Il me suffit de passer à côté et de croiser le tas d’ordures qui squatte indéfiniment les lieux, pour détourner vite le regard. Pas pour éviter de râler, encore, contre des élus qui ne vont jamais là où il faut et n’entretiennent, quand ils le font, que ce qui est apparent. Je ferme les yeux pour ne pas maltraiter mes souvenirs. Pour garder bien au chaud ces compagnons de route apaisants. Ils me rappellent que je ne fabule pas. Les souvenirs qui empêchent de sombrer sont personnels et entretiennent cet équilibre à la recherche duquel on court pour ne pas renoncer. Pour ne pas désespérer de ce qui reste à réussir et que l’on pense être seul à percevoir. De ce que l’on désespère de partager avec son entourage. La capitulation culturelle d’un pays en mal de tout et l’incapacité à combler le vide et à nourrir des esprits qui ne pensent plus qu’à fuir. Le sentiment d’abandon remet les bouchées doubles à chaque fois qu’un hommage est rendu ailleurs. Là où les hommages à des hommes ou des femmes, qui ont inspiré le progrès et l’ouverture aux autres, se succèdent. Il y en a toujours qui officient, dans pareil cas, pour expliquer pourquoi le ressentiment ne se justifie pas. Ces avis-là, on sait ce qui les inspire et par qui ils sont «fabriqués». Des conseils et des projections qui disent le profond malaise ambiant.
L’éloquence des commentaires qui font écho, par exemple, à un évènement repris par un média en dit long sur la misère morale qui habite la grande majorité des intervenants.
Un, deux, trois hommages… d’une nation tout entière, qui met ses divergences de côté, le temps de faire ses adieux à des personnalités qui ont enrichi le cheminement des petits et des grands, renseigne sur la force de ses fondements. Les aînés ne sont pas seuls à saluer leur départ. Bel héritage et précieuse transmission. Les grands nourrissent la mémoire quand la relève communie avec ferveur. Des moments où l’émotion fait en sorte que rien ne trouble le recueillement. Émotion et reconnaissance. Les honneurs rendus aux talents qui ont marqué leur vie interpellent sur l’indifférence dans laquelle s’en vont les nôtres, largués déjà de leur vivant.
M. B.
