3 siècles (284 ans) avant la colonisation française. De la même manière,  Raïs Hamidou était mort en 1815 et n’avait, là aussi, aucun lien de confrontation avec la colonisation française. Cet anachronisme est une forme d’usurpation historique pour la fabrication d’un imaginaire occidental autour de la piraterie et de l’épopée corsaire, dont la France de l’amiral Duperré aurait eu raison. Il est même fait état d’un «château Barberousse» pour ancrer la fiction dans les imaginaires coloniaux, voire même postcoloniaux.
Un peu plus tard, une attitude moins belliqueuse, plus attachée à une vocation littorale et maritime de la ville, est traduite par un autre type de dénomination : l’avenue du Port, le boulevard des Pêcheurs, la rue du Boulodrome, la rue de la Réserve,  la rue Rhodes, l’avenue des Amandiers.
L’avenue Saint-Augustin, l’avenue Saint-Pierre  et la place Saint-Christophe introduiront insensiblement un cachet religieux, fondamentalement catholique. Aucune mosquée ni synagogue ne derangeront un ordre latino-chrétien solidement établi. Une volonté d’appropriation et de patrimonialisation de l’espace par une population européenne, pour qui l’Algérie est définitivement française, est, ensuite, exprimée à travers d’autres formulations plus personnalisées : l’avenue de Villalba, l’avenue Laperlier, le lotissement Pignodel, le lotissement Martin,  la rue de la Villa Bonnet, l’avenue Saliman, la rue Lafarge, la rue Maurice-Rouget  et l’avenue Antonini. 
Seules la rue Lavoisier et l’avenue Saint-Saëns renvoyaient à un besoin, très timide, de reconnaissance, fondé sur la science et la culture.
La  Pointe Pescade  va connaître un envol économique grâce à la qualité de  ses  infrastructures et équipements, qui vont structurer le paysage et définir une vocation : la cimenterie Lafarge, les Bains Franco, la Corniche, la Rascasse, le sport nautique, le Printaniat, les restaurants, hôtels, bars et guinguettes.

La cimenterie Lafarge et le port de Franco : deux éléments structurants
La proximité d’un dispositif portuaire préexistant,  Mers Edebban, et d’un flanc de massif à roche calcaire qui avançait sur la mer, ont constitué les deux atouts, l’un géographique et l’autre géologique,  qui ont présidé à la création d’une carrière d’extraction du calcaire et d’une usine de  fabrication de pierre, de chaux et de ciment. Le transport de ces produits devant être assuré par voie maritime, moyennant un système judicieux de wagonnets qui se relaient, d’abord,  par l’effet de gravité, avant de s’engranger sur des rails posés sur quatre  grands piliers carrés, appelés depuis «les quatre pantons», pour aboutir, enfin,  aux bateaux transporteurs.
Cette entreprise fut d’une grande rentabilité au lendemain de la colonisation, couvrant les besoins de toute une ville portuaire en pleine expansion, Alger. 
Quant au port Franco et au-delà de sa fonction industrielle, il s’était déployé sur les activités de pêche puis au fur et à mesure sur celle des loisirs et de l’agrément. Avec la nécessité d’extension du périmètre urbain de la ville d’Alger, un plus grand afflux de population est enregistré, transformant une vocation de résidence secondaire saisonnière en une occupation de plus en plus permanente, introduisant la formule de l’habitat collectif. 

Le Casino de la corniche
C’est un colon d’origine maltaise, Henri Azzopardi, propriétaire de la brasserie le Novelty et du dancing le Fantasio, près de la rue d’Isly, qui tenait, aussi, le Casino de la corniche de la Pointe Pescade. Il avait une grande influence sur le marché du divertissement, du jeu et du plaisir, et savait répondre à la demande d’une jeunesse européenne coupée de la métropole, en lui servant des programmes qui correspondaient à sa aspiration, celle de vivre son algérianité française, si bien rendue par l’école prédominante des  algérianistes. Il invitait de grandes célébrités de l’époque, de la dimension de Dario Moreno. Il y avait également le célèbre Coccinelle et la troupe du Carrousel de Paris. Les dimanches après-midi étaient consacrés à des concerts et des bals de grande ampleur, qui attiraient toute une population algéroise, en quête de reconnaissance sociale, des gradés de l’armée française, officiers et sous-officiers. Ce commerce de luxe avait de fortes incidences sur l’économie locale, par ses rentrées financières régulières, la création de l’emploi et la dynamisation de tout un commerce d’alimentation.

Le commerce balnéaire 
Entre les  Deux-Moulins  et les Bains romains, sur ses 3 kilomètres de longueur, la ligne de côte de la Pointe Pescade dessine une succession de criques peu profondes, bordant des plages sablonneuses ou à galets, et de promontoires rocheux plus ou moins abrupts, taillés dans le schiste ou le calcaire d’âge primaire. 
Cette compartimentation du paysage,  d’est en ouest, les Deux Moulins, la  Pointe Pescade, les Horizons bleus,  Miramar, les  Bains romains, constitua une opportunité pour la réalisation  de projets de commerce balnéaire, moyennant quelques aménagements pittoresques, des escaliers d’accès aux plages et aux criques, des cabines, des terrasses ainsi que des systèmes d’élévation type treuils métalliques  et de rangement des bateaux.
Toute une suite de maisons et d’édifices de plaisance, bien accrochés au substratum, constituera un type de commerce lié à la mer, autour duquel se développeront un langage et une grammaire à la pataouète : d’est en ouest, les plages Perthus, Maccota,  Mont Rocher, la Petite  et la  Grande Plage, la  Crique,  Bouabdallah, les Deux-Îlots, le Grand Rocher, la plage  Franco, la  Réserve et la Vigie. Des lieux de mémoire où s’est fabriquée une véritable communion avec la mer.

La place du 14-Juillet et l’église Saint-Cristophe 
Le centre de la ville était fixé à l’endroit de deux monuments d’importance, la place du 14-juillet où se pratiquait tout un rituel festif commémoratif, prétexte de rassemblement, de ralliement et de rencontre, et l’église Saint-Christophe qui, au-delà de sa mission sacrée classique,  avait accédé à une fonction quasi profane, celle de célébrer un salon de voitures, par la bénédiction des voitures. Les boulodromes participaient aussi, et d’une certaine manière, de cette centralité. C’est en ces lieux que se concevaient, le temps d’une partie de pétanque, agrémentée d’apéritifs d’anisette, les scenarii et les élucubrations des marins pêcheurs. On parlait de pastéra, de voile et d’aviron, de bouillabaisse de poulpe, de girelle, de rascasse, d’oreille-de-mer, d’oursins et d’arapèdes, de grillade, de bronzage, de soleil et de gomina, un corpus lexical qui vous place sur le terrain du détachement et de l’insouciance. Il n’est question que de la performance du corps, du sport, des plongeons et des prouesses de la pêche. Rien n’est aussi important que le plaisir du corps. Points de faits significatifs de science ou de culture. Nous lui reconnaissons le seul hommage rendu, en 1935, au compositeur Camille Saint- Saëns, l’auteur de l’opéra Samson et Dalila, qui passa quelques années à la Pointe Pescade, dans une petite villa mauresque, en face de la mer, ayant appartenu à Xuereb. Il s’agit d’une plaque commémorative en marbre, portant l’inscription : «Camille Saint-Saëns vécut dans cette maison de 1889 à 1892 et y conçut ‘’Ascano’’». 
Il y a lieu de citer également le souvenir d’Albert Truphémus (1873-1949), cet enseignant français, qui fut inspecteur de l’enseignement «indigène» et qui s’était établi à la Pointe Pescade, dès l’année 1925, pour se consacrer à l’écriture, au journalisme et à la politique. Il était rédacteur en chef du journal socialiste Demain.

Les hauts faits historiques
L’opération Torch (Alger, 1942). En novembre 1942, pendant la Seconde Guerre mondiale, l’armée de débarquement alliée, constituée de soldats américains et britanniques, conduite par le général américain Ryder, avait organisé un mouvement d’encerclement d’Alger et un débarquement en trois groupements. Cette entreprise militaire a été dénommée  opération Torch. Le premier débarquement, appelé «Apples», se fit entre Bou Ismaïl (Castiglione) et l’embouchure de l’oued Mazafran. Il était scindé en deux groupes, le «White», qui devait se diriger sur Birtouta, et le «Green» sur Blida. 
Le Second, appelé le «Beer», était scindé en trois groupes, le «Green», qui débarqua sur la plage Sidi Ferruch pour occuper le fort et dont un commando  devait marcher sur Alger, par El-Biar, le «White» qui débarqua près de Ras Acrata (Guyot-Ville), pour se diriger sur Bouzaréah, et le «Red», constitué par un gros commando, qui débarqua à la Pointe Pescade, pour s’emparer de la Batterie Duperré et continuer sur Alger. 
Le troisième, appelé «Charlie», constitué par quatre groupes, le «Green», le «Blue», le «Red1» et le «Red 2» qui devaient débarquer respectivement sur les plages de Jean-Bart, Aïn-Taya, Surcouf et l’embouchure de l’oued Reghaïa. Ces groupes avaient pour objectif de neutraliser le fort à Cap-Matifou, de prendre l’aéroport de la Maison-Blanche, actuel Houari-Boumediene et boucler Alger.
Les habitants de la Pointe Pescade avaient vécu le débarquement du commando le «Red», sur les plages de Miramar et son déploiement en direction de sa cible, le fortin Duperré, sur les hauteurs de Saint-Eugène. Divisée entre pétainistes, collaborateurs et partisans de la France libre, la population de la Pointe Pescade ne semble pas avoir conservé la mémoire de cet évènement, qui n’est que timidement évoqué.

La réunion des six (1954)
«La réunion de six» est une expression consacrée, qui renvoie à un évènement marquant, voire fondateur de l’histoire de l’Algérie, celui qui a consacré l’arrêt de la date et de l’heure du déclenchement de la Révolution : le 1er novembre 1954 à minuit. Cette réunion s’est déroulée à la Pointe Pescade, le 23 octobre 1954, au domicile de feu Mourad Boukchoura, un nationaliste algérois, établi en famille, dans une maison, située à une centaine de mètres du «Terminus», au numéro 24 de la rue Comte-Guillot, actuelle avenue Bachir-Bedidi. Au-delà du fait historique lui-même, dont les historiens continuent à analyser la portée, il y a un fait de mémoire, fondamental, celui du vécu d’un Algérien, gagné aux objectifs d’une révolution qui n’était pas encore annoncée, vivant avec sa famille, en un lieu de tous les risques, le «Terminus», là où tout se voit et tout s’entend. C’est là où le bus 1/8  de la Pointe Pescade marquait son terminus — tout le monde descend. Très rares les familles musulmanes qui étaient établies en ces lieux, elles se faisaient discrètes et étaient mieux sécurisées sur les hauteurs, là où elles pouvaient s’agréger en petites communautés. D’aucuns ne pouvaient penser que là, dans l’antre même de la bête immonde, se concevait le destin d’une nation. Six hommes, qui ne pouvaient pas passer inaperçus car traqués par la police française, après la découverte de l’Organisation spéciale (OS), ont bravé toutes les épreuves pour réaliser la rencontre historique.  Rabah Bitat, Mohamed Boudiaf, Krim Belkacem, Larbi Ben M'hidi, Mostefa Ben Boulaïd et Didouche Mourad.
C’est dans la maison des Boukchoura que ce comité des six a fixé la date du déclenchement de la Révolution, rédigé la Déclaration du 1er Novembre 1954, décidé la création du Front de libération nationale (FLN) et de son aile militaire représentée par l’Armée de libération nationale (ALN) et définit la zonation du territoire. Une maison qui, naturellement, doit être érigée en un mémorial — par l’œuvre d’’un sculpteur — et où il serait écrit, en réplique au Mémorial colonial de Sidi Ferruch, érigé le 14 juin 1830, à l’occasion du centenaire de la colonisation :
«Ici, le 23 octobre 1954, dans la maison de Mourad Boukchoura, par ordre du comité des six, a été arrêtée la date du déclenchement de la Révolution, rédigée la Déclaration du 1er Novembre 1954, et décidée la création du Front et de l’Armée de libération nationale.» 

«Farid la Corniche» : l’enfant de Toudja
De la bombe du Casino de la Corniche, la mémoire du lieu ne semble avoir retenu que l’image d’une déflagration qui aura causé la mort et la désolation parmi la population européenne. Le récit s’arrête à cette image, comme s’il s’agissait d’arrêter le temps pour passer à autre chose. 
Le «dimanche 9 juin 1957» est une date que nous n’avons pas retenue ; c’est, pourtant, le jour J de la pose de la bombe au Casino de la Corniche, un jour de fête chrétienne, la Pentecôque. Plus d’un demi-siècle de l’indépendance, le surnom de «Farid la Corniche» n’éveille aucun souvenir chez une population, censée marquer son territoire libéré, par les lieux fondateurs de cette libération. «Farid la Corniche» c’est Lounès Imekhlef, cet enfant de 17 ans, du village Tighilt Oumegal, de la commune d’Aït R’zine, dans la wilaya de Béjaïa, plongeur au restaurant du Casino de la Corniche, qui sera l’un des éléments chargés des opérations suicide à Alger.
La bombe du Casino de la Corniche ne peut s’arracher à son récit total et à sa cohérence sémantique. Cette opération, minutieusement planifiée, renvoie directement au commandement de la Zone autonome d’Alger, dans un contexte marqué par une répression féroce et des exactions brutales perpétrées par l’armée française. Reprenant les témoignages de Yacef Saâdi, le récit est une épopée qui nous réconcilie avec les fondamentaux de la bataille d’Alger. Yacef Saâdi, Ali La Pointe, Ramel et Si Mourad en sont les concepteurs, Ahmed Chicha, Mohamed Bouharid, Abdallah Boukadoum et Lounès Imekhlef, les exécuteurs. 
Le processus se déclinant de la manière suivante : une bombe, d’environ 4 kg, dissimulée dans un filet à provisions contenant des petits pois, était acheminée par Mohamed Bouharid, depuis l’impasse Lavoisier jusqu’au café Bourahla, rue de la Flèche, où elle est remise à Chicha, vers 13 heures. Parvenu au square Bresson (actuel Port-Saïd), Chicha monte dans une voiture 202, conduite par Abdallah Boukadoum, qui traverse Bab El-Oued et Saint-Eugène pour parvenir à la Pointe Pescade à 15h30. Là, dans un refuge, Lounès Imekhlef attendait impatiemment ; il récupère la bombe et la dissimule dans un sac de plage, en la recouvrant de serviettes et de linge de rechange.
C’est à partir de ce moment que le compte à rebours commença, pour cet enfant de 17 ans, armé de sa seule  conviction et de détermination. Il se dirigea vers le Casino, emprunta, non pas l’entrée principale, mais la porte du personnel, le sac sur les épaules, sans montrer de signes d’hésitation. Il escalada les quelques marches d’escalier qui mènent à la salle de spectacle, se dirigea vers l’estrade de l’orchestre, sortit discrètement la bombe de son sac et la glissa sous l’estrade. Elle était programmée pour 19 heures, moment d’ouverture du bal par le célèbre chef d’orchestre Lucky Starway (Lucien Séror) et ses musiciens.
 Le temps nécessaire pour Lounès Imekhlef de quitter les lieux et de rejoindre directement le maquis. La bombe explosa à l’heure convenue, elle fit d’énormes dégâts, une dizaine de morts et une centaine de blessés, sans compter les dommages matériels. Nous n’entendrons plus parler de «Farid la Corniche», il est au maquis entre Cherchell et Médéa. Tombé au champ d’honneur, il sera enterré à Koléa en octobre 1960. En 2014, il est ré-inhumé dans son village natal, Tighilt Oumegal. Il est surprenant que ce récit héroïque ne soit pas raconté aux enfants de mon quartier, qui s’identifient davantage à Barberousse et Raïs Hamidou qu’à Lounès Imekhlef «Farid la Corniche» et aux martyrs de leur propre localité. 
Le nom de Lounès Imekhlef «Farid la Corniche» est à inscrire au panthéon des chouhada, il doit, aujourd’hui, rayonner dans les espaces conquis du Casino de la Corniche de la Pointe Pescade, par un mémorial dédié à son acte de bravoure, à ses compagnons d’armes et aux martyrs de la Pointe Pescade. 

Conclusion
Aujourd’hui que des nostalgies s’expriment çà et là  sur un vécu chargé de couleurs et d’odeurs, il demeure essentiel, par nécessité de mémoire envers les nouvelles générations, d’ici et de là-bas, d’établir un bilan, un solde de tout compte, de l’héritage concédé par la France coloniale, après plus d’un siècle d’établissement. 
En dehors des bars, des guinguettes et des casinos dédiés au farniente et au plaisir corporel, que reste-t-il de cet effort «civilisationnel» de légitimation et de justification de l’établissement colonial ? Lorsqu’ en 1962, les espaces désertés sont investis par les populations musulmanes, libérées, il n’y affleurait que des étals de vin et des boudins de charcuterie au milieu de tout un fatras d’objets d’une industrie du plaisir et du loisir. 
En 132 ans, pas un seul nom ne se détache pour exprimer une chose de l’esprit. Un livre, une œuvre, un ouvrage.  Pouvait-il en être autrement ? A. Camus y répond poétiquement : «L’idéal de ces jeunes gens puisque la plupart continuent cette vie pendant l’hiver et tous les jours à midi se mettent nus au soleil pour un déjeuner frugal. Non qu’ils avaient lu les prêches ennuyeux des naturistes, ces protestants de la chair (il y a une systématique du corps qui est aussi exaspérante que celle de l’esprit). Mais c’est qu’ils sont bien au soleil.» «On ne mesurera assez haut l’importance de cette coutume pour notre époque. Pour la première fois depuis deux mille ans, le corps a été mis nu sur les plages.» 
La Pointe Pescade était toute à refaire, elle ne saurait se raconter par le seul déroulement d’un album photos. Mais là, c’est toute une autre question, algéro-algérienne. Comment de la Pointe Pescade on est parvenu à Raïs Hamidou ?
M. B.

 

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