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Impressions tizi-ouziennes(3)

Dans cet espace de parole, il n’est pas possible de faire toute l’épaisseur d’une ville comme Tizi-Ouzou. Il est naturel que je saute, ou que j’oublie, certains aspects de notre espace commun de vie. Oui, j’ai cité quelques « houmette », en omettant d’autres. J’ai laissé couler ma mémoire, sans lui intimer une quelconque liste. Il est clair que ma ville natale, Tizi, est constituée d’une addition de quartiers, chaque quartier possédant sa spécificité, ses hommes, ses légendes, aussi. Il me faut plus d’espace et de temps pour en faire le tour dans le détail. Un travail futur, plus fouillé, pourrait être envisagé ; là, je serai en mesure d’aller dans les détails. Que chacun sache que Tizi-Ouzou est pour moi cette mer(e), tantôt possessive, tantôt détachée. Naturellement, je n’incrimine pas ceux qui ont fait l’impasse de leur ville ; chacun voit sa ville à sa porte, comme il l’entend. Tizi-Ouzou demeure, pour moi, mon ineffable zénith. 
En ce moment précis où la nostalgie tance mon cœur et ma mémoire, il me plaît de revoir ma ville natale, comme elle l’était à ses origines. C'est-à-dire une ville à taille d’homme, à taille de rêve et à taille de projection. Dans les années 70, la puissance publique a mis le paquet sur Tizi-Ouzou, en mettant sur la touche nombre d’arrondissements qui auraient pu, aujourd’hui, jouer un rôle important dans le développement social. Il n’y en avait que pour Tizi, je le sais, hélas. Aussi, à cette minute nostalgique, il me plaît de la retrouver telle que je l’ai aimée, coquette, propre, aimante, à portée de main et, surtout, en adéquation avec elle-même. 
Il y a quelque temps, le poète, Mohamed Attaf, faisait le compte des villes dans cette seule ville, Tizi-Ouzou en l’occurrence. Sur les hauteurs se nichait l’ancienne ville, ville des anciens, dite « ville indigène » par le colon, dont la frontière fut le boulevard du nord (actuel Bd Nouri-Mustapha). Puis on dégringolait par couches successives ; puis il y avait le centre-ville, avec la grand-rue comme étant le cœur du cœur. Ce centre européen est daté. Est-ce cela la vraie ville de Tizi-Ouzou ? Personnellement, j’en doute fort. La colline des genêts existaient bien avant. Puis, il y a la nouvelle ville, où plus de deux mille citoyens en font maintenant leur espace d’habitat, avec les aléas d’une cité qu’on n’arrive pas à embellir ni à humaniser. J’y ai passé plus d’une dizaine d’années aux « 2000 ». Maintenant, il faut rajouter les coopératives et autres pylônes du téléphérique. Ça donne une idée de l’état de ce centre de vie. J’y étais la toute dernière fois, je me suis senti tout de suite oppressé. Mais, il faut bien habiter, ici ou ailleurs ! Plus que plusieurs villes dans une seule ville, n’est-ce pas Mohamed ?
Notre poète doit savoir maintenant qu’il y a le pôle d’excellence d’Oued-Fali. Habité ? Oui, il l’est, bien sûr. La crise du logement est toujours d’actualité dans notre pays. Perso, je n’ai pas encore mis les pieds dans cette partie de la nouvelle Tizi-Ouzou. D’aucuns se plaignent déjà de beaucoup d’aléas. D’autres, par contre, sont satisfaits de la chance de disposer d’un toit sur la tête. J’ai souvent entendu cette phrase : « Pourvu que j’aie un toit sur la tête. » Le toit y est, désormais. Maintenant, il faut faire de ce morceau de Tizi-Ouzou un espace où il fait bon vivre.
Je voudrais juste demander à notre poète, Mohamed Attaf, si le compte y est maintenant, lui le jongleur des chiffres et le tisseur de belles rimes. Il faut que je lui en parle, même si ma nostalgie persiste à me ramener, manu militari, vers cette « koumcha » de ville que fut Tizi-Ouzou, du temps où tarder dans une houma, qui n’est pas la tienne, pouvait finir par une torgnole. Chacun était jaloux de son espace de vie. Il suffisait de dépasser une frontière, virtuelle il est vrai, que l’on se fasse remarquer. « Wech, que fais-tu ici ? » C’est un peu comme dans nos villages ; d’un village à un autre, on est (l’)étranger, aberrani. Même « si le pain de la maison est mangé par l’étranger », je fais un calque pour les anciens Tizi-Ouziens, les choses ont drôlement changé, désormais. On est libre de traîner ses guêtres d’une houma à une autre, sans problème. La porosité s’est faite depuis, déjà, un bon moment.
Il faudrait qu’un jour, un spécialiste s’intéresse aux sources de la ville de Tizi-Ouzou. Selon le regretté Si Moh Feredj, il y aurait eu plus d’une trentaine de sources, qui faisaient de Tizi-Ouzou une ville d’eau. Certaines sont encore visibles ; d’autres, par contre, ont complètement disparu. Aïn T’lata a été totalement bouffée par le béton de la construction. Il serait intéressant, à mon sens, d’en refaire l’inventaire. D’en connaître les itinéraires. Et en faire un tracé hydrique. J’avais entre les mains cette liste des 33 sources, je ne l’ai plus. Je me demande si un tel document peut se trouver au niveau de la mairie. La seule source qui a pu être sauvée reste Aïn Hallouf ; alors que Zoudj Ayoun et Aïn Soltane n’ont pu l’être. Le bâti est là, sauf que la source a tari. Ou déviée. 
Ce sont toutes ces petites choses que je voudrais retrouver. Ce qui n’est pas malheureusement pas évident. Encore heureux que nous disposions de photos d’époque, pour faire revivre l’atmosphère d’antan. Oh, il y a tellement de choses à dire sur Tizi Ouzou, comme sur tant d’autres villes algériennes. Il me semble que chaque génération jette, comme sur des vestiges, le voile de l’oubli sur ce qui est passé. Chaque génération construit sa propre cosmogonie, ce qui est légitime. Tizi de mon enfance n’est plus celle du gamin d’aujourd’hui. À l’époque, nous n’avions que les limites de notre imagination comme jeux, alors qu’aujourd’hui, la limite est fixée par le seul progrès technologique.
Qui commande la nostalgie ? Comment arrive-t-on à subir sa crise ? Est-elle un élément salvateur ? Ou, au contraire, destructeur ? Il faut que je pose la question à mon toubib préféré. En tout état de cause, depuis quelques jours, cette diablesse de nostalgie (puis-je l’appeler ainsi ?) ne cesse pas de me houspiller, surtout quand la nuit blanchit entre mes doigts, comme cette « horloge au salon » de la chanson de Brel. Je voudrais refaire le chemin de l’école. Je voudrais refaire les sorties scoutes. Je voudrais refaire les parties de tennis de table. Je voudrais revoir les traits adolescents sur ceux de mon âge. Je voudrais repartir au Cirque Amar. Je voudrais revoir, à la télé en noir et blanc, Le Virginien. Je voudrais revoir David Vincent. Je voudrais faire trempette sur la grande plage de Courbet-Marine. Je voudrais retrouver le goût du thé du café Boudjemaâ. Je voudrais piquer une tête dans une « guelta » de l’oued Sébaou. Je voudrais revoir mes instituteurs, Hocine Terzi, Aït Iftène Saïd ou Hocine Si Amour. Oh comme je voudrais retrouver mes amitiés d’antan et mes amourettes adolescentes ! J’arrête là ! La cocotte minute n’arrête pas de siffler…
Y. M.

P. S. : cette chronique est dédiée à la mémoire des regrettés Rachid Zeghdoud et Youcef Khellas. 

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