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Rubrique Tendances

Journée ordinaire d’un confiné au temps du corona (9)

Voilà, je suis à ma neuvième semaine de confinement. Je n’ai plus la mesure du temps. Les jours passent à l’allure d’un baudet lourdement chargé. Oui, c’est la dernière semaine de sidna  Ramadhan. Ça traîne en longueur. Les anciens disaient de cette période : «C’est la semaine du bourricot.» Façon de nous préparer mentalement à la journée qui traîne ses guêtres, faisant de nos estomacs des outres définitivement vides. Qu’on ne vienne pas me dire que ce mois de jeûne fait ressentir la faim aux plus riches, pour qu’ils puissent ressentir la même sensation que le pauvre. Je n’y crois plus à ces sornettes. La table du riche, ya kho, est autrement plus opulente que celle du pauvre. 
Enfin, c’est juste une digression. Il n’en demeure pas moins que sortir, par ces temps «covidés» à la puissance 19, fait courir un risque certain. Aussi, je reste sagement à la maison. Je domestique mon ennui. Je retiens mon souffle. Et je fais la brosse à ma migraine. 
Au fait, les «immortels» français, ces gens qui coupent la syntaxe en huit, viennent compliquer encore la langue française. Selon eux, «corona» est féminin. Ça fait plus de deux mois que nous disons «le corona». Aujourd’hui, il faut qu’on s’habitue à féminiser cette maladie. J’ai essayé de comprendre le schmilblick. Paraît-il que corona en anglais est féminin ; donc les «immortels» se conforment à la thèse british. C’est du moins ce que j’ai compris. Aussi, il faut à l’avenir dire «la corona», sous peine d’être collé par l’Académie française. Quoique, masculin ou féminin, le ou la corona est une drôlesse, qui ne rate aucun client. Alors, sortez masqués, respectez la distanciation sociale, lavez-vous les mains aussi souvent que possible et, surtout, restez vigilants. 
J’ai remarqué, lors de ce confinement, que certains magasins sont à demi fermés. Je ne sais pas s’il faut dire à moitié ouvert ou à moitié fermé. C’est selon l’humeur, me dit une voix intérieure. C’est comme le verre à moitié plein ou à moitié vide. L’optimiste dira : «À moitié plein.». Et le pessimiste dira : «À moitié vide.» C’est kif-kif pour les boutiques. Perso, je les vois à moitié fermées. L’autre rétorquera qu’elles sont à moitié ouvertes. Or, je sais qu’une porte doit être ouverte, fermée, jamais entrouverte. Je les comprends, ces commerçants ; il faut qu’ils vivent. Il faut qu’ils travaillent. Il faut qu’ils fassent des rentrées. Les factures n’attendent pas. Les charges fixes. Les salaires. Les impôts. Et tout le toutim ! Puis ces commerçants doivent faire vivre leurs familles. Comment ? Ils font comme ils peuvent, en contournant la loi. C’est simple d’ordonner, non ? Mais il faut aussi trouver des solutions de rechange à ces commerçants. 
C’est un peu l’histoire de la zlabia. A Tizi, le «Tounsi» — respectueux de la puissance publique — a fermé. Je ne vois plus de chaîne. Sauf que d’autres revendeurs de sucre (?) sont ouverts devant Dieu et ses hommes. Je ne comprends pas cette situation. Ces revendeurs doivent-ils être fermés ou pas ? Y a-t-il des commerçants au-dessus de la loi ? Je ne sais pas. Encore une fois, ces gens-là doivent travailler. Et gagner leur vie. Le confinement, c’est bien beau ; mais il faut remplir le couffin. Plutôt, les sachets en plastique. Quelque part, je donne raison à ces récalcitrants. On ouvre. On ferme. La puissance publique ne sait plus sur quel pied danser. On ouvre et on contrôle. Le reste est affaire d’organisation et de pédagogie sociale. Dès lors que les amateurs de zlabia s’empiffrent avant le jour de l’Aïd.
Je vais rester dans l’orthographe. Comment dois-je écrire, le «frik» ou le «fric»? Je vise ici le blé concassé pour le djari. Pour m’amuser, je dirais il faut du fric pour avoir du frik. Les Algériens utilisent le frik pour se remplir le ventre. Et les autres (la issaba) utilisent du fric pour se remplir la bedaine. Je ne peux pas la louper celle-là, elle est tellement facile. Mais tellement vraie qu’El-Harrach s’en souviendra ! Au fait, a-t-on récupéré le fric de ces gens-là? Non, il n’est pas à eux. C’est du fric mal acquis, non ? Il est où, ce fric ? Ici ou
ailleurs ? Le frik, je sais où il est. Il est partout. Le meilleur, me semble-t-il, se vend à Guelma. L’autre me dit : «Non, à Bordj Bou-Arréridj.» À Batna. À Annaba. L’autre fric, je ne sais pas où il peut se trouver. Il sera difficile à retrouver. À ramener à la maison. Quant à mon frik, où que vous allez sur le territoire algérien, vous êtes en mesure de le trouver. 
Au fait, pour l’Aïd, y aura-t-il un confinement ou pas ? Wella, on va tous sortir. Aller voir les proches, les amis, les copains et les voisins de passage. Bousboussate. Etreintes. Accolades. Corona par-ci, corona par-là. Les statistiques vont s’affoler. Les hôpitaux risquent de déborder. La crue, quoi. Perso, je ne ferai rien de cela. J’éviterai tout ce micmac. Comme j’éviterai les gâteaux multicolores. J’utiliserai, si possible, mon bigophone. Un petit «saha aïdkoum». Et puis s’en va ! A moins qu’on fasse un couvre-feu diurne pour tout le monde. Sacrilège, que dit cet énergumène ? Je vois d’ici des barbes rougir de colère. Enfin, si les pouvoirs publics ne disent rien, que chacun fasse selon son cœur. Puis, basta !
Pour tout vous dire, le cœur n’est pas à la joie. Le cœur est au confinement. Le temps à fait son œuvre. Et la mémoire est pleine à craquer. Quand les souvenirs débordent, le cœur pleure sa nostalgie. Les épaules se font lourdes et l’espace de sens rétrécit gravement. Les couleurs ternissent le regard. Et les mains happent le vide. Le vide est à venir, lors de l’ultime vertige. De l’ultime céphalée. Et quand, par miracle, par des chemins immatériels, des visages aimés viennent construire leur rêve, l’aube me surprend encore plus fatigué. Ceux-ci indiquent leur distance dans un vide sépulcral. Restent quelques démiurges pour me dire la fin. Je laisse dire Djamel Amrani : «Puis-je enfin m’éveiller/Par devant l’aube scellée en moi/A la pointe des décombres/Fermer les yeux/L’alcool de la blessure/Qui passe le givre matinal/A fleur de terre/Retenir le buisson qui s’enfièvre/Cendres qui prolifèrent ma lyre/Dans un labour de ciel/Pendant ce temps avant la faillite/Un exorde s’interpose.»
Y. M.

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