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Rubrique Tendances

Juste pour dire

En investissant cet espace de parole, à l’instant même, je me suis dit qu’il fait un temps à ne pas mettre un neurochirurgien dehors, surtout si, par ailleurs, il détient dans sa gibecière l’art de manier la musique. De la lire. De l’écrire. De la reprendre dans des morceaux actualisés. Le temps était juste un mélange de « laqqya », de flou dans le regard et de pincement au cœur. Je laisse le soin à certains lecteurs avertis de cette chronique de traduire le mot « laqqya ». Personnellement, je ne saurais pas le faire. 
Zaâma, je veux être léger. Et ne pas m’encombrer d’une chronique sérieuse, où l’analyse des choses prendrait le pas sur ce moment à la limite de l’ivresse. Il est des moments, comme ça, où on a juste envie de déconner. De dire n’importe quoi. De prendre à la légère des événements d’une certaine gravité. Puis, par ce temps qu’aucune couleur n’accepte, je suis moi-même insortable. Il est préférable de me laisser confiner dans ma chambre, à suivre un programme animalier. Je suis frappé par la « laqqya », au point où je n’arrive pas à enchaîner correctement une phrase. Pourtant, je ne suis ni musicien, ni neuro « quelque chose », encore moins un pianiste. À moins que Salem Kerrouche se dévoue à m’apprendre quelques rudiments de la musique.  En ce moment, en ce temps indéfinissable, je ne suis pas adepte de la soulographie sans alcool. Conclusion, nous sommes déjà deux à ne pas mettre dehors en ce temps impersonnel, le neuro et moi. 
Pourtant, en compagnie de Nonor et Mus, nous avions gravi le mont des orfèvres. Oui, oui, c’est le titre d’un ouvrage de Belkacem Achit. Pour être plus explicite, nous nous trouvons à At Yenni, la patrie de Mouloud Mammeri qui se repose désormais du « sommeil du juste », dans la terre de ses ancêtres, depuis 89. Il serait bon ton de parler de ce démiurge qui, de solitude en humilité, a laissé aux autres un trésor inestimable. Voilà que je me pique à la sériosité. Monsieur Google que je viens de consulter jure sur tous les saints de la langue que ce mot existe. Ihi, je l’utilise, moi itou, pour faire sérieux. Ne l’oublions pas, nous sommes au Premier salon du livre d’At Yenni. Hassan Metref est derrière les manettes, au point où il m’arrive de me demander à quelle substance illicite il se shoote. Je le vois d’ici siroter de l’huile d’olive vierge. Sacré Hassan (H100) ! 
Un salon du livre par ce temps de sinistrose ! Je me suis posé un tas de questions. Il n’y a pas que ça, il y a en parallèle des conférences liées à l’événement. J’ai dit à mes potes, Nonor et Mus, à moins que ce soit eux qui me l’ont dit, enfin peu importe, il y aura certainement des auteurs et des livres, mais de lecteurs, point. À quelques jours de Sidna Ramadhan, les gens ont la tête beaucoup plus aux denrées alimentaires. Oui, c’est comme ça, nous sommes chez nous, il faut nous faire confiance. Du reste, j’aurais dû poser la question à Mustapha Benfodil, le premier que j’ai coincé à At Yenni. J’ai eu juste le temps de le saluer rapidement. Dommage, j’aurais bien aimé connaître son avis. Il y aura bien d’autres occasions pour approfondir quelques questions avec notre sympathique écrivain.
Quel est le lien à établir entre le premier salon du livre d’At Yenni et la foire-solde de la Safex ? A priori, aucun ! Sauf qu’à la foire, un ministre de la République s’est déplacé, pour rassurer la population jeûneuse sur la disponilité des produits de la « mangeation » durant le mois de la « grosse bouffe ». Si l’huile fait sa mijaurée, le dernier roman d’Abdelmoaiz Farhi est disponible, bien en vue sur l’étal et au prix coûtant. Je voulais dire ça à Benfodil, mais le temps nous mène tous par la barbichette. J’en ai parlé à mes coéquipiers d’infortune de la journée. Au fait, un ministre s’est-il déplacé au Salon du livre d’At Yenni ? Je poserai, a posteriori, la « kistiou » à Hassan, l’infatigable raconteur d’arts. Mais soyons sérieux sur les bords, ce n’est pas avec le dernier roman d’Akli Derouaz qu’on va faire la chorba « m’qetfa ». Encore moins, un « lehem lehlou ».  
Yakhi, je vous ai dit que je n’étais pas sortable, ce jour-là. Et je ne suis ni neuro, ni musicologue, ni conférencier de quoi que ce soit, ni vendeur de livres. Je suis venu à At Yenni, dans mes poches une sinistrose comme pas possible, voir mes potes les poètes, les écrivains, enfin les faiseurs de livres, j’ai failli dire les faiseurs de rêves, parce que c’est plus adéquat, et de circonstance, oui, je suis venu les voir, de visu, ressentir un peu leurs solitudes, leurs souffrances, leur témoigner mon affection, mais aussi leur montrer ma sinistrose. La mienne. Et celle des autres. J’ai vu Tahar Ould Amer, ou le contraire. Je ne lui ai pas parlé de mes doutes cosmiques, je l’ai juste encouragé à la mise en place d’un salon du livre amazigh à Ouacif. Au fait, faut-il mettre un « s » à ce toponyme. Hacène Halouane pourrait bien, ultérieurement, me chuchoter la réponse, à Tizi ou à Djelfa. 
Le temps d’un vertige, j’ai vu ce salon du livre se métamorphoser en salon des produits d’ucci. Des produits alimentaires. Nous sommes bien à un empan de Sidna Ramadhan. Et je promets que Kafka ne m’a pas soufflé ni l’idée ni le vertige. À moins que ce soit le mal des hauteurs. Au fait, At Yenni est à quelle altitude ? Aucune plaque signalétique ne l’indique. Les élus sont à l’amende. Je les vois me dire, d’ici, attends qu’on en finisse avec les PCD, puis on pensera à tes lubies des hauteurs. Bref, les uns pensent à la nourriture de l’esprit ; d’autres pensent à la boustifaille. Quoique les deux ne se rejoignent pas; il faut manger impérativement, surtout après « le coup de canon ». On se met autour d’une table accablée par le nombre de mets ; il suffit juste de laper les premières cuillères de chorba, hop, on quitte la table, surtout pour les amateurs de nicotine, clope ou chemma. Par contre, on peut ne pas lire impérativement un livre ; c’est juste une consommation, une simple consommation, de la tête. Je me demande ce qu’en pense le docteur Boudarene, lui qui une vie durant a pédalé à se faire des mollets d’Eddy Merckx. « Une vie à pédaler », Mahmoud, est-ce suffisant pour se faire une idée, justement, de la vie ? Je sais que tu n’es pas philosophe ; tu devrais tout de même avoir une idée. 
Des auteurs, j’en ai rencontrés à At Yenni. Ils sont venus, ils sont tous là. Chacun avec le produit de ses tripes. Tous se plaignent de la mévente. Et tous se plaignent de l’édition qui ne suit pas le mouvement. Mais que dire à un éditeur qui avoue n’avoir plus le sou pour éditer un ouvrage ? Verser avec lui des larmes. Ou se dire que demain est un autre jour. Ils étaient tous là : Abderrahmane Yefsah, Akli Derouaz, Jaoudet Guessouma, Lynda Koudache, Mustapha Hadj Ali, Mouloud Ounoughene, Ali Hedjaz, Amin Zaoui,  et tous les autres que je ne peux citer dans cet espace de parole. Maintenant, je voudrais savoir ce qui s’est passé, là-bas, dans l’autre foire de la « hargma ». Un salon du livre dans chaque daïra de Tizi-Ouzou ? Ce serait le pied ! Mais attention, trop  de salons  tue  le salon ! Puis vivement le salon du livre amazigh à Ouacif !
Y. M.

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