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Rubrique Voyage

Guenzet, le développement par monts et par vaux

Par Farouk Zahi
En cette mi-journée printanière du dernier vendredi d’un avril pluvieux finissant, les deux compères septuagénaires ont dépassé El Achir où les effluves de grillades embaument l’atmosphère. Bordj Bou-Arréridj, bastion de l’industrie électronique, si fiévreuse, est, momentanément, calme à l’heure de la prière hebdomadaire. A l’intersection nord de la ville, le point giratoire indique plusieurs directions : Médjana, mythique fief des Mokrani, Aïn Soltane à gauche, Bordj Zemoura et Guenzet à droite.
Cette dernière, à un peu plus de 45 km, sera la destination finale des deux voyageurs. La voie dédoublée sur une dizaine de kilomètres offre un roulage aisé dans la platitude avant l’abord des piémonts de la
chaîne montagneuse des Bibans.
La campagne clairsemée de constructions rurales, il y a à peine une décennie, est présentement perlée de petites agglomérations en conurbation le long de la route. Bordj Zemoura, visible de loin par la densité de son bâti, surnommée, à juste titre, la cité de la montagne dominante, semble partir à l’assaut des piémonts hauts des Bibans. Plus étroite, la route partant en lacis serrés est toutefois indemne d’excavations à l’inverse de certains tronçons de l’autoroute dont le chahut du bitume constitue parfois un réel péril pour les véhicules roulant à vive allure. Dans l’un des hameaux traversés, l’œil vigilant de l’un des deux briscards a relevé, comme une sorte d’instantané, une large vitrine située à l’étage offrant à la vue une multitude de robes de mariée d’un blanc immaculé. Il pensait en son for intérieur qu’on n’arrête pas le progrès même dans les profonds terroirs.
La montée est présentement raide et les virages plus serrés, Guenzet est annoncée à 14 km. A quelques kilomètres du col, une nouvelle route bitumée part à droite en direction de Bougaâ et Hammam Guergour.
Ce contournement fait épargner aux automobilistes une plus longue distance et les désagréments de la traversée de l’agglomération principale des Béni Yaâla. La route réalisée à l’enrobé et bien matérialisée semble se délier à travers la verdoyante pinède qui annonce Guenzet. Des parasols en chaume et des bancs en bois, plantés çà et là offrent aux passagers des pauses conviviales. Sur le col surplombant la ville, la vue est imprenable sur une vallée rieuse où les maisonnettes partent à l’assaut des monts et des vaux.
C’est à ce moment-là que les résidents des platitudes réalisent leur bonheur en voyant ces constructions agrippées à la topographie abrupte du terrain dont la déclivité peut aller jusqu’à 45 degrés. Il faut parfois l’équivalent de 3 étages de piliers et de traverses de béton pour être à niveau avec le chemin ou la route. Les coûts de revient ne peuvent être que prohibitifs. Et l’aide à la construction consentie par la Caisse nationale du logement (CNL), de l’ordre de 700 000 DA, ne peut être, dans le contexte, que dérisoire au regard des coûts induits par le terrassement et autre confortement.
Les premières maisonnettes annonçant le village dépassées, la descente s’amorce en lacis doux. La vue panoramique embrasse un immense cirque montagneux fait de mamelons et de valons vertigineux. L’agglomération n’a de choix que de chevaucher une crête à trois branches dont la plus longue constitue l’extension urbaine de la ville.
Les vieilles maisons basses, faites de terre et de moellons de pierre couvertes de tuile romaine semblent céder la place aux constructions modernes dont certaines cossues font oublier, momentanément, au visiteur qu’il est en zone rurale. Il faut rappeler que la diaspora yalaoui résidant à Alger ou ailleurs, attachée viscéralement à sa terre natale, fait de son ancrage identitaire un point d’honneur. Il s’il fallait matérialiser cet état de fait par une preuve tangible, la démographie estivale dans les 19 villages que compte le fief yalaoui serait trois fois supérieure à celle de la basse saison.
Il y a, cependant, dans cette modernisation, tout a fait légitime, l’effacement inexorable d’un pan entier de la mémoire collective. Ces vieilles masures ont chacune une histoire, non pas locale, mais souvent nationale. De grands noms de l’érudition religieuse dans le sillage de cheikh Fodhil el Ourtilani tels que cheikh El Hachemi Bentayeb ou Cheikh Arezki Salah sont le produit d’une communauté ascétique dont la probité morale et intellectuelle fut des plus fécondes.
Le mouvement national ou la guerre de libération nationale ont eu leurs figures de proue tels que Arezki Kihal, deuxième homme du Parti du peuple algérien (PPA) après Messali Hadj, il mourut en détention le 14 avril 1939. Il est considéré comme le premier martyr du PPA. Et ce n’est que justice rendue à ce militant en baptisant de son nom le premier lycée de Guenzet. La révolution a eu ses femmes et ses hommes. Sans être exhaustif, nous citerons à titre illustratif : Si M’Hamed Bougara, commandant de la Wilaya IV historique, Debbih Chérif, M’Hamed Zekkal, les Gaid dont Malika, l’illustre martyre. Ceux qui ont survécu aux affres de la guerre et occupé de hautes fonctions dans le jeune Etat indépendant sont Smaïl Hamdani et Youcef Yalaoui. Mohamed Ghafir, l’homme de Clichy, est cette mémoire encore vivante des luttes de l’émigration nationale en terre d’exil. Les hommes de sciences ne sont pas en reste ; Yth Yaâla a marqué de son empreinte le monde médical algérien en la personne du défunt Mohamed Aouchiche, professeur de médecine agrégé en 1958 et père fondateur de l’ophtalmologie algérienne, et bien d’autres encore.
Votre serviteur qui n’était pas à sa première visite des lieux se trouva obligé de faire le Cicéron à son compagnon de route. Les changements étaient là. El Masdjid El Atik, plus vieille mosquée de la bourgade, n’est plus reconnaissable. Reconstruite et agrandie, elle est le premier édifice public recevant le visiteur venu du Nord.
L’ancienne école coloniale à l’architecture typique, excentrée dans un passé pas très lointain, est présentement phagocytée par le nouveau bâti. La modeste mairie a été avantageusement remplacée par un nouveau siège à étages paré d’un habillage moderne.
Le sanctuaire des Martyrs abritant plus de 600 sépultures, richement boisé et bien entretenu, inspire le recueillement.
La Sûreté nationale, jusqu’ici absente de la daïra, est dotée présentement d’un nouveau siège flambant neuf. Le centre de formation professionnelle, jadis esseulé dans une large clairière, vient d’être rejoint par le deuxième lycée du nom du chahid Aliane Ameur. Et c’est justement ici que le Docteur Amar Benadouda, maire de la ville, et M. Atmani Nadjib, président de la dynamique association culturelle des Yth Yaâla, reçoivent leurs convives. Le Dr Benadouda, qui n’est plus à présenter, a tenu à commémorer la journée du Savoir, ces 27 et 28 avril, par l’organisation d’une rencontre à caractère scientifique et économique animée par des personnalités du monde académique.
Le Professeur Moussa Achir, pédiatre de renom et chef de service hospitalo-universitaire, et le Dr Slimane Mohabeddine, éminent ophtalmologiste, étaient déjà là. Et pour cause. Enfants du terroir yalaoui, ils ont tenu, non seulement à être présents, mais être partie prenante en présentant chacun une communication lors de la séance inaugurale programmée le jour même à 15h.
Les thèmes ont été «La cataracte» pour le premier et «La santé de la mère et de l’enfant» pour le second. Cette première séance sera clôturée par une causerie qu’animera le Dr Benadouda en sa qualité de l’un des pères fondateurs du système national de santé que de nombreux pays, certains même dits avancés, nous enviaient. La seconde et dernière séance du 28, consacrée au segment économique, aura pour animateurs le Pr Younès Grar, spécialiste des technologies de l’information et de la communication, et M. Abdelmoumène Benmesbah qui a eu, quant à lui, à présenter une étude sur la gestion numérique de la ville intelligente.
Le Pr Yacine Ould Moussa, économiste et universitaire, alliera la didactique scientifique et le bon sens paysan pour exposer les lignes directrices d’un développement intégré d’une agriculture de montagne capable de répondre aux besoins d’une population en quête de bien-être économique et social.
Le trait de génie des organisateurs de l’évènement est sans nul doute l’hommage qui sera rendu à titre posthume au défunt Pr Mohamed Aouchiche, père fondateur de l’ophtalmologie algérienne, disparu discrètement le 30 juin 2011 aux Etats-Unis d’Amérique à l’âge de 95 ans et inhumé au carré musulman du cimetière de Fort Myers, en Floride. Le lycée Aliane, ce deuxième établissement secondaire qui vient consolider l'assise scolaire de cette circonscription de montagne, n'a rien à voir avec le premier aussi bien sur la distribution de l'espace que sur la qualité du travail.
Il faut reconnaître aussi que la maîrise d’œuvre a évolué depuis lors eu égard à l’expertise acquise par la technicité nationale. Le bloc pédagogique, d’un seul tenant, met les élèves et les enseignants à l'abri des aléas climatiques. Le bel auditorium à l'entrée de la structure sera le lieu de déroulement de la manifestation culturelle. Spacieux pour recevoir plus de deux cents personnes, il pèche cependant par une mauvaise acoustique. La réverbération du son sur les murs nus perturbe quelque peu la bonne audition du discours. On pouvait remarquer aux premiers rangs de la salle la présence de Mme et M. Mohamed Drif. En dépit d'un handicap invalidant, le père fondateur de la réanimation médicale algérienne a consenti un éprouvant déplacement depuis sa résidence à Alger pour assister à l'hommage qui sera rendu à son ancien confrère disparu.
A cet effet, Mme Malika Tiar, chef de service hospitalo-universitaire en ophtalmologie, accompagnée de son conjoint et en sa qualité de disciple du défunt savant, sera la récipiendaire de la distinction que les Béni Yalaa dédient à leur fils mort en exil. Elle aura, à ce titre, l'insigne honneur, la gorge nouée par l'émotion, de dérouler la vie et l'œuvre de son maître. Les professeurs Drif et Saïd Chibane, autre éminent savant de l’art médical, ont eu droit à une distinction honorifique dédiée à leurs parcours respectifs. Le jeune et dynamique chef de daïra qui n’a pas quitté un seul instant les séquences de l’évènement a, pour sa part, réaffirmé sa volonté de soutenir le rythme de développement imprimé à la circonscription territoriale qu’il dirige depuis peu et appuyer toute initiative qui ira dans ce sens. M. Atmani, président de l’association Yth Yaâla, constituée principalement de jeunes des deux sexes, a, lors de la clôture du colloque, rappelé que sur les lieux où se déroule l’événement se trouvait le stade communal. Compte tenu de la pauvreté de la commune en assiettes foncières, la population n’a pas eu d’autre choix que de consentir à céder le terrain sportif à ce temple du savoir qu’est le lycée. Aussi, il interpelle les pouvoirs publics à travers cette tribune à l’effet d’inscrire une opération de compensation.
La dynamique engagée par le Dr Benadouda lors de son mandat électif de 2007 à 2012 a porté ses fruits, puisque ses objectifs premiers, à savoir le désenclavement des hameaux et villages et le raccordement au gaz naturel, sont, de l’aveu même des bénéficiaires, quasiment atteints. Son principal crédo économique demeure «la vente d’oxygène», selon son expression consacrée.
L’altitude boisée du cœur des Bibans offre un éventail de projets dans le tourisme ou le sport. Il cite, sans être exhaustif, des centres pour récupération physique sportive ou de repos aéré. Dans une vision plus générale, les zones de montagnes auraient dû faire l’objet, à l’instar du Sud et des Hauts-Plateaux, d’une approche spécifique compte tenu de leur caractère singulier. On aurait pu développer une politique propre aux trois sites géographiques sous l’intitulé de zones d’accès difficile. A titre d’illustration, la région montagneuse qui s’étend de Zemoura aux Beni Ourtilane et de Guenzet à Bougaâ aux caractères socioéconomique et géographique identiques aurait gagné à être érigée en wilaya déléguée dans une première phase. A cheval entre deux ou trois wilayas densifiées par leur nombre élevé de communes, elles peinent probablement à être visibles tant leurs problématiques ne sont pas celles des autres entités territoriales. Ne disposant pas de structure hôtelière, les généreux Yalaouis de toutes conditions offrent le gîte et le couvert à leurs convives du moment.
Qu’ils en soient remerciés. Nos félicitations vont au proviseur et à l’encadrement du lycée Aliane-Ameur pour la bonne tenue des lieux et l’accueil fraternel.
F. Z.

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